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Gotham saisons 1 et 2 : critique de la série

Le concept de Gotham avait tout de quoi intriguer. Une sorte de préquelle à Batman, l’histoire située avant l’apparition du justicier masqué, un Bruce Wayne enfant, un Gordon encore jeune et idéaliste, et les super-vilains à leurs commencements, certains même avant le début de leur parcours criminel.

Synopsis : Le jeune Bruce Wayne voit ses parents mourir devant ses yeux. Traumatisé, il s’est lancé dans une quête insatiable pour retrouver les meurtriers, oubliant son jeune âge et au mépris souvent du danger. James Gordon, nouvelle recrue idéaliste et intègre, a juré de l’aider, et découvre que la corruption dans Gotham remonte au plus haut niveau. Pendant ce temps, un malfrat manipulateur surnommé Pingouin prépare ses coups, la jeune délinquante  Cat se rapproche de Bruce, la petite Ivy se remet de la mort de son père, Ed Nygma se plait à travailler sur les crimes sordides toujours une devinette en tête… 

Une série à la fois source de promesses et d’inquiétudes

Un Batman sans Batman. Il y avait certes matière à développer, mais était-ce pour autant suffisant à en faire une série ? Sachant que le héros principal de cet univers n’est qu’un enfant, aux intrigues forcément limités, et qui allait être relégué au statut de personnage secondaire; et qu’à part montrer la genèse des personnages emblématiques, il n’y avait pas réellement possibilité de montrer l’évolution d’un moment antérieur jusqu’à la situation initiale de l’histoire telle qu’on l’a connue comme le peuvent certains préquelles d’univers riches (Star wars, Le Seigneur des Anneaux). La série allait donc devoir déployer d’autres histoires et développer son propre univers.

Le créateur s’avère être en plus Bruno Heller, créateur d’une série excellente comme Rome ou plus populaire comme The Mentalist, deux séries de genre et de valeurs bien différentes. Quelle allait donc être la qualité de Gotham, allait-elle réussir son pari de raconter des histoires captivantes, ou n’aurait-elle d’intéressante que le concept?

Premier constat, l’univers visuel est plutôt réussi. Une ville sale, polluée et sombre, où la fumée des usines et des aérations enferment la ville dans un brouillard quasi permanent. Une espèce de New York des années 70-80, telle qu’on a pu la connaître dans Taxi Driver, avec la technologie moderne. Le banditisme, la violence, la corruption font partie inhérente de l’identité de cette cité décadente, où les crimes les plus fous sont commis et où les criminels les plus instables et machiavéliques œuvrent impunément. Une folie qui semble chaque jour plus forte, repoussant les limites de l’inimaginable, comme si la ville avait atteint un point de non-retour qui allait l’enfoncer toujours plus profondément dans les ténèbres de l’âme humaine.

Certains personnages parviennent à produire une forte impression, par leur caractère marqué et le jeu des acteurs. Ainsi Fish Money, femme fatale et redoutable ; Harvey Bullock (interprété par Donal Logue, également le roi Horik dans Vikings) le partenaire cynique et désabusé de Jim ; Alfred, qui joue plus le rôle de mentor et de garde de corps (et il sait bien se battre le bougre) que de majordome, un rôle intéressant et assez osé ; mais c’est surtout le  Pingouin (le diabolique Oswald Cobblepot) qui attire toute l’attention. Cet homme aux manières étranges, un larbin dévoué et inoffensif en apparence tant il se dissimule par de bonnes manières, mais qui cache en réalité un tueur de sang-froid aussi impitoyable que rusé, capable soudainement d’enlever le masque affable pour révéler celui d’une bête tueuse et impitoyable, et remettre ensuite l’ancien masque avec un naturel effrayant. L’étendue de toute sa manipulation ne sera d’ailleurs appréhendée que plus tard dans la saison, le rendant plus retors que jamais, créant des conflits entre les gangs pour que les plus grands s’entretuent entre eux, et attendant le moment propice pour jouer le coup final.

