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Crédit: Jeanne Moreau dans Le Procès, d'orson Wells. © Les Acacias

Jeanne Moreau : la carrière d’une légende du cinéma en images

Actrice, chanteuse, réalisatrice… Jeanne Moreau, l’étoile du cinéma français s’en est allée le 31 juillet 2017. Retour sur les instants cultes de la carrière d’une star solaire à la personnalité frondeuse.

« Elle est la plus grande amoureuse du cinéma français. La bouche frémissante, les cheveux fous, elle ignore ce que d’autres appellent « la moralité » (…), donnez-lui un vrai rôle, nous aurons un grand film. » François Truffaut

Née le 23 janvier 1928, elle intègre le Conservatoire de Paris en 1947, sa carrière sur les planches débute quand la comédienne en herbe se fait remarquer dans une pièce d’André Gide, Les Caves du Vatican, mis en scène par Jean Meyer. Elle débute sa carrière cinématographique en 1950, à 21 ans, avec son premier film, Dernier amour de Jean Stelli. En 1954, elle campe le rôle d’une vamp aux côtés de Jean Gabin et d’un autre comédien débutant, Lino Ventura dans Touchez pas au Grisbi de Jacques Becker. Actrice ensorcelante à la voix ravageuse, elle tourne sous la direction de grands réalisateurs du cinéma européen et américain, de Orson Welles (Le Procès, 1962) à Louis Malle (Ascenseur pour l’échafaud, 1957), en passant par Roger Vadim pour Les Liaisons Dangereuses (1960) avec Gérard Philip où elle incarne une Juliette de Merteuil vénéneuse. Elle épingle à son panthéon les oeuvres des plus grands : Joseph Losey (Eva, 1961, Monsieur Klein, 1976), Michelangelo Antonioni (La Nuit, 1961), Jacques Demy (Baie des anges, 1963), Luis Buñuel (Le Journal d’une femme de chambre, 1964), François Truffaut (Jules et Jim, 1962, La Mariée était en noir, 1967), Tony Richardson (Mademoiselle, 1966, Le Marin de Gibraltar, 1967), Bertrand Blier (Les Valseuses, 1974), Elia Kazan (Le Dernier Nabab, 1976), Rainer Werner Fassbinder (Querelle, 1981), Jean-Pierre Mocky (Miraculé, 1987), Wim Wenders (Jusqu’au bout du monde, 1991), Theo Angelopoulos (Le Pas suspendu de la cigogne, 1991), Amos Gitai (Désengagement, 2007), Tsai Ming-liang (Visages, 2009), Manoel de Oliveira (Gebo et l’ombre, 2012)... Jeanne Moreau connaitra une carrière d’exception avec plus de 130 films.

En images, les 12 films d’une muse du cinéma d’auteur, sollicitée par les plus grands metteurs en scènes et qui dira lors d’une interview accordée à «Télé Obs» :

«J’ai séduit beaucoup d’hommes. J’ai toujours été vers des hommes qui avaient du talent. Je n’ai pas eu des amants pour avoir des amants.»

« Ascenseur pour l’échafaud » (1958)

En 1956, Jeanne Moreau joue dans la pièce La Chatte sur un toit brûlant, elle y fait la rencontre de Louis Malle, qui lui confie, en 1957, le rôle d’une amante, complice du meurtre de son mari, bloquée dans un ascenseur. Sur des airs du trompettiste et compositeur Miles Davis, elle déambule sur les pavés de Paris, désemparée.  Ascenseur pour l’échafaudle film qui l’a révélée au grand public et l’a fait entrer dans la grande famille du cinéma est tiré du roman de Noël Calef et a reçu le prix Louis Delluc. Sa collaboration avec le cinéaste se poursuivra avec Les Amants (1958),  Le Feu follet (1963) et Viva Maria! (1965)

« La Notte ‘La Nuit’ » (1961)

Dans ce drame au titre tiré d’une toile de Roberto Siron, Michelangelo Antonion fait jouer Jeanne Moreau aux côtés de Marcello Mastroianni et de Monica Vitti, dans une histoire contant la fin tragique d’un amour à travers des errances sublimes dans la ville de Milan.

« Eva » (1962)

Dans ce film de Joseph Losey, elle campe Eva, une française indépendante qui rencontre à Venise Tyvian Jones, un écrivain usurpateur incarné par Stlanley Becker.

« J’ai accepté de tourner pour Orson Welles, alors que tout le monde disait de lui qu’il était cuit. »

« Le procès » (1962)

Le réalisateur de Citizen Kane mis au ban par Hollywood adapte le roman de Franz Kafka Le Procès, une relecture sur les méandres d’un système juridique déshumanisé où la puissance totalitaire de l’appareil bureaucratique broie l’individu. Dans ce film prothétique, Jeanne Moreau incarne Marika Burstner, une danseuse de night-club. Elle tournera avec Orson Welles, Falstaff (1966) et Une Histoire immortelle (1968)

« Jules & Jim » (1962)

Le réalisateur des Quatre cents coups lui offre, en 1962, le rôle de Catherine dans le mythique Jules (Oskar Werner) et Jim (Henri Serre)l’histoire d’un triangle amoureux tragique sur fond de première guerre mondiale. Elle y chante Le Tourbillon de la vie avec Serge Rezvani à la guitare. Cette chanson marque le début de sa carrière comme chanteuse. Jeanne Moreau retrouve François Truffaut dans La Mariée était en noir (1967)

« La Baie des Anges » (1963)

La Baie des Anges, un film délicat de Jacques Demy, à la superbe photographie en noir et blanc signée Jean Rabier. Dans ce long métrage, Jeanne Moreau incarne la belle Jackie, une romanesque flambeuse à la chevelure blonde platine sur une musique de Michel Legrand.

