Alors que The CW propose pas moins de cinq séries dérivées de l’univers DC Comics (l’« Arrow-verse » composé d’Arrow, The Flash, Legends of Tomorrow et Supergirl ; Black Lightning), SyFy se lance dans la bataille en nous propulsant chez les ancêtres de Superman.
Derrière Krypton, des aficionados de l’univers cinématographique DC
Le co-créateur de Krypton, David S. Goyer, est archi-connu des cinéphiles puisqu’il a officié sur la trilogie Batman de Christopher Nolan (Batman Begins, The Dark Knight et The Dark Knight Rises) mais aussi sur Man of Steel et Batman v Superman.
De quoi être, un peu, rassuré sur le matériel qui sera utilisé.
A priori, ces gens là ont une connaissance très approfondie de l’histoire de Kal-El/Superman.
Un concept qui a fait, négativement, ses preuves
On le sait depuis le lancement de Gotham, s’intéresser aux jeunes années d’un futur super héros est très casse-gueule. Quand le synopsis de Krypton est tombé, on s’est logiquement interrogés sur l’intérêt de dédier une série aux jeunes années de Seg-El, le grand-père de Kal-El. Pourquoi ne pas avoir choisi Jor-El, son paternel ? Car si le nom est bien connu des lecteurs de comics, il l’est aussi des non lecteurs assidus de ces derniers.
A la vue du pilote, ce choix n’est pas très clair et il se passe tellement de choses qu’on en oublierait presque que Seg-El (campé par Cameron Cuffe) est le grand-père du futur Superman, et non son père.
Car si la saison 1 de Krypton promet de suivre les aventures de Seg-El pour restaurer l’honneur de la maison El, elle commence par la disparition d’un autre papy, celui de Seg-El, Val-El (incarné par Ian McElhinney, aka Barristan Selmy dans la série Game of Thrones). D’entrée, le pilote nous fait donc faire la connaissance de cinq membres de la maison El répartis sur quatre générations. Indigeste.
Krypton/Gotham, mêmes faiblessses ?
Si les deux séries sont aux antipodes dans leur sujet, elles ont pourtant nombre de points communs.
A commencer par leur exploitation d’un super héros qu’on ne voit pas : Batman dans le cas de Gotham et Kal-El/Superman dans celui de Krypton. Les deux séries reprennent les codes que tout le monde connaît de leurs univers respectifs (Gotham/le meurtre des parents/la corruption ou encore James Gordon pour Gotham ; Krypton, Kandor, la maison des El, Brainiac pour Krypton).
Mais en agissant ainsi, Krypton se bride encore plus que Gotham. Car si on se doute que l’impossibilité de proposer sur petit écran la jeunesse de Kal-El a à voir avec son actualité cinématographique (à croire que les studios prennent l’humain moyen pour un idiot incapable de voir évoluer un super héros incarné par deux acteurs différents sur deux médias différents), cette dernière a quand même le gros avantage d’ouvrir un boulevard créatif aux scénaristes. Ce que l’on sait de Krypton, de son fonctionnement et de sa fin, on le connaît surtout à travers l’histoire de Kal-El, son dernier fils, que ce soit dans les comics ou dans les différents films/séries. Krypton a donc toute latitude pour inventer sa propre histoire en s’éloignant de ces dernières années.
Autre point commun : visuellement, les deux séries sont assez magnifiques.
La chaîne SyFy a du passer la plus grande partie du budget de Krypton dans les effets spéciaux. Ces derniers sont plus dignes d’un long métrage que d’une série. Les noirs sont profonds et les couleurs lumineuses … enfin pour les quelques couleurs que l’on voit, c’est surtout du noir et du marron dans ce pilote (peut-être pour faire ressortir le rouge de la cape de Superman, présentée comme une sorte de sablier de la réussite de Seg-El).
Une civilisation kryptonienne trop humaine
Krypton nous a toujours été présentée comme une civilisation extrêmement avancée par rapport à la nôtre. Mais dans Krypton comme dans Supergirl, on a vraiment l’impression de marcher sur Terre ! Certes les verres du bar de Kem ressemblent plus à des tubes à essai XXL que des chopes mais pour tout le reste, il y a un flagrant manque d’imagination ! Tous les kryptoniens ressemblent à des terriens, que ce soit dans leurs coutumes ou leur faciès. Espérons que dans les prochains épisodes, la civilisation kryptonienne dévoilera sa propre identité … quelque chose qui était très bien fait dans des série cultes comme Stargate SG-1 ou encore Farscape.
