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La Danseuse : Rencontre avec la réalisatrice Stéphanie Di Giusto et Soko

Rencontre avec l’équipe du film La Danseuse (au cinéma le 28 septembre)

La Danseuse, c’est six ans de travail, trois ans d’écriture et la modeste somme de six millions d’euros de budget. Derrière cet audacieux projet, une jeune réalisatrice inconnue au bataillon il y a encore quelques mois. C’est le premier film de Stéphanie Di Giusto et pourtant, elle a déjà tout d’une grande. À commencer par les idées : « Un jour, je suis tombée sur une photo en noir et blanc. Il y a avait des voiles blancs en mouvement et à l’intérieur, une femme. J’ai tout de suite voulu savoir qui elle était et son histoire m’a bouleversé ». Talentueuse et prometteuse mais toujours les pieds bien sur terre, CineSeriesMag a eu la chance de la rencontrer au Royal Monceau, en compagnie de la belle Soko, l’interprète principale du film.

Portraits de deux femmes au caractère bien trempé, qui prouvent encore une fois que les femmes ont du talent. Beaucoup de talent.

« Le premier film c’est arriver au bout du chemin, le deuxième c’est là où tout commence » Stéphanie Di Giusto

Lorsque Soko fait son apparition à la fin de la projection, c’est une petite tornade brune qui déboule dans la salle. Elle est drôle, déchaînée, sans complexe et parle fort. Stéphanie Di Giusto, qui fait à son tour son entrée, ne peut s’empêcher de rire « Je vous jure qu’elle n’est pas ivre, elle est comme ça tous les jours » avant d’ajouter, endossant son tablier de réalisatrice et pour commencer l’échange : « Il fallait que je parvienne à canaliser son énergie ».

La réalisatrice est rieuse et enjouée lorsqu’elle parle de son actrice principale, et très fière aussi. La bonne humeur de Soko doit être communicative. En tous cas sur le public, ça fonctionne. 

Stéphanie Di Giusto : Ce qui me plaît chez Soko, c’est qu’elle est unique, vraie. Pour moi, il n’y avait que Soko. C’était elle que je voulais pour le personnage. Elle et seulement elle.

À propos du personnage que la jeune femme interprète, l’artiste Loïe Fuller, la réalisatrice ne tarie pas non plus d’éloges.

Stéphanie Di Giusto : Comme le spectacle n’a jamais été filmé, ce n’est pas la vraie Loïe que l’on peut voir sur internet, seulement des imitatrices. Loïe Fuller a passé son temps à être imitée. C’est une femme libre. Elle est tout sauf une danseuse, mais elle est tellement d’autres choses. Elle aimait le beau. Pas le beau esthétique. Le beau culturel. Tous les croquis vus dans le film sont de Loïe. Sur le tournage, nous étions tous des intégristes du beau […] pour être digne d’elle.

Soko : C’est une femme tellement concentrée sur son travail que sa vie personnelle n’existe pas. C’est une femme qui se cherche, qui doute.

« J’admire la volonté et la dévotion qu’ont les danseurs »

On voit Loïe souffrir tout au long du film. Soko, avez-vous aussi beaucoup souffert pour interpréter ce personnage ?

Soko : Pour arriver à un telle performance […] Ça demande une rigueur de dingue. J’admire la volonté et la dévotion qu’ont les danseurs. Certains matins je me levais, je n’arrivais plus à marcher, j’avais des bleus et tout … C’est deux mois et huit heures par jour d’entrainement, je danse à trois mètres de haut.

Comment avez-vous travaillé avec Benoît Debie (directeur de la photographie sur Lost River de Ryan Gosling ou encore Love de Gaspard Noé) ?

Stéphanie Di Giusto  : Je suis fan. J’aime son travail. J’avais toujours l’appréhension qu’il n’aime pas, à chaque fois qu’il entrait sur un décor. Mais lui, il s’émerveillait, il disait que tout était beau, que l’endroit était beau, que Soko était belle. Je ne me vois pas faire un deuxième film sans lui. C’est incroyable, on n’a pas besoin de se parler pour se comprendre. C’est un grand génie. 

Soko : Et c’était la première fois qu’il faisait un film d’époque. 

Il y a une telle alchimie entre les acteurs. Particulièrement entre Soko et ses partenaires (Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry et Lili-Rose Depp). Comment s’est passé la collaboration ?

Soko : Quand on a un bon scénario, c’est évident. La relation est déjà écrite. En plus, j’étais déjà copine avec Lili-Rose, donc ça a aidé. C’était son premier baiser de cinéma, en plus avec une fille. Donc je n’arrêtais pas de lui demander si ça allait, je lui disais de ne pas se forcer s’il y avait quelque chose qu’elle ne voulait pas faire. Mais elle, elle était très détendue, elle me disait « Non non, ça va ». Et partout où elle allait, elle était suivie par deux énormes gardes du corps, donc j’étais super nerveuse. Je n’avais pas envie qu’ils me cassent la figure [rire]. Mais finalement, c’était plutôt drôle.    

