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Le Chat : Simone Signoret au sommet n’est pas la proie de ce face-à-face poignant

Chloé Margueritte Reporter LeMagduCiné

Simone Signoret apparaît dans Le Chat au sommet d’une joute non verbale dont elle partage la partition avec Jean Gabin. Les rides se creusent sur son visage, le ton est sec, l’orage prêt à exploser. Elle se livre ici à un numéro d’actrice assez savoureux, même dans une mise en scène plutôt classique. Elle ne s’en laisse pas compter et au jeu du chat et de la souris, elle est loin d’être la proie.

Actrice récompensée

Quand sort Le Chat, Simone Signoret a déjà 50 ans. Elle est loin d’apparaître à son avantage puisque c’est un couple en pleine déliquescence qu’elle incarne avec Jean Gabin. Le monde s’effondre, les bâtiments sont détruits et le couple se déchire, en silence cependant. C’est moins glamour qu’un Malcolm et Marie, mais ça n’en n’est que plus vrai (et moins épuisant !). C’est cela peut-être que Simone Signoret incarnait : l’authenticité. Et la fidélité aussi à une certaine idée du cinéma puisque l’actrice a joué dans deux autres films de Pierre Granier-Deferre : La Veuve Couderc (1971) et L’ Etoile du Nord (1982). Cependant, son interprétation dans Le Chat reste la plus mémorable. Elle lui a valu (comme à Jean Gabin) un Ours d’argent à Berlin. Le jeu qui est proposé dans le film est d’égal à égal, l’homme comme la femme de ce couple, loin de s’aimer naïvement à la Là-haut, jouent sans tricher et se font même surprendre par l’émotion. L’actrice a été récompensée deux autres fois dans sa carrière : par un Oscar en 1960 et par un César sept ans après Le Chat pour son rôle dans une autre adaptation de roman : La Vie devant soi.

Sursis

Dans Le Chat, Julien et Clémence sont en sursis. Dans leur quartier d’abord, en pleine destruction, filmé dans l’éternelle poussière, la fin de son existence. Ils sont à l’image de deux rescapés qui se suivent, dans les premiers plans, murés dans le silence. Toutes ces images prendront leur sens bien plus tard, quand l’histoire se développera. Celle d’un couple en sursis, d’où l’amour semble s’être envolé, et où simplement la vacherie domine, des petites piques quotidiennes qui envahissent la vie de ce duo qui refuse pourtant de se séparer. Le sursis se joue aussi dans leurs vies, ils sont au seuil de celle-ci et aucun ne le supporte vraiment, tout a changé, rien n’est constructible à présent, c’est la fin, c’est l’expropriation.

Chute

La chute se fait alors, celle qui a brisé, il y a des années, « l’acrobate », comme Julien la nomme avec mépris, regret, défi aussi. Mais aussi la chute du couple, et au milieu de ce chaos, un beau et tendre félin qui envahit l’espace, fait disparaître l’être aimé. Il lui faudra aussi peu de temps pour disparaître que pour s’infiltrer dans la maison et faire se déliter l’affection de Julien pour Clémence. Mais les apparences sont parfois trompeuses, et ces deux êtres sont avant tout des aimants plus que des amants. Ils se cachent pour s’observer, jouent au chat et à la souris et savent pertinemment qu’ils ne peuvent se séparer totalement. C’est que leurs deux cœurs sont liés, invariablement, même quand les papiers remplacent les mots, ils continuent à se suivre… Dès lors, la chute de la vie même est inévitable.

Le film, de facture classique, bénéficie d’un montage maîtrisé, tout en finesse. Une temporalité intéressante, des plans de poussières fort beaux et une mise en scène sobre, simple et efficace sont autant d’ingrédients auxquels viennent s’ajouter les forces de suggestion, de beauté et de jeu des deux interprètes Gabin, Signoret, superbes de bout en bout !

 

Le Chat : Bande annonce

Le Chat : Fiche technique

Synopsis : Dans le huis clos étouffant d’un petit pavillon de banlieue épargné par la démolition, un vieux couple sans enfants se déchire. Lui, Julien Bouin, ouvrier à la retraite, ne l’aime plus, elle, Clémence Bouin, ancienne trapéziste qui a dû abandonner sa carrière suite à une chute. Lorsque Julien recueille un chat à qui il donne toute son affection, la jalousie commence à s’emparer de Clémence.

Réalisation : Pierre Granier-Deferre
Scénario : Pierre Granier-Deferre , Pascal Jardin d’après l’œuvre de George Simenon
Interprètes : Jean Gabin, Simone Signoret
Photographie : Walter Wottitz
Montage : Jean Ravel, Nino Baragli
Année de sortie : 1971
Genre : Drame

France-1971

Reporter LeMagduCiné