Pour ses deux derniers jours, le PIFFF 2017 a décidé de sortir l’artillerie lourde avec des films à la violence de plus en plus acerbe. Les éclaboussures de sang abondent entre le film de genre français Revenge, la nouvelle origin story du célèbre Leatherface ou encore le massacre en entreprise de Mayhem. Mais l’événement le plus notable est sans aucun doute le retour d’un des monuments du Kaiju Eiga dans son pays natal, après plus de 10 ans d’absence, avec Shin Godzilla.
[Compétition] – Revenge
Réalisé par Coralie Fargeat (France, 2017)
On a beau le répéter encore et encore, mais le cinéma de genre en France est dans une position compliquée entraînant à la fois la fascination et la répulsion. Comme beaucoup de réalisateurs le disent, arriver à faire produire un film de genre français est quasiment impossible sans aide extérieure, à savoir des soutiens de productions étrangères. Il faut donc saluer l’effort quand un long métrage de ce genre voit enfin le jour et après le succès de Grave l’an dernier dans les festivals et cette année au box-office cela pourrait promettre de meilleurs lendemains pour le film de genre français. Cela nous amène donc directement à Revenge, qui comme Grave fait coup double en nous offrant à la fois un film de genre français mais aussi en permettant de découvrir une jeune cinéaste et donc favoriser la représentation des femmes dans l’industrie cinématographique. L’histoire de Revenge suit la vengeance d’une jeune femme laissée pour morte après un viol dans une oeuvre ultra-violente sous forme de chasse à l’homme.
On sent que Coralie Fargeat veut toucher un large public avec son film, très américanisé dans son style et partiellement tourné en anglais, préférant la frénésie du divertissement au détriment de la force de son propos. En résulte un récit énergique et souvent jouissif dans sa violence décomplexée et vengeresse mais aussi relativement stupide dans l’enchaînement de ses péripéties. Allant beaucoup trop vite dans son déroulement, on passe de l’invraisemblable à l’incohérence dans des situations parfois proches du ridicule et qui suscitent souvent l’hilarité. Au lieu d’avoir l’œuvre mordante qu’on aurait espéré avoir, on a un divertissement flirtant avec le nanardesque jubilatoire mais assez vain au final. La réalisatrice réduit trop souvent son personnage principal à ses purs attraits physiques et n’en fait qu’une silhouette désincarnée ce qui rend difficile toute empathie envers elle et son calvaire tellement ce dernier est surréaliste et que Fargeat dédramatise trop souvent les situations. Pourtant Revenge a une réalisation solide et de bons acteurs mais se montre maladroit dans sa mise en scène qui plonge souvent dans l’excès et la gratuité pour se donner des effets de style. En résulte un film plaisant sur l’instant mais inconséquent et qui sera sans doute vite oublié.
[Hors compétition] – Leatherface
Réalisé par Julien Maury et Alexandre Bustillo (États-Unis, 2017)
Il n’y a pas grand chose à dire sur ce Leatherface qui a été précédé d’un accueil glacial des plus justifiés. Peut-être aurions-nous pu être plus indulgent avec lui s’il s’était évertué à réinventer la mythologie de son personnage plutôt que de vouloir à tout prix s’imposer comme le préquel du chef d’oeuvre de Tobe Hooper, Massacre à la tronçonneuse. En voulant directement citer l’œuvre culte de Hooper, les deux réalisateurs français Julien Maury et Alexandre Bustillo se tirent eux-mêmes une balle dans le pied car ils se confrontent directement à la comparaison. Mais en voulant offrir une préquel à l’histoire du célèbre tueur, ils ouvrent la porte aux choix bancals qui viennent même dénaturer l’œuvre d’origine.
Leatherface n’a donc rien pour lui entre sa réalisation aux fraises, ses jumpscares systématiques et paresseux et une utilisation catastrophique de la court-focale pour accentuer sans imagination l’horreur des situations. On ne comptera pas aussi sur un scénario prévisible, qui n’apporte rien au mythe d’origine mais qui en plus nous gratifie de dialogues risibles récités par des acteurs qui donnent un nouveau sens au terme « surjeu ». Passez votre chemin et regardez plutôt le Massacre à la tronçonneuse de 1974.
