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Le Fils préféré, de Nicole Garcia : trois personnages en quête de père

Pour son deuxième long métrage en tant que réalisatrice, Nicole Garcia signe, avec Le Fils préféré, le très beau portrait d’une fratrie déchirée qui va s’unir dans la quête d’un père disparu. Un film tout en nuance et en subtilité, porté par une interprétation d’un très grand niveau.

Le spectateur découvre très vite qui est désigné par l’intitulé du film. Le fils préféré, c’est Jean-Paul. C’est lui qui, dans la scène d’ouverture du film de Nicole Garcia, va voir son père Raphaël dans sa maison de repos. On sent la complicité entre le père et le fils. On voit surtout les petits gestes, les petites attentions qui marquent le respect d’un fils pour son père.
Cependant, le portrait de Jean-Paul en fils idéal va vite se ternir. Jean-Paul dirige un hôtel sur la Côte d’Azur. Hôtel qui va subir un contrôle fiscal. Or, Jean-Paul n’a pas hésité, à plusieurs reprises, à confondre la caisse de l’hôtel avec son propre porte-monnaie. Argent pris dans la caisse, faux en écritures : rien de gigantesque, mais suffisamment pour s’inquiéter. De plus, Jean-Paul a le projet de construire un « dancing » dans son hôtel ; mais les travaux, qui ont débuté depuis plusieurs mois déjà, ont dû s’arrêter : le directeur n’a plus d’argent pour payer l’entreprise de construction.
C’est là que va se constituer le point de départ d’une action qui mènera à une transformation en profondeur de cette famille. Car c’est bien la famille qui est l’élément central du Fils préféré, ce qui apparaît dès le générique, sur lequel défile des photos souvenirs des événements familiaux.

La famille Mantegna est originaire d’Italie. Le père, ancien boxeur, vient d’une famille pauvre. Jean-Paul a deux frères : Francis, enseignant qui n’a pas assez d’argent pour aider son frère, et Philippe, avocat en Italie, bien plus fortuné mais qui refuse d’aider le directeur d’hôtel. Le début du film montre une famille finalement désunie. Le seul lien qui semble solide, celui qui unit le père et son fils, est lui aussi sur le point de lâcher à cause de l’argent : Jean-Paul souscrit une assurance-vie pour son père, contrat dont il falsifie la date. Or, lorsque son père a un accident en visitant le chantier du dancing, Jean-Paul hésite avant de lui porter secours, et l’on sent que la question de l’argent, de la prime de cette assurance-vie, constitue une proposition que le fils a du mal à rejeter…
Cependant, il n’y a pas que l’argent qui divise les protagonistes. Raphaël, le père, a rompu tout contact avec Francis depuis que celui-ci vit pleinement son homosexualité. Philippe, quant à lui, a toujours paru froid et distant, mais il redoute particulièrement Jean-Paul pour une histoire de femme : l’épouse de l’avocat, Anna Maria, était auparavant la maîtresse de Jean-Paul, et l’avocat a peur qu’elle ne retourne auprès de lui (la suite ne lui donnera pas tort, d’ailleurs).
Pourtant, cette famille éclatée, où chacun vit sa vie de son côté, va s’unir lorsque le père, conscient de l’hésitation de son fils, va disparaître. Les trois frères vont alors se rejoindre. Des réflexes de l’adolescence vont resurgir, comme lorsque Philippe et Jean-Paul sortaient ensemble pour draguer. Des paroles vont être dites, qui permettront de se libérer de certaines rancunes. Enfin, des vérités vont ressortir.

Le Fils préféré est le deuxième long métrage réalisé par Nicole Garcia, qui avait déjà, à ce moment-là, une carrière d’actrice impressionnante : elle avait déjà tourné devant la caméra de Bertrand Tavernier, Pierre Schoendoerffer, Bertrand Blier, Alain Resnais, Philippe de Broca, Claude Sautet ou Michel Deville. Elle signe une réalisation fine et subtile, évitant les grands effets mélodramatiques mais s’intéressant aux petits gestes, aux regards, aux détails qui en disent long sur ses personnages. Le film tient en un équilibre subtil parce qu’il sait ne pas en dire trop, ne pas en faire trop.
Plus qu’à une révélation finale, Le Fils préféré s’attache avant tout aux relations entre les personnages, entre les trois frères en particulier, et à ce que ces relations disent des protagonistes. Au-delà du cas de Jean-Paul, qui est clairement le personnage central du film, ce qui est montré ici, c’est une fratrie et son évolution.
Enfin, il ne faut pas passer sous silence la grande qualité de l’interprétation du film. Gérard Lanvin (qui a été récompensé par un César pour ce rôle), Bernard Giraudeau et Jean-Marc Barr sont formidables.