Stéphanie Di Giusto : Oui, tout le monde s’est très bien entendu. 

« Depuis toujours le femmes font du cinéma. Il n’y a pas de raison que ça change »

Quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer quand on fait un film historique ?

Stéphanie Di Giusto : C’est un bras de fer permanent pour arriver à ne pas céder à ce que l’on vous propose. Le même château dans lequel a été tourné tous les films. J’aime la photographie et quand je rentre quelque part et que je suis sublimée par ce que je vois, c’est cet endroit que je veux. Heureusement, j’avais le meilleur chef décorateur (Carlos Conti). Dans La Danseuse, tous les décors sont d’origine, du XIXème siècle. À l’Opéra de Paris, on avait le droit de tourner entre une heure et huit heure du matin.

Soko : C’était le plus beau cadeau du monde. Pour mes 30 ans, j’ai dansé à l’Opéra de Paris.

Stéphanie Di Giusto : Tout le film a été tourné en France, c’était très important pour nous de faire travailler les artisans français.

Vous aviez un budget plutôt limité pour un film de cette envergure (6 millions d’euros). Comment vous en êtes vous sortie ?

Stéphanie Di Giusto : Il faut montrer que l’on a aucun doute, que l’on y croit. Convaincre les producteurs, ses acteurs. Surtout quand c’est ton premier film et que tu sors un peu de nulle part. Tout le monde te met à l’épreuve.

Avez-vous rencontré des obstacles liés à votre « place de femme » dans le milieu du cinéma ?

Stéphanie Di Giusto : Un homme aurait rencontré les mêmes problèmes. Depuis toujours, les femmes font du cinéma. Il n’y a pas de raison que ça change.

« Mon nouveau projet sera plus compliqué, plus dur et plus fou que celui-là »

Lili-Rose, c’était un pari plutôt risqué.

Soko : C’est ma copine, donc Stéphanie était obligée de la prendre [rire].

Stéphanie Di Giusto : Avec Soko, nous sommes allées l’auditionner à Los Angeles. Quand elle a commencé à jouer, c’était évident. Elle a de la grâce, de l’abandon. Elle a envie d’être actrice, c’est ce qu’elle veut faire. C’est très important pour un metteur en scène de savoir que ses acteurs sont convaincus que c’est ce qu’ils veulent faire.

Soko : Elle a ça en elle. Comme Isadora Duncan, elle a ce pouvoir d’intimidation. C’est incroyable de dégager une telle emprise à seize ans.

Stéphanie Di Giusto : Elle posait toujours les bonnes questions sur son personnage, sur le scénario. Elle avait de vraies réflexions. Elle est très mature pour son âge.

Lili-Rose a-t-elle été doublée ?

Stéphanie Di Giusto : Bien sur. C’est vingt ans d’expérience pour faire ce que vous avez vu. Soko c’était différent, je voulais qu’elle aille jusqu’au bout dans l’interprétation du personnage.

Quel sera votre prochain projet ?

Stéphanie Di Giusto : J’attends déjà les retombées du 28 septembre (date de sortie du film en France) mais oui, je travaille sur un nouveau projet. Plus compliqué, plus dur et plus fou que celui-là. Mais je n’ai pas envie d’attendre encore six ans. J’ai envie de vite retourner, d’être sur les plateaux d’ici deux ans.

Et vous Soko, comment envisagez-vous la suite ?

Soko : La sortie d’un troisième album préparé à New York cet été. J’ai envie de faire une pause dans le cinéma et de refaire de la musique. C’est un autre moyen pour moi de m’exprimer, plus personnel. 

La Danseuse: Bande annonce

 La Danseuse : Fiche technique

Réalisateur : Stéphanie Di Giusto
Scénario : Stéphanie Di Giusto et Sarah Thibau
Interprétation : Soko (Loïe Fuller) Gasard Ulliel (Louis) Mélanie Thierry (Gabrielle) Lili-Rose Depp (Isadoraa Duncan) François Damiens (Marchand) Louis-Do de Lencquesaing (Armand)
Producteurs : Alain Attal, Emma Javaux, Marie Jardillier et Xavier Amblard
Photographie : Benoît Debie
Chef décorateur : Carlos Conti
Chef costumier : Anaïs Romand
Chorégraphe : Jody Sperling
Durée : 168 min.
Genre : Drame, Biopic
Date de sortie : 28 septembre 2016

France – 2016

Auteur : Yael Calvo