feffs-2019-competition

FEFFS 2019 : Retour sur la compétition

Maxime Thiss Responsable Festival

Du 13 au 22 septembre, le FEFFS a pour la 12ème année squatté les cinémas strasbourgeois. L’occasion de découvrir une nouvelle fois une programmation très riche faisant encore et toujours la part belle à une diversité dans le cinéma de genre. Après 10 jours de compétition acharnée, il est temps de faire un petit point sur ce qu’on a vu de beau (ou de moins beau) au cours de cette édition.

Cette année ce sont 11 films qui se sont battus pour repartir avec le précieux Octopus d’or, récompense suprême du FEFFS. Une compétition hétéroclite où l’on pouvait retrouver à la fois des auteurs confirmés comme Lucky McKee, lauréat en 2011 pour The Woman, venu présenter son dernier film Kindred Spirits, ou l’esthète Peter Strickland et sa robe rouge tueuse dans In Fabric, mais également des premiers films comme  le délirant Greener Grass du duo Jocelyn DeBoer/Dawn Luebbe ou The Beach House de Jeffrey A. Brown . C’est d’ailleurs ce dernier qui a eu les honneurs d’ouvrir le bal avec un film s’inscrivant parfaitement dans la thématique de cette année. En effet pour les 40 ans d’Alien, le FEFFS a décidé de mettre les parasites à l’honneur, l’occasion de revoir des classiques comme l’Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel ou encore The Thing de John Carpenter. Pour son premier long-métrage, Jeffrey A. Brown décide donc de s’aventurer dans le film de science-fiction biologique et environnementale comme il aime le décrire. Un film intriguant qui commence avec une rencontre inattendue entre deux couples de générations différentes dans une maison sur la plage et qui va basculer dans le survival quand un étrange fléau va s’abattre sur la région. Non exempt de défauts, notamment dans une direction d’acteurs assez hasardeuse ou un côté téléfilm un peu trop prononcé, The Beach House reste un premier essai honnête qui fait preuve de quelques idées attrayantes. On appréciera la gestion du côté très organique de la menace mis en scène par Jeffrey A. Brown. Le cinéaste se permet de lorgner à quelques moments dans le body horror accouchant d’une créature plutôt convaincante le temps d’une scène.

À côté de ça, Come to Daddy s’est avéré plus euphorisant. La première incursion en tant que réalisateur de Ant Timpson, producteur notamment de The Greasy Strangler, a su ravir le public par son rythme efficace et son humour noir qui fait mouche. On pourrait juger de la pertinence de placer un film pareil dans la compétition plutôt que dans les crossovers, mais difficile de bouder son plaisir face aux mésaventures d’un Elijah Wood hipster moustachu. Ce thriller bénéficie par ailleurs d’une très bonne galerie de personnages hauts en couleurs et de nombreuses explosions de violences donnant lieu à un cocktail détonnant. Le débat sur la place de certains films dans la compétition a encore une fois été présent avec plusieurs films ne répondant pas forcément aux critères du film fantastique. On pourrait en dire de même de Greener Grass, autre film ayant reçu un accueil des plus enthousiastes du public. Malgré quelques aspects loufoques comme ce gamin se transformant en chien, il faut bien avouer que le film du duo de réalisatrice/actrice Jocelyn DeBoer/Dawn Luebbe ne rentre pas dans les carcans du film fantastique. D’un autre côté, c’est tant mieux quand on voit la proposition barrée que les deux femmes nous offrent ici. Leur satire cinglante de la vie dans les suburbs est absolument hilarante. Regorgeant d’idées visuelles, lorgnant autant vers la télé-réalité que vers le cinéma subversif de John Waters, ce Desperate Housewives acidulé gagne énormément de la folie qui émane de ses deux créatrices. Ses couleurs flashys, son absurdité constante, ses gags fusant à 100 à l’heure à tout moment, Greener Grass est une proposition de cinéma unique, un véritable vent de fraîcheur au milieu de films beaucoup plus sérieux. Le film n’est d’ailleurs pas passé très loin de repartir avec le prix du public qui a échoué finalement à The Room.