[Hors compétition] – Mayhem
Réalisé par Joe Lynch (Etats-Unis, 2017)
Habitué des séries B sévèrement burnées, Joe Lynch ne change pas de style pour son nouveau film où il joue des codes du film de zombies pour les attribuer au huis-clos en forme de jeu de massacres. Extrêmement ludique sur sa forme où l’on suit un jeune avocat ambitieux bloqué sur son lieu de travail qui a été contaminé par un virus ; les infectés, désinhibés, s’adonnent à toute forme de débauches. Critique sur la déshumanisation et l’aspect impitoyable du monde du travail : on se retrouve plongé dans un récit caricatural mais assumant son second degré et sa satire. Mayhem devient cela dit très vite répétitif avec sa construction de jeu vidéo où les personnages montent les étages pour accéder aux prochains niveaux et où chaque niveau se clôture par un boss. Le tout devient vite redondant dans son enchaînement de scènes de bagarres mais cela se compense par l’énergie de l’ensemble.
Les personnages principaux ne sont pas très développés mais vite attachants grâce à la sympathie dégagée par les acteurs qui les incarnent. En ça, Steven Yeun s’en sort admirablement bien dans le rôle de ce golden boy en pleine rédemption et trouve enfin un rôle à sa mesure au cinéma. Mayhem est un divertissement des plus efficaces mais pas très fin mais il saura faire passer un bon moment le temps d’un dimanche soir pluvieux.
[Film de clôture] – Shin Godzilla
Réalisé par Hideaki Anno et Shinji Higuchi (Japon, 2016)
Shin Godzilla marque un événement d’envergure. Celui du retour du célèbre monstre de cinéma dans son pays natal après une absence de 13 ans. Il apparaît très vite comme une réponse au Godzilla de Gareth Edwards et à l’envie hollywoodienne de créer un univers partagé autour des kaiju du cinéma. Loin des récits habituels américains, ce Shin Godzilla préfère jouer la multiplicité des points de vue pour montrer l’effervescence et l’ampleur d’une situation de crise. Faisant directement référence au film d’origine, il replace son Godzilla dans un contexte post-Fukushima pour redonner toute la dimension symbolique à ce dernier. En résulte une oeuvre engagée et intelligente qui sait associer la profondeur de son propos à un spectacle visuel tonitruant et résolument moderne, avec une mise en scène ample et généreuse qui brille par la gestion de son rythme, notamment dans les arcanes de la chaîne de commandement derrière les situations de crises.
Mais Hideaki Anno et Shinji Higuchi maîtrisent aussi la mise en échelle pour rendre son statut totalement iconique à Godzilla qui n’a jamais été aussi imposant et immense. Ils signent une œuvre marquante et habile qu’on prend plaisir à découvrir sur grand écran, une occasion probablement unique offerte par le PIFFF et qui s’assure donc une clôture titanesque et mémorable avec ce très bon Shin Godzilla.
Le Palmarès :
Avec sa clôture, le PIFFF 2017 nous a dévoilé son palmarès où le public a gratifié Tigers Are Not Afraid de Issa Lopez de l’Oeil d’or des longs-métrages internationaux, un drame mexicain sur une bande d’orphelins devant faire face à la violence orchestrée par les gangs. Un film qui n’a pas convaincu l’auteur de ces lignes mais qui a su plaire au public mais aussi le jury qui lui a donné le prix Ciné Frisson + du meilleur film.
Pour les courts métrages c’est Spooked de Spook & Gloom qui repart avec le prix Ciné Frisson + du meilleur court-métrage français et une mention du jury tandis que le prix du jury et l’Oeil d’or du meilleur court-métrage français revient à Scaramouche Scaramouche d’Arthur Môlard. Et pour finir c’est le court-métrage espagnol RIP de Albert Pintó et Caye Casas qui repart avec l’œil d’or des courts-métrages internationaux.