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FFCP 2024 | Mimang

FFCP 2024 : Mimang, état d’impermanence

Jérémy Chommanivong Responsable Cinéma

Empruntant un dispositif et un pitch similaires au Past Lives de Celine Song ou encore à la trilogie Before de Richard Linklater, Mimang apparaît comme un délicieux ensemble de trois refrains mélancoliques. Plus qu’une lettre d’amour adressée aux personnages, qui déambulent sans destination précise, Kim Tae-yang se permet d’avoir une conversation visuelle, sensorielle et silencieuse avec une ville, surchargée d’enseignes lumineuses et en proie à la gentrification.

Synopsis : Il a rendez-vous à Jongno, pour un cours de dessin. Elle se dirige vers un cinéma où elle doit présenter un film. Ces deux anciens amis ne se sont pas vus depuis plusieurs années. Ils tombent l’un sur l’autre, en plein cœur de Séoul, et décident de marcher ensemble, dans ce quartier qu’ils ont tant fréquenté dans le passé.

Théâtre de transformations spatiales mais aussi sociales, Séoul est toujours en quête d’identité. Il est possible de traverser une ruelle inchangée depuis sa création ou de traverser des lieux emblématiques qui ont entendu le réseau de transport urbain. La mutation de cette ville est captée au même rythme que celle des personnages sur une durée de quatre ans. Pour son premier long-métrage, Kim Tae-yang segmente sa promenade de la vie en trois chapitres, avec les mêmes visages (Lee Myung-ha et Ha Seong-guk), mais sans protagoniste principal. Chaque histoire évoque la mélancolie d’individus qui déambulent et qui font des rencontres hasardeuses, un peu comme dans Boy Meets Girl de Leos Carax.

C’est dans l’arrondissement de Jongno-gu, non loin de la statue de l’amiral Yi Sun-Shin, qu’un homme et une femme se croisent. Entre amis d’enfance ou d’études, le récit ne cherchera jamais à explorer le passé des personnages en profondeur. Les dialogues orientent néanmoins les spectateurs, comme pour se familiariser avec leur présent, comme si nous les connaissions un peu de loin. C’est justement ainsi que la composition et l’utilisation du téléobjectif par le cinéaste entretiennent une certaine distance avec les personnages et surtout avec le décor d’un Séoul en mutation. Outre les échanges sur d’éventuelles relations sentimentales ou évolutions professionnelles, c’est le décor naturel, de jour comme de nuit, qui s’exprime. Ces gens qui le peuplent ne seraient-ils pas juste les témoins d’une force invisible qui influence leurs émotions durant leur marche ? Sont-ils en train de se retrouver, de s’encourager, de se réconcilier, de tomber amoureux ? Si les réponses sont floues, c’est justement pour que nous puissions prendre le temps de nous imprégner de ces balades et d’analyser ce qui a bien pu changer à l’autre bout d’une ellipse, sous l’angle de la nostalgie. Même sans connaître personne ou sans avoir foulé la capitale coréenne, le film réussit à nous transmettre ce sentiment de grande douceur.

Les deux premiers axes nous donnent ainsi à contempler toute la justesse de Lee Myung-ha, dans le rôle d’une femme qui s’interroge sur sa solitude et son avenir. C’est en son milieu que le film dévoile toute sa splendeur, subtile jusque dans chaque mot prononcé, avoisinant la poésie d’un Wong Kar-wai, et jusque dans chaque travelling qui dépose les personnages d’un point à un autre. Tout cela est cependant contrebalancé par le troisième et dernier chapitre, où l’on sent un déficit d’émotion évident lorsqu’il s’agit d’explorer frontalement la psyché des personnages. À l’inverse de la maîtrise de Ryusuke Hamaguchi (Drive my car, Contes du hasard et autres fantaisies, Le mal n’existe pas), une scène en voiture nous assomme, tout comme le personnage de Ha Seong-guk. De même, une séquence de chant dans un bar fait basculer le film dans un autre univers déconnecté de ceux d’avant, aussi bien sur le plan esthétique que rythmique. Reste que l’on plonge volontiers dans cette douce balade à travers l’espace et le temps. En somme, Mimang, dont le titre possède plusieurs significations en coréen, peut aussi bien être vu comme un film romantique ou un film de rupture, les interprétations sont nombreuses et c’est ce qui rend cette œuvre sur l’errance fascinante.

Ce film est présenté à la section paysage de la 19e édition du Festival du Film Coréen à Paris.

Mimang : bande-annonce

Mimang : fiche technique

Réalisation et Scénario : Kim Tae-yang
Directeur de la photographie : Kim Jin-hyeong
Montage : Lee Ho-seung
Chef décorateur : Kim Nam-sook
Son : Kim Ju-hyeon, Kim Jun-yong, Yang Hye-jin
Musique originale : Kim Tae-san
Producteur exécutif : Son Young-hak
Producteur : Noh Ha-jeong
Production : Jacob Holdings, Milkyway Cinema
Pays de production : Corée du Sud
Durée : 1h32
Genre : Drame

Responsable Cinéma