Sorti en France en 2011, Arrietty est une production Ghibli marquée par la volonté de trouver des successeurs à Hayao Miyazaki et Isao Takahata. Hiromasa Yonebayashi, formé comme animateur, réalise ce film qui montre aussi un besoin du studio de Totoro de chercher d’autres terrains de jeu dans la littérature anglo-saxonne.
Synopsis : Shô, un jeune garçon âgé de 12 ans est en convalescence chez sa grand-mère et sa domestique, dans l’attente d’une grave opération. Dans le jardin de cette vieille maison de la campagne Tokyoïte vivent des chapardeurs, Arrietty et ses parents. La rencontre est inévitable entre deux peuples qui ont toujours fait en sorte de ne jamais se rencontrer.
Petites mains, grandes œuvres
L’œuvre des studios Ghibli est incarnée par le génie de ses illustres fondateurs depuis 1985, au point de nous en faire oublier les nombreuses petites mains qui ont gratté des tonnes de papier pour elle. La promotion d’un nom de la nouvelle génération n’est ainsi pas anodine, surtout quand ce nouveau réalisateur sort des rangs de ces stakhanovistes de la feuille et du croquis. Des petites mains sortent de l’ombre pour mettre en scène l’espèce féerique des chapardeurs, ces minuscules créatures toutes droites sorties de l’imaginaire le plus enfantin. Qui n’a jamais regardé sous son lit pour y voir des petites bêtes ? Les Minipouss de Jean Chalopin, les Fraggle Rock de Jim Henson dès 1983 s’inspiraient en série animée du livre de Mary Norton, Le Petit Monde des Borrowers, publié en 1952. Il est également un classique directement adapté à de multiples reprises depuis 1973, ce qui constitue un vrai défi relevé par les équipes du studio.
Des racines et des ailes
Le style Ghibli est si iconique d’un Japon stylisé avec minutie qu’il est très difficile de l’imaginer venir s’approprier d’autres univers. Si l’Histoire d’Arrietty est transposée au Japon en 2010, la nature d’un récit moins foisonnant et plus linéaire que les scripts originaux comme Le Voyage de Chihiro se ressent assez rapidement. Les enjeux sont clairs et bien délimités. La morale du chapardage porte en elle les reproches d’un discours occidental sur ses propres travers, rogné par un consumérisme dévastateur. Les chapardeurs/borrowers ne prennent ainsi que ce dont ils ont besoin, rien de plus. A l’image de cette gourmandise d’Arrietty dans le film, qui tente d’embarquer un énorme morceau de sucre pas totalement vital, ce qui provoque la rencontre avec le jeune Shô, cette fois-ci les enjeux du discours sont totalement identifiés par un public qui a porté les films de Ghibli pour son orientalisme. Le risque est très présent : ce film n’est clairement pas le plus dépaysant de la saga.
Des atouts dans son jeu
Si regarder Arrietty comme une simple œuvre de transition, mineure par ses ambitions est tentant, il est nécessaire de lui rendre justice. Le premier challenge est en terme d’animation de réfléchir à des échelles de plan et des idées de mise en scène très inventives pour crédibiliser une rencontre aussi improbable. Le jeu des ombres chinoises, jouant sur les voix et les non-dits, lors de la première rencontre entre Shô et Arrietty est une vraie trouvaille qui valide la mise en avant d’un animateur à la réalisation. Si iconographiquement les personnages du film sont très loin d’être les plus inventifs, reprenant des visages croisés pêle-mêle dans Nausicaä ou bien Princesse Mononoké, ceci se fera au profit d’une bluette originale sous bien des aspects.
Fuis-moi, je te suis…
Alité, malade, affaibli et imposant au regard de notre héroïne, Shô est un cœur à conquérir, pour supporter une prochaine opération qui s’annonce, jamais dévoilée, mais suffisamment sérieuse pour qu’il envisage langoureusement vivre peut-être ses derniers jours, au calme chez sa grand-mère. Il ressort de ce jeune homme une forme de fatalité, de clairvoyance le posant en face d’Arrietty comme une figure mature sur cet aspect du rapport à l’autre et à la vie. Arrietty, elle, du bas de ses 14 ans, est encore dans un apprentissage du chapardage, pas encore marquée par un fatalisme qu’on pourrait attendre de la part de la représentante d’une espèce comptant seulement 3 représentants quand le récit commence. Ainsi, malgré une scène de dispute, image d’Épinal de la romance anglo-saxonne, pas très utile dans cette adaptation-là, force est de constater que les personnages ici inversent le schéma classique des amourettes ghiblesques : une jeune femme sage, un jeune homme immature.
Emporté par la mort
L’histoire d’amour impossible à laquelle personne, pas même eux, ne croit porte en elle une trace crépusculaire, très présente jusqu’à la scène de fin. On aurait aimé, à un choix scénaristique ou deux près, que cette dernière scène se rapproche un peu plus du déchirement du tombeau des lucioles, mais elle porte sur ses petites épaules les marques des dernières œuvres du studio, avant qu’il annonce sa fermeture : une forme de fatalité, qui a toujours la taille du regret.
Bande annonce
Fiche technique
Titre original : Karigurashi no Arrietty (借りぐらしのアリエッティ?)
Titre français : Arrietty, le petit monde des chapardeurs
Titre anglais : The Secret World of Arrietty
Réalisation : Hiromasa Yonebayashi
Scénario : Hayao Miyazaki et Keiko Niwa, d’après le roman Les Chapardeurs de Mary Norton
Musique : Cécile Corbel
Production Toshio Suzuki pour le studio Ghibli
Sociétés de distribution :
Drapeau du Japon Toho
Drapeau des États-Unis Drapeau du Canada Drapeau de la France Walt Disney Pictures/Disney France
Drapeau du Royaume-Uni Optimum Releasing
Langue originale : japonais
Société de doublage : Dubbing Brothers (France)
Durée : 94 minutes
Dates de sortie :
Japon : 17 juillet 2010
France : 30 novembre 2010 (avant-première au Ciné Cité des Halles à Paris avec Hiromasa Yonebayashi et Cécile Corbel) ; 12 janvier 2011 (sortie nationale)
Belgique : 6 avril 2011
États-Unis, Canada : 17 février 2012