Naturellement, la série allait créer sa propre mythologie. Certains ont crié au scandale à propos du passé de tel ou tel personnage qui ne respectait pas l’univers, mais il serait bon de rappeler que la mythologie de Batman a, dans les comics, changé plusieurs fois, et c’est encore plus vrai pour les films.

Beaucoup de personnages sont ainsi présentés dès le début, certains ayant plus ou moins d’importance. Il y a eu plusieurs critiques sur la façon dont ces personnages étaient introduits, d’aucun reprochant leur apparition peu subtile. Si peu subtil que plusieurs ont cru que le comique timide aperçu au premier épisode était le Joker… A ce titre les scénaristes ont par la suite plusieurs fois joué avec ce que le spectateur croyait savoir sur l’identité de tel ou tel personnage.

Réussite en demi-teinte

Réussite alors ? A l’issue de la première saison, la réponse est mitigée. Gotham subit les inconvénients du format long, à savoir une vingtaine d’épisodes, là où 13 auraient été sûrement préférables. La série étire les intrigues et les meuble à coups d’histoires épisodiques et de sous-intrigues d’intérêts inégaux. Elle évite le méchant de la semaine, mais y a recours à plusieurs reprises, lorgnant un peu trop vers une série policière classique, même si certains éléments rappellent que c’est loin d’être le cas (l’homme bouc ou le tueur aux ballons, on voit mal le NCIS être sur ce genre d’affaires…). C’est dommage car l’histoire globale est intéressante. Les complots de Fish pour voler le pouvoir à Falcone, les manipulations du Pingouin, l’opposition entre Gordon et son partenaire assurent un suivi qui incite à regarder l’épisode suivant. Malgré certains épisodes qui amènent leur lot de révélations et de bouleversements, la série retombe par la suite dans ses travers et retrouve un schéma classique, comme la mortelle cheffe de gang qui continue de sévir et de montrer encore et encore à quel point elle est dangereuse, aboutissant à une intrigue conçue juste pour elle et séparée des autres, procédure que l’on retrouvera également dans la saison 2 avec le Pingouin.

Les personnages restent fidèles à eux-mêmes sans réelle évolution, et les manœuvres de Fish et du Pingouin, comme les sarcasmes de Bullock face à un Gordon éternellement droit, finissent par lasser. Pour d’autres personnages les scénaristes semblent ne pas trop savoir quoi faire d’eux, le pire revenant à la compagne de Gordon après leur séparation, adoptant une attitude difficilement compréhensible, même s’il faut bien avouer qu’elle connaît par la suite une évolution très particulière et intéressante. L’intrigue globale semble difficile à cerner, tant elle semble constituée de sous-histoires maladroitement mises bout à bout, bien que certains éléments semblent prouver que les scénaristes savent un peu où ils vont (la corruption de Wayne Entreprise, qui revient en fin de saison et sera un élément central par la suite).

Il était à espérer pour l’avenir de la série que ces derniers décident de gommer ces travers et de proposer des histoires plus captivantes et mieux construites. La fin de la saison semblait assez prometteuse dans ce sens, avec un inspecteur devenant une icône d’intégrité pour la police, un jeune Bruce Wayne se rapprochant dangereusement des malversations de l’entreprise de son père, certains futurs vilains qui passent à l’acte et les longs conflits de pouvoir résolus en un bain de sang plutôt osé.

Une deuxième saison qui remonte le niveau

Les créateurs semblent avoir entendu les critiques, puisque la saison 2 constitue une agréable surprise. La continuité y est définitivement plus marquée. Chaque épisode fait avancer l’intrigue, aucun stand-alone, et ce sans –ou très peu– d’histoires secondaires, réussissant l’exercice, pourtant pas évident sur autant d’épisodes, de maintenir le rythme et l’intérêt constant. L’équipe de criminels regroupés au début ? Elle ne dure guère. Les machinations de Galavan ? Rapidement découvertes. Mister Freeze ? Arrêté rapidement avant qu’il ait un autre rôle plusieurs épisodes plus tard.

