Dès les premières minutes, il est évident qu’avec Chantons sous la pluie, nous sommes devant une comédie musicale : voilà nos trois héros chantant gaiement la chanson éponyme, en cirés jaunes sous une pluie battante, dans un moment totalement anachronique au film, puisqu’en effet le personnage de Debbie Reynolds n’a pas encore rencontré ceux de Gene Kelly et de Donald O’Connor.
Diffusé sur TCM à partir du mardi 02 février
Synopsis : Don Lockwood est une grande star du cinéma muet hollywoodien. Nous sommes en 1927, et toutes les productions se tournent vers le parlant. Mais la partenaire de Don, Lina Lamont, est une femme capricieuse, stupide et dotée d’une voix affreuse.
Mais peu importe, nous sommes au cinéma, et qui plus est, devant une comédie musicale, et peut-être même la comédie musicale. Une petite contextualisation s’impose. Le film sort dans les salles américaines en 1952, à une époque où les comédies musicales sont nombreuses, avec des acteurs dans la droite lignée du music-hall comme le sont les deux plus connus représentants à savoir Fred Astaire et Gene Kelly, le héros de Chantons sous la pluie. Après la guerre, et pour contrer l’expansion de la télévision, le cinéma doit trouver de nouvelles manières d’attirer le public, aussi seront privilégiés les films à spectacle tels les westerns et les péplums, ou en l’occurrence les comédies musicales, alliés à une utilisation de la couleur et une mise en scène exubérante. Chantons sous la pluie n’échappe pas à la règle puisque le film contient de nombreux numéros chantés et dansés, comme on peut s’y attendre. Mais après le précédent film de Gene Kelly Un Américain à Paris qui s’apparentait davantage à un mélodrame, le film co-réalisé avec Stanley Donen porte les marques de la comédie. Le comique est porté presque entièrement par le personnage de Cosmo Brown, joué par Donald O’Connor, dont chaque scène est pretexte à de bonnes grimaces ou de superbes moments de cabarets, comme le prouve la chanson Make ‘Em Laugh. Donald O’Connor y est surprenant et donne à voir de nombreuses cascades parfaitement interprétées et brillamment insérées dans une chorégraphie sans faux pas, ou presque. L’acteur a d’ailleurs été récompensé d’un Golden Globe du meilleur acteur pour ce rôle, et il est bien dommage que cet acteur ait été oublié, tant il était réjouissant.
Bien sûr, Donald O’Connor n’est pas au centre de l’intrigue, et c’est bel et bien Gene Kelly que l’on suit déambulant à Hollywood, non pas en 1952 mais en 1927. C’est une année charnière pour le cinéma puisque c’est cette année que sort Le Chanteur de Jazz d’Alan Crosland, premier film parlant. En vérité, le film n’est pas entièrement parlant et ce sont seulement quelques minutes où l’on pouvait entendre certaines chansons mais surtout certains dialogues. Suite à ce film, c’est l’ensemble de la production américaine, à commencer par les majors, qui décident de passer au tout parlant. De nombreux auteurs s’y refuseront d’abord, comme Fritz Lang qui sort son premier parlant M le Maudit en 1931 ou encore Charlie Chaplin, dont Le Dictateur ne sera fait qu’en 1940. Mais pour les acteurs sous contrat de la production hollywoodienne, le choix n’est pas possible, c’est le parlant ou rien. Seulement voilà, tout les acteurs ne sont pas aussi bons dans le muet que dans le parlant, notamment à cause de leur voix, comme c’est le cas de la partenaire à l’écran de Don Lockwood, Lina Lamont. Sa voix insupportable et sa niaiserie avaient été jusqu’ici masquées par l’absence de micro, mais le nouveau film de Lockwood et Lamont est une véritable catastrophe. Ainsi, le film est également un véritable documentaire sur la mutation de la production cinématographique et les problèmes engendrés : devoir parler dans le micro et changer son jeu, avoir une voix qui correspond à ce que l’on attend de nous, mais aussi faire attention à la synchronisation des bandes pendant les projections en salles. Le film est ainsi le lieu d’une réflexivité du cinéma sur le cinéma, et sur la manière dont il a dû s’adapter, alors que dans le même temps il doit lui aussi faire face à la concurrence de la télévision et proposer de nouvelles choses. L’histoire du music-hall est également condensé dans le numéro final interprété par Gene Kelly. Un numéro qui dure une bonne vingtaine de minutes, comme le voulait l’habitude de l’époque, afin de mettre en avant le côté cabaret, et qui est l’occasion pour la MGM de montrer tout son potentiel en déployant tout ce qui se fait de mieux en termes de décors, de chorégraphie et de mouvements de caméras. Puisqu’on est dans une séquence à la fois imaginaire et appartenant totalement au cabaret, le film se permet un déploiement des couleurs les plus diverses et des cadrages les plus excentriques. Elle est faite en forme d’hommage au cinéma américain des années 30, qui connaissait son Age d’Or, et la séquence fait un superbe tour entre plusieurs genre et plusieurs styles.
Le film est désormais l’un des plus connus et reconnus de l’histoire du cinéma. Il est à la fois un exemple de comédie musicale, un exemple des films des années 50, un exemple du cinéma hollywoodien, et un exemple de cinéma tout court. A ce titre, il n’est à manquer sous aucun prétexte.
Chantons sous la pluie: Bande-annonce
Chantons sous la pluie : Fiche Technique
Titre original : Singin’ in the Rain
Date de sortie US : 11 avril 1952
Date de sortie FR : 11 septembre 1953
Réalisation : Stanley Donen et Gene Kelly
Scénario : Betty Comden, Adolph Green
Distribution : Gene Kelly, