Pour les amateurs de western en général et de John Wayne en particulier (ça en fait, du monde), voir le personnage interprété par le Duke ne pas se trouver du bon côté de la loi, représente en soi une raison suffisante pour s’intéresser à ce film. Ce western léger voit en outre un autre monstre sacré du septième art enfiler ceinturon et stetson : Kirk Douglas. Ajoutez-y une équipe technique et créative de vétérans du western et de très jolis paysages mexicains, et vous tenez l’assurance de passer une bonne soirée. La Caravane de feu ne peut guère prétendre au statut de classique, mais son casting et sa position à cheval entre trois genres cinématographiques en font assurément une curiosité de qualité.
John Wayne sur un canasson. L’image a beau avoir été vue mille fois, elle a le don de flanquer le sourire à n’importe quel amateur de western, quel que soit le sujet du film. C’est donc avec cette image rassurante, cette compagnie familière, que l’on pénètre dans La Caravane de feu (The War Wagon), mis en scène en 1967 par Burt Kennedy. Ce scénariste spécialisé dans le western, à qui l’on doit notamment le script de quatre des meilleurs films de Budd Boetticher, est passé derrière la caméra au début de la décennie. Il est à noter que, curieusement, Kennedy n’est pas l’auteur du scénario de La Caravane de feu, qui a été écrit par Clair Huffaker qui adapte son propre roman (Badman/1957). Quant à l’irrésistible duo Wayne-Douglas, il venait de tourner deux fois ensemble dans des films de guerre sous la houlette d’Otto Preminger (Première Victoire/In Harm’s Way, 1965) et de Melville Shavelson (L’Ombre d’un géant/Cast a Giant Shadow, 1966).
Le Duke y interprète, pour la première fois de sa carrière, un « méchant ». Taw Jackson est en effet un éleveur qui vient d’être relâché de prison et revient dans son patelin natal afin d’y régler ses comptes. D’antagoniste, Jackson se mue en simple anti-héros, le spectateur apprenant qu’il a en réalité été piégé par l’homme d’affaires corrompu Frank Pierce (Bruce Cabot) et emprisonné à tort alors que ce dernier s’appropriait ses terres… et l’or qu’il y avait découvert. On retrouve le même procédé pour le personnage de Lomax, campé par Kirk Douglas, tueur à gages que Pierce engage pour se débarrasser définitivement de Jackson. L’impression négative est immédiatement évacuée grâce au sourire ravageur de Lomax, sympathique assassin que le spectateur ne suspectera jamais sérieusement de vouloir liquider Jackson. Le scénario joue pourtant constamment de cette ambiguïté, Lomax hésitant entre l’appât du gain et l’amitié naissante avec Jackson. Ce dernier lui propose de toute manière de combiner les deux, puisqu’il le convainc de se joindre à son équipe de bras cassés pour réaliser un coup d’envergure. L’objet de convoitise est la diligence blindée, armée d’une mitrailleuse Gatling, dans laquelle Pierce et ses hommes de main convoient une immense cargaison d’or, un or que Jackson considère le sien.
La Caravane de feu est un film de vieux briscards qui connaissent le western par cœur et se permettent de jouer avec les codes du genre. Les seconds rôles épaulant les deux immenses stars ne sont en effet pas des amateurs : Bruce Cabot (Les Comancheros, Le Grand McLintock), Keenan Wynn (La Diligence vers l’Ouest, Johnny Concho), Gene Evans (Les Bravados, Le Bourreau du Nevada), etc. On y trouve également Bruce Dern dans un de ses tout premiers rôles au cinéma. Pour mettre tout cela en musique, Burt Kennedy peut compter, là aussi, sur une équipe chevronnée comprenant notamment le chef opérateur William H. Clothier (L’Homme qui Tua Liberty Valance, Alamo), et le compositeur Dimitri Tiomkin (Le Train Sifflera Trois Fois, Rio Bravo). La Caravane de feu bénéficie également de superbes paysages mexicains.
Si le succès commercial et critique fut logiquement au rendez-vous à sa sortie, le film est pourtant régulièrement boudé, voire oublié, de nos jours. Les puristes acceptent peut-être difficilement le ton (très) léger d’une œuvre qui se situe entre le buddy movie, le film de casse et le western. C’est évidemment le ton ironique et détendu du film qui rendent « acceptable » de voir John Wayne (et Kirk Douglas dans une moindre mesure) jouer un « mauvais » rôle, mais l’entente cordiale entre les deux stars, aucunement forcée, déborde quelque peu le sujet du film. On peut ainsi leur reprocher de cabotiner allègrement, Wayne en mode laid back ne forçant par ailleurs pas son talent et Douglas en rajoutant dans les piques lancées à son compère et dans son rôle de séducteur stéréotypé, tout sourire Colgate dehors. Axé sur la comédie, la symbiose entre les deux comédiens et ses nombreuses séquences d’action remarquablement mises en scène, le film de Burt Kennedy fait peu de cas des codes habituels du western en dédramatisant l’enjeu dès le début – de fait, le scénario ne ménage pratiquement aucun moment dramatique. Ce choix, pleinement conscient, constitue la particularité de La Caravane de feu… mais également son talon d’Achille.
Synopsis : Dépossédé de ses mines d’or par Franck Pierce, Taw Jackson entend bien se venger à sa sortie de prison. Pour se faire, il réunit une équipe dont Lomax, tueur à gages et spécialiste des coffres-forts, pour attaquer la diligence blindée, dans laquelle son ennemi juré transporte l’or de ses terres vers El Paso. Une entreprise risquée, car le fourgon blindé est équipé d’une puissante mitrailleuse…
SUPPLÉMENTS
Une fois n’est pas coutume, Sidonis Calysta ne propose pas grand-chose en guise de bonus, même s’il faut préciser que la copie que nous avons reçue n’inclut pas la présentation de Patrick Brion, apparemment comprise dans la sortie officielle (cf. site internet de l’éditeur) …
La courte présentation de Jean-François Giré, auteur et ancien monteur, spécialiste du western, sent l’interview quelque peu bâclée. Si Giré loue l’efficacité du film et la présence de deux grandes stars, regrette le peu de reconnaissance dont il jouit, et l’explique par une éventuelle désorientation des amateurs du genre qui ne s’attendaient pas à ce qu’il faut considérer davantage comme une comédie d’action que comme un western, il passe la moitié du temps à expliquer inutilement des éléments du scénario, sans véritable analyse. Une déception.
Le court reportage promotionnel réalisé lors du tournage du film est plus intéressant car on y découvre quelques images du making of avec Douglas et Wayne. Le format a beau être promotionnel, le reportage célèbre à juste titre l’action comme un savoir-faire cinématographique typiquement américain, et il est vrai que le film, truffé de scènes d’action en tout genre (bagarres, poursuites, explosions, fusillades, etc.), en est un bon exemple. C’est malgré tout un peu court pour réhabiliter ce western qui le méritait.
Note concernant le film
Note concernant l’édition