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Crédits : Spectrum Films.

Expect the unexpected, de Patrick Yau en Blu-ray chez Spectrum Films

Retour sur Expect the unexpected, septième film du fameux studio hongkongais Milkyway Image réalisé Patrick Yau et, officieusement, Johnnie To, disponible dans une formidable édition Blu-ray chez Spectrum Films depuis début janvier 2021.

Synopsis : Trois malfrats maladroits débarquent de Chine pour braquer une bijouterie. Leur plan dérape et ils se réfugient par hasard dans le même immeuble où se planque une bande de dangereux criminels pistés par l’inspecteur Ken et son équipe. Mandy, la serveuse du café en face, devient le témoin principal.

L’inattendu comme enjeu narratif

Expect the unexpected permet au drame policier de rencontrer de façon surprenante mais rarement inorganique la comédie romantique et ce, grâce à une forme de règle donnée par l’équipe dès le titre : attendez-vous à l’inattendu. Comme une contrainte donnée lors d’un exercice de théâtre, l’inattendu constitue l’enjeu narratif du long métrage réalisé par Patrick Yau, avec la reprise en main de la difficile production par Johnnie To, et co-écrit par Yau Nai-hoi (aussi derrière The Longest Nite avec les deux premiers, ou encore A Hero Never Dies du deuxième). Une question se pose rapidement dès les premières minutes : comment ne pas finir par perdre le spectateur face à la surprise de trop dont la soudaineté et l’intensité annihilerait alors toute notion de suspension d’incrédulité ? Et par extension, est-ce qu’Expect the unexpected dépasse le simple statut de film-concept ?

Si la séquence humoristico-romantique de l’hôpital (avec Jimmy goinfré de fruits par sa collègue jalouse) ne marche que moyennement, c’est parce qu’elle semble trop coupée de la réalité qui poursuit son chemin hors de ces murs. Or, cette croisée des genres et des émotions qui leur sont liées fonctionne sur l’ensemble grâce à l’attention portée par la réalisation sur les réactions de ses personnages. Les policiers sont aussi choqués que nous, la restauratrice se surprend d’être amusée, tout comme nous. Des archétypes du long métrage se développe une certaine sensibilité, soit une part d’humanité leur permettant de dépasser leur statut fonctionnel. Les personnages tendent alors à exister pour eux-mêmes et non juste au service de l’intrigue nerveuse et emplie de surprises, permettant au spectateur de s’approprier davantage leurs réactions, drôles, tragiques, poétiques, face à chaque nouvel événement.

Si le film réussit quasiment à transfigurer son enjeu conceptuel pour mieux communiquer avec le cœur du public, on note toutefois que sa volonté de retourner les poncifs du genre – aussi celle de la Milkyway Images (studio de production derrière ce film et ceux précédemment cités, entre autres) – est loin de dépasser et même d’atteindre ce jeu conceptuel se désirant transgressif. La scène avec le malfrat venu de Chine continentale qui se révèle – grâce à un repas chaud – être un type sans sous ni chance a de quoi pâlir face au développement de ce modèle dans Le Bras armé de la Loi (Johnny Mak, 1984) qui allait à l’encontre de l’écriture et de la mise en scène de clichés désincarnés. Cette désincarnation se trouve d’ailleurs présente ici avec la bande ennemie qui n’est jamais que pur mal. Braqueurs, tireurs assidus, tueurs, violeurs, les bad guys du film ne sont jamais unexpected dans le crime tant on attend d’eux le pire à venir. Sauf lorsqu’il s’agit de passer de francs-tireurs bien formés et sans scrupules à une défense surprenamment peu dynamique lors prévisible d’un guet-apens automobile. Le revirement final, lui aussi attendu à cause de la tendance nihiliste qui porte le studio, permet cependant de corriger dans un jeu de répétition ratée la trajectoire de la scène précédente qui reste malgré tout particulièrement jouissive.

Même si Expect the unexpected est loin de répondre à tous ses objectifs conceptuels, le long métrage réussit toutefois à ne pas mentir sur son titre dont la mission parvient réellement à marquer l’esprit et le cœur du spectateur tout comme celui de ses personnages sur une réalité loin de répondre aux attentes de chacun(e).

Expect the unexpected Blu-ray

Expect the unexpected revient en video avec une édition Blu-ray soignée chez Spectrum Films. En effet, le long métrage est à (re)découvrir en HD avec un excellent master qui a su sauvegarder le grain d’origine de telle manière que l’image semble préserver un aspect filmique naturel. Si on remarque quelques taches et autres artefacts de temps à autre, on note aussi un léger manque de piqué sur certains plans. Rien qui ne viendra perturber votre vision de cette image à la définition solide.

Du côté de la bande-son – originale – proposée en 5.1, on ne trouve pas vraiment à redire. En effet, si quelques dialogues post-produits semblent plus détachés que d’autres, il s’agit probablement plus d’un souci né lors de la conception du film et non d’un re-mixage.

