Retour sur le premier long métrage officiel de Mario Bava, Le Masque du démon (La Maschera del demonio), sublime œuvre d’horreur gothique à (re)découvrir dans une riche édition médiabook Blu-ray + DVD signée Sidonis Calysta.
Synopsis : Marquée au feu rouge, un masque de bronze hérissé de pointes sur le visage, la sorcière Asa jette, avant de rendre son dernier souffle sur le bûcher, un sort à ses bourreaux. Trois siècles après son exécution, quelques gouttes de sang frais tombent sur ses restes. Il n’en faut pas davantage pour réveiller la servante de Satan qui multiplie les victimes dans la région, pressée de transférer son esprit maléfique dans le corps de la princesse Katia, sa descendante…
Gothic Bava
À la fin des années 50, le directeur de la photographie Mario Bava a sauvé de nombreuses productions en prenant en main leur réalisation suite au départ de leurs cinéastes pour des raisons diverses et variées : un problème contractuel pour Jacques Tourneur sur La Bataille de Marathon (1959) ou encore des problèmes de santé pour Riccardo Freda sur Caltiki, le monstre immortel (1959). On propose alors à Bava, l’un des futurs grands-parents du giallo comme du slasher, de réaliser son premier long métrage officiel, en remerciement de ses services. Un premier long qui va marquer les codes d’une carrière riche en couleurs – au figuré comme au sens littéral du terme.
Le Masque du démon vous plonge dans un récit gothique où les corps nécrosés en pleine résurrection croisent la légende chrétienne d’un mal pas tout à fait entériné et à l’origine d’une malédiction, avec un tableau Wilde-ien derrière lequel se cachent de terribles histoires d’inceste et de rites infernaux. Dans une œuvre au noir et blanc expressionniste – lui permettant d’éviter une certaine censure (que la version américaine tend à embrasser) –, Bava présentait ainsi un premier éventail de thématiques terrifiantes qui allaient dessiner une œuvre gothique baroque, vive, inspirée et inspirante (de Dario Argento à Tim Burton), dont le travail de l’épouvante allait dépoussiérer un genre pourtant en pleine renaissance du côté des Britanniques avec les œuvres à succès de la Hammer, et notamment celles du génial Terrence Fisher, qui fut par ailleurs une source d’inspiration pour Bava.
Comme le note justement le passionné et passionnant Christophe Gans dans son retour sur le film (l’un des riches bonus de l’édition), Mario Bava était plus un réalisateur intéressé par la mise en scène de ses éléments mythologiques que par l’installation claire et cadrée – et notamment dialoguée – de ceux-ci. Il ajoute que Bava, malin, construisait au fur et à mesure sa mythologie par la mise en scène. Complétons qu’au fond, Mario Bava n’était peut-être pas toujours clair sur les pouvoirs et capacités de ses créatures, mais il savait les installer progressivement par le langage du cinéma.
« Ut pictura poesis » (« comme la peinture, la poésie ») et plus encore, Bava n’avait pas besoin de dialogues, il avait mieux, le cinéma. Par un sens du cadrage élaboré, un montage malin (voir la découverte du tableau « vivant » non dans son entièreté mais par un morceau), et un travail sur la perception des matières (mortes comme vivantes), Bava déploie un arsenal d’outils cinématographiques pour dépasser facilement des contraintes budgétaires et nous permettre d’expérimenter un efficace récit du mal implicite et explicite, dont l’origine ancienne n’est pas sans évoquer un autre ponte de la terreur, H.P. Lovecraft.
Séquence d’ouverture du film dont la brutalité en marqua et marquera plus d’un(e) – Le Masque du démon (Mario Bava, 1960)
Le Masque du démon en Blu-ray
Sidonis Calysta a mis les petits plats dans les grands en proposant ce que de nombreux cinéphiles considèrent comme étant l’édition vidéo ultime du Masque du démon, en attendant, qui sait, une redécouverte en UHD 4K dans quelques années (voire décennies).
