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The General : un amour à deux visages

The General : un film où péripéties, burlesque, cascades et amour sont les ingrédients d’un western. Keaton y donne le meilleur de lui-même dans ce chef-d’œuvre que lui-même considérait comme l’un de ses deux meilleurs films avec The Navigator. Un des grands classiques, incontournable, du cinéma muet.

The General, c’est une histoire d’amour comme la plupart des films de Keaton, un amour unique à deux visages : celui d’une locomotive à vapeur (la General en question) dont Johnnie (Keaton) est le mécanicien et celui d’Annabelle aux grands yeux et aux longues boucles de cheveux.

L’intrigue du film se situe en 1861 quand éclate la guerre de Sécession. Johnnie, refoulé par l’armée sudiste car plus utile comme mécanicien, va tout de même se trouver impliqué dans le conflit de façon inattendue.

The General, c’est aussi un film d’action. Le rythme est haletant, une grande partie de l’histoire se déroulant sur des trains lancés à fond, autant que cela était possible à l’époque. Le film nous offre de belles séquences d’acrobaties. Keaton a réalisé lui-même toutes les cascades, il n’avait pas de doublure.

Les acrobaties sur les trains et en particulier sur leur toit – un lieu idéal pour les courses poursuites – a connu dans l’histoire du cinéma un grand succès. Tout acteur de film d’action qui se respecte se doit d’avoir au moins une fois dans sa vie couru sur le toit d’un train. Le dernier exemple en date étant Tom Cruise dans Mission: Impossible – Dead Reckoning Part One. Des séquences qui réjouissent toujours les amateurs de cascades en tout genre et des séquences dans lesquelles les acteurs donnent réellement de leur personne. Et Keaton était généreux dans ce registre, il prenait toutes sortes de risques et il le payait parfois cher.

Regarder The General ne peut que réjouir également les amateurs de machines, et ici de trains à vapeur qui partagent la vedette avec Keaton. Ils sont vus sous tous les angles : en plan large, en plan rapproché, de l’extérieur, de l’intérieur, en plongée, en contre-plongée. On ne s’en lasse pas, et ils ont fière allure !

Alors que le cinéma est encore très jeune, la mise en avant d’un train n’est pas anodine. Le cinéma et le train partagent des liens intimes dès l’origine du septième art. Il existe au début du XXe siècle un spectacle populaire, le Phantom train ride. La salle ressemble à celle d’un train et en a les proportions. Les spectateurs sont placés face à un écran et des films très brefs, pris de l’avant d’un train, sont projetés. The General comporte de telles séquences. Les spectateurs voient alors défiler sous leurs yeux la voie ferrée et les paysages. Pendant ce temps, quelqu’un s’occupe du bruitage pour reproduire les sons et créer l’ambiance sensorielle : coups de sifflets, vapeur, grondement des roues. Une sorte de 4D avant l’heure, qui permet à des personnes n’ayant pas les finances de s’offrir un voyage sur rails de l’expérimenter à travers ces spectacles.

À l’inverse, pour ceux qui peuvent s’offrir le voyage en conditions réelles, l’expérience qu’ils font prépare la projection cinématographique. Avec son apparition, le train change la perception du temps et de l’espace, les voyageurs voient défiler sous leurs yeux, à travers une vitre, des paysages à une vitesse jamais expérimentée jusque là. Comme Vanessa R. Schwartz (historienne de l’art) le fait remarquer : « le train nous a vraiment montré qu’un moyen de transport pouvait être vécu comme une forme de médium et d’une certaine manière, ce médium est pré-cinématographique ».

The General, ce n’est pas seulement le train, c’est aussi Buster Keaton, l’autre vedette de cette histoire. Fidèle à son personnage qui apparaît film après film, il multiplie les maladresses. Or Keaton était l’une des personnes les plus adroites qui soit, mais il simule à la perfection les chutes, les mauvais mouvements et les accidents en tous genres. Il avait une maîtrise parfaite de son corps et pouvait en faire ce qu’il en voulait. Habitué à être malmené sur les planches depuis l’âge de 3 ans où il jouait avec ses parents, il avait acquis à la fois une résistance et une aisance qui rendent son jeu d’acteur incroyablement fluide. Un passage de son autobiographie illustre bien sa formation au métier auprès de son père :

« Notre numéro gagna la réputation d’être le plus violent du music-hall. Cela résultait d’une série d’expériences curieuses auxquelles Pop se livra sur ma personne. Il commença par me porter sur scène et me laisser tomber sur le plancher. Ensuite, il se mit à essuyer le sol avec moi comme balai. Comme je ne manifestais aucun signe de mécontentement, il prit l’habitude de me lancer d’un bout à l’autre de la scène, puis au fond des coulisses, pour finir par me balancer dans la fosse d’orchestre, où j’atterrissais dans la grosse caisse. Les spectateurs étaient stupéfaits parce que je ne criais ni ne pleurais. Rien de mystérieux là-dedans. Je ne pleurais pas parce que ça ne me faisait aucun mal. Tous les jeunes enfants adorent être rudoyés par leur père. Ils sont également des acrobates et cascadeurs-nés. »

Keaton n’est pas seulement l’acteur vedette de The General, il en est également le scénariste et le réalisateur. Le soin de sa mise en scène saute aux yeux. Chaque plan est composé avec soin, les plans se succèdent et se complètent, offrant toute une diversité de points de vue sur une même situation rendue très dynamique. Un seul exemple : au début du film, Keaton marche résolument pour aller saluer sa « belle ». Derrière lui, sans qu’il en ait conscience, marchent en « procession » deux enfants et Annabelle qu’il vient rejoindre. Le plan est énergique, la caméra suit l’évolution des personnages, puis succède un plan fixe où cette fois-ci ce sont les personnages qui entrent dans le champ de la caméra et y évoluent. Cette mise en scène renforce le côté burlesque de la marche solennelle des personnages.

Keaton évolue en liberté, aisance et c’est le sourire aux lèvres que nous assistons aux exploits de ce preux chevalier parti sauver sa dulcinée et sa General. Ici, plus que jamais, ce n’est pas la destination qui compte, c’est le chemin pour y parvenir.

Bande-annonce : The General

Fiche technique : The General

Réalisateur : Buster Keaton
Scénaristes : Buster Keaton – Al Boasberg – Clyde Bruckman
Photographie : Bert Haines
Montage : Harry Barnes
Producteur : Buster Keaton
Maisons de Production : Buster Keaton Productions
Distribution (France) : Théâtre du temple
Durée : 90 min.
Genre : Western, comédie
Date de sortie : 24 février 1927 (France) – 1926 (États-Unis)

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