Après une quatrième saison que la plupart des fans ont jugée illégitime au vu de la rupture radicale avec les trois précédentes, le trio de showrunners à la tête de la série (Alex Gansa, Gideon Raff et Howard Gordon) se sont retrouvés face au défi de devoir renouveler la série, en tâchant de respecter une certaine continuité scénaristique comme formelle.
Synopsis : Deux ans et demi après sa mission au Pakistan, Carrie Mathison a quitté la CIA pour s’occuper de sa fille. Elle a emménagé à Berlin où elle vit en couple avec un riche homme d’affaire local. Suite au vol de documents secrets appartenant à l’officine allemande de l’agence de renseignements américaine, Carrie va vite comprendre que sa vie est en danger et qu’un complot international est en œuvre.
Sur les traces de renouveau
Après une saison déjà délocalisée au Pakistan, on retrouve cette fois Carrie Mathison (Claire Danes) installée en Europe, avec l’intention de mettre son passé, et ses névroses, derrière elle. Les intrigues, qui vont se tisser autour de ses nouvelles mésaventures, quittent l’antagonisme entre Carrie et les islamistes qu’elle traque depuis des années pour tenter de se donner des enjeux géopolitiques plus concrets et de faire écho à l’actualité. En plus des soldats de Daesh sur le sol européen, le scandale des écoutes allemandes pour le compte de la CIA, le conflit israélo-palestinien, le pouvoir de nuisance des hackers, l’éternelle culpabilité des descendants d’officiers nazis, la guerre en Syrie ou bien encore la crise de l’immigration sont autant de sujets brûlants qui se retrouvent traités dès l’épisode pilote, au point de donner le sentiment d’avoir affaire à un gros fourre-tout dont on imagine mal comment chaque sous-intrigue pourra être exploités jusqu’au bout. Contrairement à ce qui a été annoncé cependant, le drame de Charlie Hebdo n’est en aucun cas évoqué en dehors d’un hommage aux victimes en ouverture de l’un des douze épisodes.
Tandis que les trois premières saisons misaient principalement sur l’ambiguïté psychologique de ses personnages pour faire naître un sentiment de paranoïa omniprésent, le changement de ton imposé par le twist final de la saison 3 a poussé les scénaristes à compenser ce manque de profondeur en donnant plus de rythme aux nouvelles saisons. Le suspense qui identifiait les premières saisons a ainsi donné place à une mise en scène beaucoup plus énergique au point d’être assimilée à celle de l’autre série d’espionnage qu’elle avait pourtant rendu ringarde : 24 heures chrono. Autant dire que le ton d’Homeland a évolué vers l’exact opposé de ce qui a fait sa gloire. Est-ce que cela va définitivement lui faire perdre son intérêt ? C’est en tout cas ce qu’ont tenté d’éviter les auteurs après une saison très décevante. C’est donc bien en jouant sur des thématiques ultra-réalistes et contemporaines ainsi sur la complexité des coulisses des agences de renseignement dans un monde instable, que la série d’espionnage va tenter de renaître de ses cendres. Mais le résultat a tellement partagé entre de courtes mais efficaces montées de tension et de longues scènes bavardes dignes d’une adaptation d’un John Le Carré, que la saison 5 ne réussit jamais a trouvé son identité propre et peine à prendre aux tripes.
