Joséphine Bornebusch, showrunneuse de la série Love Me, scénariste et actrice de cette perle d’humour, de fantaisies intimistes, de drôleries subtiles et d’émotions, est un nom à retenir dans le paysage cinématographique et télévisuel suédois.
Cette série à l’écriture limpide et aiguisée suit les tourments sentimentaux, petits bonheurs et grands malheurs de la vie, ses chassés-croisés, ses occasions divines ou ratées et ses revirements, à travers trois couples de générations différentes, tous liés au père Sten (remarquable Johan Ulveson, immense de fragilité et d’incertitudes, de dévotions et d’affections).
L’évènement fondateur sur lequel se cristallise et se déploie le récit des deux saisons de Love Me est la mort soudaine de la femme de Sten et les bouleversements et précipités de vies qui en découlent pour chacun.
Il y a le couple de vingtenaires (Aron, le fils de Sten, perdu sans sa mère et égaré dans ses amours), le couple des quadras (Clara, la fille aînée de Sten, en mal de rencontres et d’enfants, qui se cherche un compagnon désespérément) et le couple des septuagénaires formé par Sten et Anita, la nouvelle femme rencontrée comme par miracle.
D’emblée, on aime ce père totalement dévoué à sa femme malade, que l’on sent incapable de vivre sans. Nous sommes à fond dans sa peine, ses folles attentions puis dans sa détresse et sa volonté incertaine et fléchissante de continuer à vivre. La première surprise du scénario est de le voir saisir la chance de ne pas s’enterrer avec le deuil de son épouse, d’attraper l’imprévisible au vol : la chance d’un nouvel amour à 70 ans, ça ne se refuse pas mais c’est culpabilisant et stressant. Et l’on voit sur le visage tremblant de l’acteur toute la palette émotive du doute qui pourrait avoir cette contraction : « Ah oui, l’amour et la vie peuvent surgir sans crier gare au plus délicat moment ? Ah oui, c’est possible ?! »
À partir donc d’un récit très classique, Joséphine Bornebusch affine dans un montage astucieux toutes les situations, perplexités, remises en cause et questionnements que peuvent provoquer la mort d’un proche au sein de la cellule familiale, réussissant alors par un tour de force de finesse et de subtilité à surprendre. Au lieu du tragique et lourd attendu, la mise en scène des circonstances va chercher le vivant et léger, l’étonnant drôle et touchant.
L’ensemble du casting concourt à cette hardiesse de ton, ne cherchant rien d’autre que la sincérité et la puissance joyeuse que l’on peut trouver dans n’importe quel événement. Le personnage de Clara, la fille (jouée par la scénariste), ne cache pas ses difficultés pas plus qu’elle ne mâche ses mots au cours de ses premières rencontres Tinder. Cet aplomb, cette absence de complaisance avec elle-même infiltre toute la série, son humeur pince-sans-rire, toujours un peu sarcastique, dure et douce tout en étant totalement en empathie avec chacun de ses personnages.
Les tensions dramatiques et ressorts psychologiques viennent affermir chaque avancée des épisodes. Seule la fin, trop mélo et dans l’happy end un peu forcé, est ratée.
Love Me se voit comme une pépite comique et jouissive, intelligente et inventive, sentimentale et rassérénante. Un baume au cœur, une sorte de Bergman passé à l’essoreuse d’un chantre du bien-être sans découragement, un Bergman qui aurait connu Fabrice Midal ou flirterait avec un Woody Allen en grande forme pour arroser la sève de la vie conjugale.
Bande-annonce : Love Me
Fiche Technique : Love Me
Réalisation : Joséphine Bornebusch
Scénario : Joséphine Bornebusch
Avec : Joséphine Bornebusch, Johan Ulveson, Gustav Lindh, Görel Crona, Nina Zanjani…
Production : Sofie Palage
Photographie : Andréas Wessberg
Musique : Johan Testad
Montage : Fredrik Morheden
Sociétés de production : Warner Bros. International Television Production Sweden
Société de distribution : Viaplay (Suède), Arte (France)
Langue originale : Suédois
Format : Couleur – HDTV
Nombre de saisons : 2
Genre : Drame, Comédie romantique
Date de première diffusion : 11 octobre 2019 (Suède)
Date de diffusion en France : 2022 sur Arte