Plus du tout d’ennui donc, au prix toutefois de certaines incohérences dans les décisions des personnages, la logique des événements ou l’étrange organisation de la ville, comme par exemple les criminels qui parviennent à plusieurs reprises à triompher d’une police décidément bien impuissante. Mais c’est Gotham, une ville particulière hors du temps comme si elle possédait des lois qui lui sont propres. Des moines fanatiques qui attaquent à l’arme blanche, un ancien mort habillé en chevalier animé d’une force surhumaine qui se fait exploser à coup de lance-roquette finissent par devenir la routine… C’est aussi l’occasion de satisfaire un bon plaisir coupable, entre fusillades et combats au corps à corps.

Malgré tout certains choix  laissent dubitatif : introduire une nouvelle équipe d’élite qui se font tuer un par un, ou la belle-famille du Pingouin dont on cherche toujours l’intérêt.

Du côté des personnages principaux, James Gordon montre une face plus sombre, inquiétante même, allant jusqu’à franchir la ligne rouge. Bruce Wayne, malgré son jeune âge, prend une part plus active, sur le point lui aussi de céder à la vengeance au détriment de la loi. Ses enquêtes, ses aventures avec Selina Kyle, ses confrontations avec la mort et des meurtriers l’ont rendu plus mature et moins naïf. Au point que Alfred, comprenant qu’il ne peut rien faire pour l’arrêter, accepte bon gré mal gré de l’assister et de lui apprendre les compétences pour survivre.

Les méchants ne sont pas en reste, le Pingouin verra sa place de « king of Gotham » compromise alors que de nouveaux joueurs arrivent en ville, et le futur Enigma assume enfin sa part maléfique.

Comme de nombreuses autres séries le font déjà, cette saison est divisée entre deux intrigues distinctes (avant et après la pause hivernale).

La première voit une sombre machination opérer dans la ville du crime, semant d’avantage le chaos.

Tandis que la seconde voit les horribles expériences d’un psychiatre machiavélique faire entrer Gotham dans une nouvelle ère de folie. Cette partie introduit entre autres le célèbre Mr Freeze, et les connaisseurs de l’homme chauve-souris sauront reconnaître également la naissance du chapelier fou. Des malversations qui n’épargneront personne, les personnages, héros ou vilains, se croisant et s’associant temporairement.

La série s’éloigne donc de l’aspect réaliste de la trilogie Dark Knight, pour permettre d’introduire des ennemis plus fantaisistes, et surtout de traiter d’affaires relevant plus de la science-fiction comme la réanimation des morts, et ce n’est pas pour déplaire.

La saison 2 a débarrassé la série des défauts de sa première saison pour réellement montrer tout le potentiel du concept, et lancer Gotham comme une série à part entière digne d’intérêt. Pour autant la question de son avenir à long terme se pose toujours, et il n’est pas garanti que la série parvienne au même résultat dans les saisons à venir. Il y a toutefois des éléments rassurants, l’univers compte un grand nombre de méchants à introduire et diverses intrigues peuvent être adaptées. Les créateurs ont-ils un plan ? Ont-ils décidés quand s’arrêter avant de laisser la place à l’icône masqué ? Quel sera l’état de la ville quand il va débarquer ? Nous verrons.

Gotham : Bande-annonce de la saison 1

Gotham, saisons 1 & 2 : Fiche technique

Créateur : Bruno Heller
Réalisateurs : Eagle Egilsson, Rob Bailey, Danny Cannon…
Scénaristes : Bruno Heller, Danny Cannon, John Stephens, Ken Woodruff, Jordan Harper, Robert Hull…
Interprétation : Ben McKenzie, Donal Logue, David Mazouz, Sean Pertwee, Robin Lord Taylor, Camren Bicondova, Cory Michael Smith, Morena Baccarin…
Musique : Graeme Revell, David E. Russo
Producteurs : Bruno Heller, Danny Cannon
Chaîne de diffusion : Fox
Genre : Science-fiction, Policier
Format : Deux fois 22 épisodes de 42 minutes

Etats-Unis – 2014

Rédacteur CineSeriesMag