Festival Series Mania 7eme édition : sortir de la maison
Déjà plus d’une semaine que Séries Mania ne cesse de remplir les salles comme l’on remplit un distributeur de bonbons et l’attente Au-delà les murs, poussée par une expérience inédite en box close au Foyer du Forum (ce n’est qu’un Ipad et un point and click assez basique pour permettre de s’inscrire à un tirage au sort et gagner un escape game), est enfin comblée. Avec Jordskött, maintenant Norskov et Beau Séjour, Arte a gagné beaucoup dans l’estime des meilleurs sériphiles. La minisérie en 3×52 minutes est diffusée ce vendredi 23 avril à 20h30, avec plus d’une demi-heure de retard. On vous raconte l’expérience.
Synopsis : Au décès de son voisin, Lisa apprend à sa stupéfaction que cet inconnu lui a légué sa maison. Installée dans sa nouvelle demeure, elle rend compte que les murs renferment des secrets.
Après Pigalle, la nuit, Les Oubliés ou Les Témoins (relatif échec sur France 2 avec Thierry Lhermitte), nous retrouvons le duo français Hervé Hadmar et Marc Herpoux, associés à la scénariste Sylvie Chanteux (Un village français, Section de recherche, Plus belle la vie) pour une visite immobilière aux frontières du réel. Papier peint Rorschach, couloirs sombres et silhouettes désarticulées, Stéphane Plaza pourra toujours essayer mille et un numéro de cirque, pour rien au monde quiconque s’aventurerait dans cette maison. Elle n’a rien d’hanté, et pourtant la référence au film d’Aménabar, Les Autres est une évidence. Le huis-clos n’est pas intégral et le dédale provoque une légère narcose sur le premier épisode, mais l’intérêt pour ce récit initiatique mêlant merveilleux et fantastique ne nous quitte plus dès le deuxième. Revisitant le mythe de La Belle et la Bête et d’Orphée et vu par Cocteau en 1946 et 1950 au prisme d’un personnage féminin merveilleusement interprété par Veerle Baetens (Alabama Monroe, Les Ardennes), méconnaissable en femme solitaire qui se fait passer pour mariée afin de fuir la gente masculine, Au-delà des murs est une immersion silent-hillesque sur l’accomplissement de soi et le deuil à faire. A la fois poétique, philosophique et labyrinthique, la minisérie en trois épisodes ne provoque que quelques frissons par son atmosphère brillamment reconstituée dans des châteaux abandonnés en Wallonie. Mais la comparaison avec L’Hôpital et ses fantômes (qui a fait découvrir au rédacteur le genre de l’horreur) de Lars Von Triers mérite bien un arrêt sur image. Visuellement, peu de choses semblent ne réunir ces deux séries hors du commun. Aucune photographie sépia, peu ou pas de mouvements de caméra flottants, guère de personnages rocambolesques, et pourtant la même impression de terreur s’en dégage.
Le réalisateur et créateur, Hervé Hadmar nous confie avoir partagé toutes ses références avec la productrice d’Arte et Alien est soulevé durant le questions/réponses, notamment par le travail sonore, pensé dans la narration. « La difficulté dans le cinéma fantastique en France, c’est qu’on ne sait plus en faire. Tous les corps de métier doivent réapprendre ce genre » nous avance ce dernier. Et il n’a pas tord, l’âge d’or français ne se limite que d’après-guerre et depuis, peu osent franchir le pas. Le nom de Polanski est évoqué, mais la paranoïa n’est malheureusement jamais aussi bien retranscrit. Le Locataire, Répulsion ou Rosemary’s baby, seul le deuxième avec Catherine Deneuve est vraisemblablement justifié à la comparaison. Relativement anxiogène (« On ne fait pas The Descents« ), le spectateur s’embarque dans une expérience psychanalytique post-romantique, néo-gothique, à la frontière du survival horror lissée par la voix suave d’Agnès Obel et son titre The Curse au générique immersif. Les non-amateurs du genre se laisseront prendre au jeu, les afficionados trouveront ça peut-être trop épuré, mais Arte ne cesse d’innover et donc, on applaudit !
Bande annonce pour Arte
Au-delà des murs : Fiche Technique
Créateurs: Hervé Hadmar et Marc Herpoux
Scénaristes: Hervé Hadmar, Marc Herpoux et Sylvie Chanteux
Réalisateur: Hervé Hadmar
Avec Veerle Baetens, Géraldine Chaplin, François Deblock
Musique: Eric Demarsan
Vendeur international : NeweN Distribution
Diffuseur(s) : Arte
Version VF- 3×52′
France – 2016