Louis Malle fait son entrée dans la nouvelle vague avec Ascenseur pour l’échafaud, un polar classieux interprété par une Jeanne Moreau sublime, déambulant dans un Paris nocturne sur des airs de Jazz de Miles Davis.
Synopsis : Julien Tavernier tue son patron, Simon Carala, en faisant croire à un suicide. Mais il se retrouve bloqué pour le weekend dans l’ascenseur en panne.
Les codes du film noir
Ascenseur pour l’échafaud est visiblement très inspiré du film noir américain. Un crime, des meurtriers plus importants que les policiers (qu’on ne voit que très peu), peu d’actions mais une tension permanente qui permet au cinéaste de dresser des portraits psychologiques et d’insister sur une ambiance essentiellement nocturne : les codes du genre sont tous là. Et pourtant, Louis Malle s’amuse à détourner ces codes. Le travail le plus fascinant est celui concernant la femme fatale. Florence Carala (Jeanne Moreau) apparaît, au départ, plus comme une victime des circonstances. Cependant, l’ambiguïté sur son rôle exact dans l’affaire la place dans un statut très particulier. De même, le film joue sur des ambiances différentes : le suspense, la mélancolie de Florence déambulant dans les rues parisiennes, et même l’humour représenté par le substitut (Hubert Deschamps), un peu ridicule et imbu de sa propre personne.
Gestes et regards
La mise en scène de Louis Malle est très sobre. Elle privilégie les silences, qui permettent d’augmenter la tension dramatique. De plus, le cinéaste accorde une attention particulière aux moindres gestes, aux regards, aux petits détails. Ainsi, la scène de l’assassinat de Carala est un modèle du genre. Le silence pesant accroît l’ambiance tendue et la voix grave de Carala apparaît alors comme une agression. Chaque bruit, chaque geste est significatif. La précision de la mise en scène est remarquable. De même, lorsque Julien Tavernier (Maurice Ronet, admirable) arrive au bar pour téléphoner, les regards des clients suffisent à comprendre quelle est la situation. Le film se passe bien de longs discours. Heureusement, d’ailleurs, parce que les dialogues, écrits par le romancier Roger Nimier, sont parfois lourds, en particulier les pensées de Florence que l’on retrouve en voix off. Elles n’apportent rien au film et pourraient être éliminées.
Prisonnier du décor
La réalisation insiste aussi sur les décors. Dès la scène d’ouverture, nous voyons un long travelling arrière qui va emprisonner Julien dans son immeuble de bureaux. Et ce sera sans cesse comme cela. Les images enferment les personnages principaux dans toute une série d’éléments de décors : cage d’escaliers, terrasse d’un café, etc. Le décor urbain est d’ailleurs un personnage important du film. Julien ou Florence sont souvent seuls dans un décor déshumanisé (voir le bureau où travaille Julien, avec les alignements de machines à écrire). Et quand d’autres personnages sont présents (clients d’un bar, passants…), ils représentent souvent une menace plus ou moins consciente.
Nouvelle Vague
Même si Louis Malle a toujours nié faire partie de la Nouvelle Vague, Ascenseur pour l’échafaud porte quand même les marques du mouvement. Les extérieurs sont tournés en décors naturels avec une grande liberté dans les mouvements de caméra. Un mélange de réalisme et de création cinématographique, parsemé de références aux classiques du genre, le tout placé sous la figure tutélaire d’Alfred Hitchcock, dont l’influence irradie tout le film : incontestablement nous sommes ici en présence d’un film de la Nouvelle Vague.
Ascenseur pour l’échafaud : Bande-annonce
Ascenseur pour l’échafaud – Fiche technique
Réalisateur : Louis Malle
Scénario : Louis Malle et Roger Nimier, d’après le roman de Noël Calef
Dialogues : Roger Nimier
Décors : Rino Mondellini, Jean Mandaroux, assistés de Pierre Guffroy
Montage : Jean Trubert, assisté de Kenout Peltier et Jean-Louis Misar
Son : Raymond Gauguier
Société de production : Nouvelles Éditions de Films
Distribution : Distribution : Lux Compagnie Cinématographique de France
Avec Maurice Ronet (Julien Tavernier), Jeanne Moreau (Florence Carala), Jean Wall (Simon Carala), Georges Poujouly (Louis), Yori Bertin (Véronique), Lino Ventura (commissaire Cherrier), Hubert Deschamps (substitut).
Date de sortie : 29 janvier 1958
Durée : 91’