Et pourtant la saison débute agréablement, grâce notamment aux envies de Carrie de nouveau départ qui lui font gagner en sympathie, ce qui lui manquait cruellement jusque-là. La voir ainsi épanouie, dans l’épisode pilote, dans son rôle de mère, et de bonne chrétienne, fait d’elle un personnage moins caricatural et plus humain que la figure classique de l’agent secret dans les fictions, à l’inverse de son ancien acolyte Peter Quinn (Rupert Friend) que l’on retrouve ici en impitoyable tueur à gages au service de l’Oncle Sam. La part passionnelle de l’intrigue, qui à toujours été un élément clef de la série pour ajouter aux troubles des personnages, concerne à présent davantage le personnage de Saul Berinson (Mandy Patinkin). L’ancien mentor de Carrie se retrouve lui-aussi –comme par hasard, et alors que la saison 4 semblait annoncer son départ à la retraite– en mission à Berlin où il à affaire à la responsable locale avec laquelle il a une relation assez… alambiquée. Évidemment, de ce point de départ, vont débuter toute une série événements qui vont faire resurgir les fantômes du passé de notre héroïne et l’entraîner dans une spirale dont va naître le suspense et toutes les questions de choix moraux que devront se poser chaque personnage (et, espérons-le, à travers eux les spectateurs) concernant l’omniprésence de la menace terroriste.
Ce schéma scénaristique classique, mais toujours efficace, produit suffisamment de rebondissements (même si les plus gros d’entre eux restent peu surprenants) pour ne pas devenir monotone. Le scénario souffre malgré tout de la mécanique ultra-calibrée de son format qui lui impose une dynamique rendant obligatoires certaines scènes d’action ou, en guise de cliffhangers qui viendraient automatiquement clôturer chaque épisodes, des soi-disant twists qui ne se justifient pas forcément et n’apportent rien au récit global. Cette prévisibilité et cette redondance sont les principales limites de l’écriture de cette cinquième saison puisqu’elle réussit, finalement, à jongler suffisamment habilement avec toutes ses pistes pour produire une intrigue cohérente qui ne s’égare que rarement –le détour à Amsterdam et le parcours de Quinn en sont certainement les éléments les moins aboutis. Davantage que l’actualisation et la multiplication des sujets, la véritable nouveauté qui apparaît dans ces épisodes est que, contrairement aux quatre saisons précédentes, le terrorisme islamiste ne semble plus être le grand ennemi de l’Amérique. D’une manière qui semble symptomatique de l’évolution de la politique étrangère de l’ère Obama 2, Homeland ne fait plus des actions armées des djihadistes et de la montée en puissance de Daesh qu’un fond de décor, alors que la véritable menace vient de Russie. L’introduction dans la série d’agents du SVR en guise d’antagonistes est la preuve que, tel que le conçoit le public américain, une nouvelle Guerre Froide a déjà débuté.
Le problème de cette saison n’est donc aucunement son scénario qui tient la route, mais l’inégalité de son rythme. La difficulté de maintenir une tension hétérogène, non pas d’un épisode d’un épisode à l’autre, mais au cœur même de chacun d’entre eux, fait que cette cinquième saison est en demi-teinte. Ne profitant ni de moments d’intensité palpitants ni d’une intrigue assez labyrinthique pour être addictive, Homeland peine à convaincre et sa conclusion laisse supposer que ses créateurs ne sont eux-mêmes pas convaincus que la série sera renouvelée.
Homeland saison 5 – Fiche technique
Création : Alex Gansa , Gideon Raff, Howard Gordon
Réalisation : Lesli Linka Glatter, Alex Graves, Daniel Attias, John David Coles, Keith Gordon, Michael Offer, Tucker Gates
Scénario : Chip Johannessen, Patrick Harbinson, Alex Gansa, Benjamin Cavell, Ron Nyswaner, Ted Mann, Alex Gansa, Meredith Stiehm
Interprétation : Claire Danes (Carrie Mathison), Mandy Patinkin (Saul Berenson), Rupert Friend (Peter Quinn), Miranda Otto (Allison Carr), F. Murray Abraham (Dar Adal), Sebastian Koch (Otto Düring)…
Production : Howard Gordon, Alex Gansa, Gideon Raff, Damian Lewis…
Pays : Etats-Unis
Chaine de diffusion (US) : Showtime
Société de distribution (France): Canal + Série
Nombre d’épisodes: 12
Durée d’un épisode : 52 minutes environ