L’Égypte est le berceau du cinéma arabe. Depuis les années 50, le pays est le plus productif et son industrie la plus performante, riche et active des pays arabophones. Quiconque souhaite dans le monde arabe avoir plus d’opportunités de devenir acteur se doit d’aller en Égypte, au même titre qu’on s’exile à Hollywood pour les mêmes raisons. Pourtant, un genre en particulier se trouve rarement produit, sans qu’on n’en trouve la raison. C’est le genre de l’horreur.
Paranormal ou « Ma wara atabia » en langue originale est une mini-série égyptienne créée par Amr Salama. Elle est l’une des premières du genre. Basée sur l’œuvre littéraire d’Ahmed Khaled Tawfik, elle met en scène l’hématologue Refaat Ismail, qui malgré son déni total du paranormal voit des djinns et des fantômes dans son quotidien.
Synopsis: Tout commence lorsque l’amour de jeunesse de Refaat, Maggie McKillop vienne en Egypte après avoir divorcé. Elle accepte de venir au dîner de la famille Ismail et c’est là que les premières manifestations d’un djinn appelé Shiraz commencent. Non contente de déjà tourmenter Refaat, elle apparaît souvent à son neveu Taha. Mais que veut le petit Djinn ?
Il est bien triste que Netflix elle-même n’ait pas mis plus en avant cette série. Celle-ci est sortie en 2020 et nous ne la découvrons qu’en 2022 ! Comme dit précédemment, le genre de l’horreur est très peu exploré, mais il a aussi son public dans les pays arabes et cette série explore non-seulement une œuvre littéraire qui a beaucoup de popularité en Égypte, notamment auprès des jeunes et elle fait le pari de nous rendre accros à l’univers.
Paranormal réussit là où Jinn échoue
Un petit peu avant, vers 2019 sortait la série jordanienne Jinn, qui n’a malheureusement pas eu le succès escompté et dont la sortie a été entachée par des polémiques superflues. Nous trouvons son annulation dommage ; néanmoins, les polémiques mises à part, la cohérence du scénario était à remettre en question.
Nous aimons ce que Paranormal propose, étant donné qu’il y a une inspiration dans plusieurs éléments dans ce folklore. Les succubes, les naïades, les djinns, mais aussi les momies maudites et les maisons hantées sont un mélange hétéroclite de mythes. En plus de cela, le professeur Ismail dénoue efficacement l’intrigue. C’est aussi une des seules sorties actuelles qui se focalise sur une vraie ambiance angoissante.
Cette série est une adaptation d’une série de livres suivant les aventures du docteur Ismail. Il est sûrement plus difficile de parler d’horreur sans avoir de synopsis qui s’y prête, mais cela se révèlera être une limite aussi si l’adaptation n’est pas faite correctement. Par exemple, il existe deux films Shining, l’un adapté par Stanley Kubrick et salué comme un bon film, l’autre adapté par Stephen King lui-même qui est apparemment un vrai navet.
L’histoire étant déjà sur papier, il nous semble qu’il y a davantage matière à créer une série que s’il fallait partir de rien. Mais dans tous les cas, Jinn et Paranormal ont poussé une porte encore fermée dans le cinéma arabe.
Une identité propre
Ce qui fait que cette série est un bijou, c’est qu’elle a déjà une direction et une identité. Jinn semblait encore perdue dans ses inspirations, si tant est qu’elle en avait. Elle essayait sans doute d’avoir une identité propre, liée juste au folklore local. Sa portraiture des djinns nous semble assez creuse et dénuée de sens. Les personnages ne semblaient pas vraiment faits pour une telle aventure.
Paranormal en revanche a des inspirations de Ring, de tous les films sur les maisons hantées, de La Momie. Cela transparait dans la couleur de l’image et le décor qui a été semble-t-il difficile à créer. Nous voyons bien le contraste entre le Caire et la campagne, de leurs deux ambiances différentes. La hantise de la ville est bien distinguée de celle de la campagne, avec tous les éléments traditionnels qui en découlent comme faire appel au Cheikh ou aux sorciers locaux et administrer des remèdes douteux.
Le Personnage du professeur
Refaat Ismail est un homme assez atypique. Pessimiste, se considère malchanceux, cartésien, sceptique, froid, il n’en est pourtant pas insensible. Il ne l’est que pour protéger les autres de lui-même car il se voit comme quelqu’un qui porte aussi malheur à son entourage. Ce premier arc est aussi une sorte de thérapie pour lui, étant donné qu’il devra apprendre à dire ce qu’il ressent et à ne plus considérer ses faiblesses comme des freins à sa vie.
C’est un personnage touchant au fond, il comprend la souffrance par laquelle passe la plupart de ses rencontres de l’autre monde comme la petite Shiraz et la jeune naïade. Il comprend vite comment guérir les maux des autres malgré la faible estime qu’il a de lui-même. C’est aussi un homme qui prend soin de sa famille et des autres et cherche à les protéger.
Le plus intéressant reste le rapport de Maggie et de Refaat. Les deux sont très fusionnels bien qu’ils ne fassent que se disputer à longueur d’épisodes. Nous espérons fortement si une suite est prévue que le personnage de Maggie McKillop sera de la partie. Elle ne le seconde pas comme un Docteur Watson mais elle ne le retarde pas non plus dans ses actions. Jusque là, elle n’est pas une demoiselle en détresse. C’est aussi une relation qui est riche, charmante et platonique comme elle est dépeinte dans cet arc.
La première série arabe paranormale
Nous espérons que cette série deviendra une référence pour une suite de nouvelles productions étrangères arabophones Netflix. Le fait est que les séries arabophones ont besoin d’un nouveau souffle et ce, par l’adoption de genres autres que le drame et la comédie qui sont légion depuis les débuts. Le cinéma égyptien a été plusieurs fois décrit comme « en déclin » depuis quelques années ; ce qui raviverait la flamme serait de s’intéresser à de nouveaux supports d’adaptations et de genres.
Conclusion
L’auteur Ahmed Khaled Tawfik, décédé en 2018, serait un incontournable de la littérature d’horreur égyptienne à l’heure actuelle, qui de plus, était enthousiaste à l’idée de voir sa série sur pellicule. Les idées ne manquent pas, tout est encore possible étant donné que cette série est la première. Nous espérons vraiment entendre parler d’une éventuelle suite et espérons que vous voudrez découvrir ce petit bijou trop longtemps occulté du catalogue Netflix.
Fiche technique:
Saison: 1
Épisodes: 6 de 46 à 55 minutes
Créée par: Amr Salama
Producteurs: Netflix, Walid Essabegh
Réalisateurs: Amr Salama, Majid El Ansari
Langue: Arabe égyptien
Acteurs: Ahmed Amin (Refaat Ismail), Razane Jammal (Maggie McKillop), Reem Abdel Kader (Shiraz), Samma Ibrahim (Raeefa Ismail), Adam Wahdan (Taha)
Sources de cet article:
Paranormal wikipédia , cinéma égyptien, Jinn, Paranormal Imdb, Jinn Imdb
Crédit image: imdb