Avec I.S.S., la réalisatrice américaine Gabriela Cowperthwaite quitte l’univers du documentaire et signe un thriller glaçant disséquant l’âme humaine. Sur un fond tragiquement plausible de nouvelle guerre mondiale, elle brosse dans un huis clos poignant les portraits d’astronautes confrontés à des ordres fatidiques, aux peurs les plus intimes et à l’imminence de la mort. Prisonniers dans une station en chute libre, l’humanité part à la dérive…
Après l’excellent Oppenheimer de Christopher Nolan, le risque de guerre nucléaire continue d’imprégner le cinéma américain. I.S.S. envisage l’hypothèse d’un dramatique conflit entre les Etats-Unis et la Russie se répercutant au sein même de la station internationale, un lieu de coopération dont le contrôle apparaît hautement stratégique pour chacun des deux Etats. Face à cette situation qui échappe totalement à leurs pouvoir, les astronautes coupés du monde contemplent impuissant la Terre s’embraser. L’I.S.S., havre de recherches et d’entraide, se mute en un véritable enfer où l’ami devient ennemi et où chacun risque de sombrer dans la folie.
La décadence de l’Homme
En affrontant des circonstances aussi inédites que terrifiantes, les astronautes de l’I.S.S. cèdent progressivement aux peurs les plus primaires, reflétant tous les affres de l’âme d’une Humanité projetée au bord du précipice. Pour rester en vie, tous les moyens nécessaires peuvent être employés sous couvert ou non d’exécuter une mission. Alors que les actes désespérés se multiplient dans une surenchère de gouttes d’hémoglobine en gravitation, le mensonge et la trahison brisent en quelques heures des relations de camaraderies pourtant bien installées.
Gabriela Cowperthwaite propose ainsi une réflexion sur ce que l’Homme est, peut être face à des dangers extrêmes. La réalisatrice donne cependant de l’espoir. Face à la pression, aux urgences vitales, il suffit de trouver un bras mécanique, un câble ou n’importe quel objet à lequel se raccrocher pour ne pas chuter, physiquement mais surtout mentalement. A l’image des souris s’entredévorant dans une cuve soumise à la gravité, apaisées par la seule installation d’un mince filet, l’homme a besoin d’une aide afin de ne pas sombrer.
Grâce à sa tension croissante et son atmosphère effrayante, I.S.S. compose un huis clos réussi qui évite globablement de tomber dans le manichéisme. Russes comme américains basculent ensemble dans une panique aussi puissante, contagieuse que destructrice. La durée relativement courte du film, sans temps mort, rend l’immersion d’autant plus intense. De plus, les plans de l’I.S.S., plutôt réussis, participent au réalisme du film. Malheureusement, I.S.S. semble loin de constituer une oeuvre de science-fiction. Il dépeint notre monde tel qu’il est, ou serait, dans toute son atrocité.
La chute de l’Humanité
I.S.S. s’ouvre sur une belle séquence de complicité entre russes et américains, célébrant l’arrivée de deux nouveaux astronautes. La découverte de la coupole, que l’on aperçoit largement dans 16 levers de soleil, demeure le moment phare de la visite de la station. Ce moment de contemplation, de prise de conscience ou de « réveil spirituel » à la vue d’une population connectée, se déroule en opposition parfaite avec la Terre à feu et à sang que les personnages regardent avec désolation.
Gabriela Cowperthwaite nous interroge ainsi sur l’avenir de l’Homme et de notre planète. Sommes-nous condamnés à disparaître dans un déluge de bombes nucléaires, sous l’influence de politiques irrationnelles ? Que notre futur s’annonce sur Terre ou dans l’espace, I.S.S. nous incite à nous accrocher coûte que coûte à notre humanité.
I.S.S. : fiche technique
Réalisation : Gabriela Cowperthwaite
Scénario : Nick Shafir
Interprétation : Ariana DeBose (Kira Foster), Chris Messina (Gordon Barrett), Pilou Asbaek (Alexy Pulov), John Gallagher Jr. (Christian Campbell), Costa Ronin (Nicholai Pulov)…
Montage :
Photographie :
Producteurs : Mickey Liddell, Pete Shilaimon
Sociétés de production : LD Entertainment
Durée : 1h33
Genre : thriller
Date de sortie : prochainement