On ne parle évidemment pas ici du chef d’oeuvre de Tommy Wiseau mais du nouveau film de Christian Volckman avec Olga Kurylenko en tête d’affiche. Alors qu’on se plaignait avant de l’absence de fantastique dans certains films de la compétition, on ne peut pas en dire autant pour The Room. Avec son idée de départ des plus originales, une pièce exauçant n’importe quelle demande matérielle, Christian Volckman avait dans les mains un sujet en or massif. S’il est exploité de façon amusante dans la première partie du film, le couple prenant plaisir à faire apparaître tout et n’importe quoi, allant d’une collection des plus grands tableaux de l’humanité à des robes hautes coutures, le film prend une tournure plus intimiste quand il aborde la question de la parentalité. C’est malheureusement à ce moment là que le film s’avère un peu plus fouillis dans le paradigme de cette fameuse pièce. Le film reste cependant assez efficace dans son déroulé et a de quoi tenir en haleine malgré ses facilités d’écriture. Pour rester dans la cellule familiale, faisons un tour du côté du nouveau film de Lucky McKee, Kindred Spirits. Présent pour la troisième fois au FEFFS, le cinéaste américain ancien lauréat et président du jury a provoqué une petite douche froide avec sa dernière oeuvre. Loin du consensus de The Woman, Kindred Spirits s’impose comme l’un des plus mauvais films de la sélection. Si l’on essaie dès le départ de passer outre sa photographie digne d’un téléfilm de l’après-midi sur M6  en s’intéressant davantage aux personnages, il ne faudra pas attendre très longtemps pour se rendre compte qu’à ce niveau aussi, le film se ramasse sur toute la ligne. Avec son histoire de tante à tendance psychopathe particulièrement envahissante, Lucky Mckee nous ressort une soupe déjà vue des milliers de fois. La prestation confinant au ridicule de Caitlin Stasey est le dernier clou de ce cercueil mal torché au scénario des plus indigents et à la mise en scène des plus approximatives. Une grosse plantade pour un film qu’on espérait prometteur mais qui prend le rôle de la daube annuelle obligatoire.

À l’opposée complète de cette farce se trouve certainement le plus bel objet de cinéma de ce cru 2019, In Fabric de Peter Strickland. S’étant déjà fait remarqué pour ses élans formalistes avec Berberian Sound Studio et The Duke of Burgundy, l’esthète anglais frappe une nouvelle fois un grand coup avec son histoire de robe meurtrière. Une idée saugrenue qui aurait pu tourner à l’eau de boudin mais qui s’avère diablement fascinante, notamment dans sa critique amusante de la société de consommation et de cette grande messe annuelle des soldes. Encore une fois Strickland exprime tout son amour pour le cinéma bis italien avec son esthétique giallesque des plus léchées et ses vendeuses aux allures de sorcières gothiques sorties tout droit d’un film de Bava ou d’Argento. Plastiquement somptueux, le film regorge de fulgurances visuelles et sonores bénéficiant notamment d’une bande-originale à se damner. On peut même y observer un petit clin d’œil au mésestimé Halloween 3 au travers de ce spot publicitaire annonçant les soldes. Drôle et résolument fantastique, In Fabric souffre cependant d’un rythme exigeant ayant laissé un certain nombre de personnes sur le carreau. Cela ne l’empêche pas d’avoir été salué à sa juste valeur par le jury lui offrant pour la première fois de l’histoire du FEFFS à la fois l’Octopus d’or et le Méliès d’Argent. Un prix logique qui salue une véritable proposition de cinéma.

La France n’a elle non plus pas été en reste car en plus de présenter l’excellent J’ai perdu mon corps, lauréat du prix du film d’animation, elle nous a offert au détour de Furie un film d’une efficacité redoutable. Deuxième long-métrage d’Olivier Abbou, Furie se base sur un fait divers hallucinant où une famille s’est fait expulser de chez elle par les personnes à qui elle avait prêté sa maison pendant l’été. Il donne lieu à une réflexion cathartique sur la virilité de son personnage principal campé par Adama Niane. Un film au build up impressionnant faisant bouillir autant son antihéros que le spectateur. De part son personnage principal racé, Olivier Abbou fait de Furie un film éminemment politique avec différents niveaux de lectures au fil de l’avancée des mésaventures de cette pauvre famille. Doté d’une mise en scène stylisée, Furie détourne les codes du home invasion classique et permet à Paul Hamy de briller dans un rôle délicieux de kéké nordiste ultra-violent. Ancré dans un réalisme certain tout au long de son déroulement, le film prend avec malice un contre-pied total dans son dernier acte où l’horreur prend le dessus et où la violence prend le pas sur la raison. Une belle façon de clore la compétition de cette 12ème édition.

Palmarès

Octopus d’orIn Fabric de Peter Strickland

Méliès d’Argent In Fabric de Peter Strickland

Mention spéciale du juryLittle Joe de Jessica Hausner

Prix du publicThe Room de Christian Volckman

Cigogne d’or du meilleur film d’animationJ’ai perdu mon corps de Jérémie Clapin et Away de Gints Zilbalodis

Mention spéciale du jury animationL’extraordinaire voyage de Marona de Anca Damian

Prix CrossoversDogs don’t wear pants de J-P Valkeapaa