Krypton, ou le syndrome Titanic
Malheureusement, on sait très bien comment cela va tourner pour la planète native de Kal-El : elle va exploser. C’est comme tous les films/séries qui s’intéressent au paquebot Titanic ; on connait l’inéluctable fin : il va couler par une froide nuit d’avril 1912.
Il va donc falloir que les scenarii tiennent la route pour garder les téléspectateurs en haleine jusqu’à la fin du dixième épisode. Car pour l’instant il n’y a pas vraiment d’enjeu. Seg-El va forcément réussir et Kal-El verra le jour. On voit mal comment Goyer & co pourraient nous proposer autre chose.
Ceci dit, on ne s’attendait pas forcément à voir Adam Strange débarquer sur Krypton pour alerter Seg-El sur les dangers qui menacent sa planète, et par ricochet le futur de sa descendance. Curiosité piquée sur ce que l’archéologue terrien va pouvoir faire dans les épisodes à venir …
Trop d’info tue l’info
La présentation de cinq membres de la maison El en 42 minutes n’est pas la seule cause d’indigestion dans ce pilote.
Avec une première saison de dix épisodes, Krypton doit aller vite et accrocher le téléspectateur dès le pilote.
Or à trop vouloir en dire/montrer, on ne fait que survoler des éléments essentiels à la série : le système de castes, la technologie qui se veut avancée, les différents membres des maisons de Krypton, etc … le scénario de Goyer/Goldberg nous abreuve de trop d’informations pour que nous les intégrions.
Si on se doute que ces éléments clefs seront davantage détaillés dans les neuf épisodes à venir, on aurait quand même apprécié que le scénario nous donne un peu plus de répit.
Des acteurs au jeu inégal
On le sait, un pilote n’est jamais parfait. Les téléspectateurs comme les acteurs découvrent les personnages, il y a donc forcément de la place pour l’amélioration. Malheureusement, l’acteur le plus faible dans le lot est Cameron Cuffe, l’interprète de Seg-El. C’est dommage car, de par le concept de la série, il est de toutes les scènes ou presque, que ce soit du pilote ou des épisodes à venir. Et avec deux expressions faciales dans son répertoire, cela va être rude.
Face à lui, il faut reconnaître un Girl Power pas désagréable du tout, les trois actrices principales sortant du lot : Ann Ogbomo et Georgina Campbell, mère et fille de la maison Zod ; et Wallis Days alias Nyssa-Vex, la promise de Seg. Impossible cependant d’enrichir ce trio avec le nom de Paula Malcomson, tant son rôle de Charys-El était mal inspiré.
Le petit détail qui fait tâche ? L’absence d’alchimie entre Cameron Cuffe et Georgina Campbell, les Roméo et Juliette de Krypton … à tel point que la seule scène d’intimité entre eux porte à sourire tant elle est mal jouée et filmée.
Au final : on leur laisse le bénéfice du doute … pour l’instant …
A l’instar de Gotham, ce sont les méchants de Krypton qui happent l’attention du téléspectateur et qui le feront revenir.
Et je ne parle pas seulement des futurs ennemis kryptoniens de la maison El (issus des maisons Zod et Vex, de la mystérieuse voix de Raô ou encore l’organisation Black-Zero) mais surtout de celui qui s’annonce comme LE vilain de cette saison 1 : Brainiac (avec un vaisseau totalement badass magnifique visuellement), tout droit débarqué du futur.
Krypton n’est donc pas le naufrage total auquel on pouvait s’attendre.
Si les épisodes suivants arrivent à ralentir le rythme pour ne pas décourager le téléspectateur et que les acteurs améliorent leur jeu, alors Krypton a une chance de ne pas être annulée de façon prématurée.
Et puis ré-entendre l’inoubliable thème musical de John Williams mérite bien un détour par Krypton …
Synopsis : Le grand-père de Superman, Seg-El, apprend que Krypton est en danger de destruction, de sorte que son futur petit-fils ne naîtra jamais.
Krypton : Fiche Technique
Créateurs : David S. Goyer et Damian Kindler
Interprétation : Cameron Cuffe, Georgina Campbell, Shaun Sipos
Directeur de la photographie : Simon Dennis et James Mather
Musique : Pinar Toprak
Production : Andjelija Vlaisavljevic
Sociétés de production : DC Entertainment, Phantom Four Films et Warner Horizon Television
Genre : action, drame, aventure
Format : 10 x 42 minutes
Chaîne d’origine : SyFy
Diffusion aux USA : 21 mars 2018
Episode 1×01 – « Pilot »
Réalisation : Ciaran Donnelly et Colm McCarthy
Scénario : David S. Goyer et Ian B. Goldberg
Etats-Unis, 2018
Auteur : Grae Leigh