Le film est ici présenté dans ses deux versions, la version originale grandiose et celle américaine beaucoup plus sage dans son montage avec une bande-son moins en phase cependant signée par Les Baxter à qui l’on doit les sublimes partitions à la fois romantique et terrifiantes des non moins magnifiques adaptations des œuvres d’Edgar Allan Poe signées Roger Corman : La Chute de la Maison Usher, Le Puits et le Pendule, Le Masque de la mort rouge, entre autres. Les différences sont d’ailleurs recontextualisées par l’un de nos grands spécialistes de Mario Bava, Bruno Terrier, notamment gérant de la boutique cinéphile Metaluna Store.
Les deux versions se présentent avec des rendus vidéo qui peuvent sembler équivalents. On note toutefois qu’une scène du film et les plans avec titrages italiens proviennent de sources SD ici upscalées. Aussi la teinte n’est pas tout à fait identique : un noir et blanc avec une tendance magenta du côté de la copie italienne contre une tendance verdâtre pour la version américaine. Avec leur reprise de masters déjà édités chez Arrow il y a déjà quelques années puis chez l’Allemand Koch Media, Sidonis Calysta écrase l’édition DVD dont les Français devaient se contenter.
Le rendu visuel très convaincant est soutenu par des pistes sonores propres et dynamiques, desquelles la version originale italienne sort tout de même gagnante avec un meilleur équilibre. On félicitera toutefois l’éditeur pour la présence de l’excellent doublage français sur le montage original du film.
L’expérience du film est enfin richement complétée par ses bonus : une présentation académique d’Olivier Père qui tend à se répéter tant sur le film que sur le cinéaste ; la passionnante comparaison contextualisée des versions par Bruno Terrier ; la présence des bandes-annonces originale, américaine et britannique ; un entretien avec l’actrice principale Barbara Steele qui évoque ses souvenirs de tournage, sa prestation qu’elle regrette mais qui permet pourtant de sacraliser la sorcière qu’elle incarne. On trouve aussi, comme cité plus haut, un passionnant retour sur le film par Christophe Gans qui revient en profondeur sur le film et notamment sur le caractère déterminant et le travail du cinéaste. Enfin, édition mediabook oblige, on trouve un livret – de près de cinquante pages – signé Marc Toullec, un habitué des éditions vidéo (et notamment d’ESC), qui revient en texte et en images sur le film, de sa genèse à ses effets spéciaux, de la version américaine puritaine à l’expérience de l’actrice Barbara Steele, de son importance dans l’histoire du cinéma à l’admiration qui lui est portée par de nombreux grands cinéastes tels que ceux suscités. Vous imaginez bien que des compléments tendent à se répéter même si chacun des intervenants possède un ton qui lui est propre et chacun y va de son point de vue qui va différer dans les détails.
On ne peut ainsi que vous conseiller d’acquérir une telle édition. En effet, que vous soyez cinéphiles, fans de cinéma d’épouvante ou plus précisément gothique, ou encore néophytes, cette édition du Masque du démon signée Sidonis Calysta devrait vous combler.
Bande-annonce – Le Masque du démon (Mario Bava, 1960)
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Blu-ray
BD-50 – MPEG-4 AVC – 1080p HD – Langues : Italien et Français DTS-HD Master Audio (version originale) ; Anglais DTS-HD Master Audio (montage américain) – sous-titres français – 1960 – Italie – Durée : 1h27 (version originale) / 1h23 (montage américain)
COMPLÉMENTS
Présentation d’Olivier Père (29 mn)
Le film vu par Christophe Gans (41 mn)
Les différentes versions du film par Bruno Terrier (14 mn)
Entretien avec Barbara Steele (9 mn)
Bande-annonce originale (3 mn)
Bande-annonce américaine (2 mn)
Bande-annonce britannique ( 3 mn 27 s)
Livret signé Marc Toullec (48 pages)
Sortie le 24/03/2022 – prix de vente conseillé : 29,99 €