Spectrum Films vous permet de poursuivre l’expérience du film avec un peu moins d’une cinquantaine de minutes de bonus. Arnaud Lanuque, l’habituel porte-parole de l’éditeur, présente le film et revient sur la Milkyway Images dans deux compléments, l’un dédié à la présentation du film, l’autre à celle du studio. L’occasion de revenir sur cette nouvelle vague de polars hongkongais débarquant dans la deuxième moitié des années 90’ dans un contexte cinématographique – et plus globalement, économique – désastreux. L’explosion du piratage, l’Internet, des salles désertées par le public et notamment par les jeunes, et une crise économique vont obliger des cinéastes à chercher et expérimenter des méthodes de production moins chères, et ce, en s’amusant avec le film de genre (notamment en le tordant) pour tenter d’en faire revenir un public fatigué et charmer une jeunesse désintéressée. Sont aussi évoqués, entre autres, l’aspect familial de la Milkyway, le casting qu’on peut retrouver dans d’autres de leurs productions, la considération du film comme étant globalement mineure alors qu’elle ne l’est pas, la reprise en main des tournages de Yau par To, ou encore la résistance du studio au marché chinois.

Vient ensuite un bonus complétant une autre partie présente sur l’édition Blu-ray de The Longest Nite (Yau, 1998) aussi signée Spectrum Films, ainsi qu’une autre sur celle du long métrage A Hero Never Dies (Johnnie To, 1998). Yannick Dahan y dresse, avec la verve qu’on lui connaît, un portrait loin d’être flatteur de la Milkyway et de Johnnie To en particulier, pour ne pas dire destructeur. À l’écouter, on arrive à se demander pourquoi Spectrum édite ces films et si le public à l’écoute de ces longs métrages ne seraient pas victimes d’un traquenard cynico-pervers conçu par un faux cinéaste mais pur cerveau industriel, Johnnie To. L’entendre dire par exemple que les précédents réalisateurs étaient de « vrais » cinéastes car de « vrais » passionnés de cinéma et non des industriels peu scrupuleux en quête de concepts rentables en évoquant notamment le nom de Film Workshop, la société de Tsui Hark et Nansun Shi en 1984, qui respirerait la fabrication, l’artisanat filmique à l’inverse de Milkyway, surprend par son acharnement animé jusqu’à l’absurde tant on a connu Dahan en meilleure forme. En effet, le contexte difficile narré par Arnaud Lanuque est trop oublié pour mieux trasher To et son studio. Cela, au point d’expliquer que les dires de To selon lesquels il aurait dû reprendre en main la grande majorité de la production des films de Yau, est une histoire grossie par les fans. Spectrum a manqué ici, comme dans l’édition de Lonely Fifteen, une possibilité de corriger, confirmer ou même poser un débat. Dahan nuance en expliquant que quelques curiosités sont sorties du studio de To, et parle notamment des films de Patrick Yau qui seraient bien plus sensibles et moins cyniques et moins dans la connivence que ceux du premier. Le concept de mort du cinéma à cause de la connivence, du coup de coude avec le spectateur propre au post-modernisme a souvent été formidablement argué par Dahan dans de nombreux émissions ainsi que dans des podcasts. On pense notamment à la fameuse Opération Frisson pour Canal+ ainsi qu’aux podcasts de Capture Mag. Il en est de même pour le principe de l’auteur pop devenu arty suite à son institutionnalisation. Maintenant, certains des films condamnés (le mot est juste) par Dahan pour ces raisons l’ont été parfois à tort. Et n’oublions pas que le critique a toujours revendiqué le cinéma qu’il défend et aime comme étant tributaire de son expérience quand bien même il a pu user d’un ton et d’éléments de langage péremptoires. On espère toutefois que le personnage, bien connu, bien aimé ou détesté selon chacun, mais surtout souvent pertinent, n’agacera pas trop certains spectateurs du fait du problème de cohérence avec les autres modules de présentation.

Vous pourrez poursuivre votre découverte du film avec une autre présentation par Panos Kotzathanasis, rédacteur pour les sites Asian Movie Pulse, qui se déroule sous forme de commentaire audio placé sur le visionnage début du film. Ce très court module a tendance à répéter bien sûr de nombreux éléments déjà introduits d’Arnaud Lanuque. Même s’il reste intéressant, l’introduction du critique tient, comme à son habitude, plus d’un exposé lu sans grande énergie que d’une déclaration passionnée prête à vous tenir en haleine, et ce, le temps de quatre minutes environ. Vous trouverez ensuite un complément nommé NG Footage constitué d’extraits SD tirés du tournage. Les trois minutes, sans sons, n’ont pas réellement de grand intérêt si ce n’est de montrer l’énergie donnée dans chaque répétition de cascade ou de gunfight. Enfin, on pourra découvrir quelques images de la première du film avec deux interviews promo’ très (très) creuses, la première avec Lau Ching-Wan et la deuxième avec Wong Ho-Yin.

Ainsi, malgré quelques réserves, Spectrum Films nous livre une superbe édition Blu-ray pour Expect the unexpected.

Bande-annonce – Expect the unexpected (Patrick Yau, 1998)

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES

1080p HD – 2.20:1 – 16/9 – 24p – MPEG-4 AVC Video – Son : Chinois DTS-HD Master Audio 5.1 – Sous-titres français – Genre(s) : Policier, Comédie, Romance – Hong Kong – 1998 – Durée : 89 mn

COMPLÉMENTS

Présentation du film par Arnaud Lanuque (12mn)

Présentation de Milkyway Image par Arnaud Lanuque (13mn)

Milkyway Image par Yannick Dahan, partie 2 (17mn)

NG Footage (3mn)

Première (du film) (6mn)

Sortie le 07 Janvier 2021 – Prix public indicatif : 25,00€

NOTE D'ÉDITION
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4.5