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FFCP 2023 : Dr. Cheon and the lost talisman, demon slayer

Jérémy Chommanivong Responsable Cinéma
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Un faux shaman arnaqueur, un technicien maladroit, une femme qui voit des morts, un vieillard qui joue avec des doigts humains, cette énumération incongrue compose pourtant Dr. Cheon and the lost talisman. Un tel pitch ne peut qu’attiser la curiosité des moldus, qui ne sont pas venus se charger l’esprit en réflexions futiles. C’est justement ce que le premier film de Kim Seong-sik a à offrir, une aventure délirante, fantastique et pas du tout machiavélique.

Synopsis : Le Dr Cheon gagne sa vie en pratiquant de faux exorcismes pour des clients persuadés qu’ils sont hantés par des fantômes. Il en profite pour alimenter une chaîne YouTube qui fait sa renommée. Un jour, une jeune femme vient le trouver pour lui demander d’exorciser sa soeur, possédée par un esprit maléfique bien réel.

Assistant-réalisateur dans des œuvres de luxe (Parasite, Deliver Us From Evil, Decision To Leave), Kim Seong-sik passe à présent derrière la caméra, afin d’adapter le webtoon Possessed, écrit par Fresh et illustré par Kim Hong-tae. En plus d’un CV rassurant, le metteur en scène démontre son aisance à orchestrer une scène d’exposition qui marie le suspense et un humour pince-sans-rire. Nous sommes donc bien loin du premier degré horrifique et psychologique du récent The Strangers, une pépite réalisée par Na Hong-jin. Le cinéaste compte ainsi sur des artifices grossiers, car plus c’est voyant, plus le ridicule est tranchant. Cela ne fonctionne malheureusement qu’un temps avant que l’on s’embourbe dans un néant scénaristique, que l’on essaie de relancer avec des boutades ou des séquences épiques qui perdent leur charme dans la durée.

Mauvais esprits

Passé maître dans l’art de cerner les points faibles de ses clients, qui invoquent la possession à tout-va, le Dr. Cheon (Dong-won Gang) ne se laisse submerger que par l’appât du gain. C’est un peu comme s’il était une version malicieuse et bienveillante d’un Sherlock Holmes qui a pleinement digéré sa désintox. Ce héros déchu reste séduisant dans sa démarche un peu farfelue, car il profite de chacune de ses interventions pour réparer les pots cassés dans les familles dysfonctionnelles. Accompagné de son fidèle et peu lucide apprenti, In-bae (Lee Dong-hwi), dont les outils technologiques ont le don de nous faire rire, il semble partir à la chasse d’un élément mystérieux, qui nous est évidemment expliqué dans un flashback nostalgique.

Avant cela, il est nécessaire de prendre du recul sur ces combines faciles. Kim Seong-sik se permet alors de brosser le portrait d’une Corée du Sud de moins en moins superstitieuse et qui s’éloigne de plus en plus de sa propre culture. Les multiples arnaques du Dr. Cheon ne sont qu’un aperçu du virage que le pays a pris vers le capitalisme, au détriment des citoyens dans le besoin. Cependant, le cinéaste choisit de ne pas creuser dans cette direction et réoriente rapidement ses protagonistes vers une nouvelle affaire. La petite sœur de Yoo-gyeong (Esom), qui voit le mal autour d’elle, souffrirait d’une réelle possession, malgré le scepticisme du duo. Malheureusement pour eux, la clochette « détecteur de démon » qui accompagne le Dr. Cheon à son poignet retentit pour la première fois. Cet enfant est bel et bien sous une emprise démonique et c’est à partir de là que l’intrigue prend la direction opposée à celle de l’Exorciste de William Friedkin.

On quitte assez vite cette maison, située dans un coin isolé et brumeux. Puis un vilain revenu du passé, Beom-cheon (Jun-ho Heo), annonce son plan en fronçant les sourcils. Un atout charismatique qui lui permet d’être cohérent avec la mutilation forcée qu’il impose aux disciples qui ont failli à leur mission. Et notre héros cherche évidemment à finir le travail de ses ancêtres, en scellant son âme dans le fameux talisman du titre. Les objectifs sont simples, mais les détours sont nombreux dans cette quête, qui croise modérément le Scooby-Gang et la troupe des Ghostbusters.

L’humour sarcastique parsème alors toute l’œuvre, ce qui souligne immédiatement un manque de rythme évident. Il faut patienter jusqu’à la dernière demi-heure pour qu’un arc surexplicatif vienne justifier tout le parcours des protagonistes. Il ne reste plus qu’à apporter un peu de frissons par l’action, ce qui n’est pas totalement assumé lors d’une succession hasardeuse de possessions en pleine nuit dans un village. Où sont donc cachés les démons de minuit ? Le film ne parvient plus à être aussi amusant qu’au départ. La galerie de personnages secondaires gonfle subitement dans la seconde moitié du récit et disparaît aussitôt, comme si on les avait intentionnellement attachés et bâillonnés dans un coin jusqu’à un climax en CGI. Ce qui est d’autant plus regrettable, car le film ne s’en tire pas mal dans ses duels à l’épée, malgré quelques raccourcis attendus. Sur le moment, deux mondes s’entrechoquent et nous n’avons qu’à contempler son issue.

Tandis que Hallyuwood (industrie cinématographique de la Corée du Sud) a d’ores et déjà conquis les plateformes de streaming par chez nous. A l’avenir, il faut donc s’attendre qu’il bouscule davantage ses concurrents directs, venus de Hong-Kong et de Hollywood. Le film de Kim Seong-sik en est le parfait exemple, étant donné l’ambition d’en faire une franchise. Ce qui est dommage, car cette mise en bouche a de quoi frustrer par son manque de générosité, comme si on souhaitait garder le meilleur morceau pour plus tard. Et malgré des faiblesses évidentes, Dr. Cheon and the lost talisman démontre un savoir-faire indéniable du cinéma grand public sud-coréen. Il s’agit d’un agréable divertissement qui se consomme en groupe, car le film joue sur les réactions des spectateurs. Sans quoi le récit perdrait trop rapidement son intérêt. C’est à prendre ou à laisser et nous songeons très fortement à la seconde option.

Bande-annonce : Dr. Cheon and the lost talisman

Fiche technique : Dr. Cheon and the lost talisman

Titre original : Cheonbaksa toima yeonguso : seolgyeongui bimil
Réalisation : Kim Seong-sik
Montage : Gang-hee Lee
Son : Chang-sub Kim, Chul-woo Moon
Effets visuels : Jin-hea Hwang, Han Joon Kim
Production : Filmmaker R&K
Pays de production : Corée du Sud
Distribution internationale : CJ Entertainment
Durée : 1h38
Genre : Fantastique
Date de sortie : Prochainement

Responsable Cinéma