« Le journal d’une femme de chambre » (1964)

Interview de Jeanne Moreau au sujet du film Le journal d’une femme de chambre :

Dans Le Journal d’une femme de chambre de Luis Buñuel adapté du roman d’Octave Mirbeau et paru en 1900, l’actrice campe avec brio Célestine, une femme de chambre aux côtés de Georges Géret et Michel Piccoli. Le film dresse un portrait au vitriol d’une bourgeoisie aux comportements pervers.

« Mata Hari, agent H21 » (1964) 

Dans Mata Hari, agent H21, Moreau interprète avec grâce et volupté ladite espionne, danseuse et courtisane de la fin du 19ème siècle. La mise en scène élégante de Jean-Louis Richard additionnée au scénario brillant de François Truffaut rendent l’ensemble harmonieux et raffiné.

« Mademoiselle » (1966)

Dans Mademoiselle, Tony Richardson aborde le thème des pulsions primitives. Dans ce film au scénario cosigné par les écrivains Marguerite Duras et Jean Genet, l’actrice incarne une institutrice dévorée par la frustration sexuelle. Elle rendra hommage à Duras en 2002 dans Cet Amour-là de Josée Dayan après avoir lui avoir prêté sa voix pour L’Amant de Jean-Jacques Annaud 10 ans plus tôt.

Pour Grégory Cavinato Membre de l’U.P.C.B. : « Mademoiselle est surtout un triomphe personnel pour Tony Richardson, cinéaste sous-estimé dont l’œuvre entière serait à redécouvrir et pour Jeanne Moreau qui démontre une fois de plus, avec ce rôle complexe et risqué, son courage et son immense talent. »

« Les Valseuses » (1974)

En 1974, Jeanne Moreau donne la réplique à Gérard Depardieu, Miou-Miou et Patrick Dewaere, dans Les Valseuses de Bertrand Blier. Elle incarne Jeanne Pirolle, une ancienne prisonnière, qui se suicide en se tirant une balle dans le vagin, après avoir dégusté un plateau de fruits de mer et fait l’amour avec le duo Depardieu-Dewaere.

« Querelle » (1981)

Le réalisateur allemand Rainer Werner Fassbinder lui confie  le rôle de Madame Lysiane, une tenancière d’un bordel, La Féria, où se joue le destin de Querelle un marin. Dans ce film, Jeanne Moreau chante « Each man kills the thing he loves ».

« La vieille qui marchait dans la mer » (1981)

La vieille qui marchait dans la mer sous la direction de Laurent Heynemann, transpose à l’écran un roman de Frédéric Dard. Jeanne Moreau y incarne Lady M, une vieille femme riche et excentrique aux deux-mille dix-sept amants. En vacances avec Pompilius Enaresco (Michel Serrault), elle jette son dévolu sur un dénommé Lambert (Luc Thillier).

« Cet Amour-là » (2002)

Moreau rendra vie au monstre sacré de la littérature en rejouant la passion artistique que Marguerite Duras partagea avec un jeune et fervent admirateur, Yann Andréa. En 1975, elle avait interprété India Song, une chanson écrite par Duras pour le film du même nom, sur la musique de Carlos d’Alessio.

Les Récompenses d’une artiste à la filmographie vertigineuse : en 1960, l’actrice décroche le prix d’interprétation féminine du Festival de Cannes pour son rôle dans Moderato cantabile, de Peter Brook, adapté du roman de Marguerite Duras.

Jean-Paul Belmondo a dit à l’AFP « Pour moi, Jeanne Moreau, c’était la gaieté. Elle aimait beaucoup faire des farces et, évidemment, avec moi l’entente était parfaite », a ajouté l’acteur.

En 1992, Jeanne Moreau est récompensée d’un premier César de la Meilleure actrice pour La Vieille qui marchait dans la mer de Laurent Heynemann. Puis deux Césars d’honneur en 1995 et en 2008 ainsi qu’un Oscar d’honneur en 1998 saluant sa carrière et son talent outre atlantique.

En 1976, encouragée par Orson Welles, Jeanne Moreau réalise Lumière, un film sur l’amitié féminine aux côtés de Lucia Bosé. En 1979, elle conte les amours d’une jeune fille, à la veille de la Seconde Guerre mondiale dans L’Adolescente, avec Simone Signoret, une autre actrice à la carrière éclectique. Puis, elle se lance dans une série documentaire sur les stars hollywoodiennes et réalise un portrait de Lillian Gish.

En 1975 et en 1995, elle préside le jury du festival de Cannes en offrant la Palme d’or à Mohammed Lakhdar Hamina pour Chronique des années de braise et à Emir Kusturica pour Underground. Une actrice mythique, première femme élue à l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France en 2000,  qui a crée une école de Cinéma à Angers et prêtée sa voix pour le jeu vidéo Genesys, Jeanne Moreau, une actrice incandescente à qui France Télévisions rend hommage ce mardi 1er août avec deux films de Louis Malle : « Ascenseur pour l’échafaud » sur France 5 à 20h50 et « Viva Maria » sur France 2 à 23h20.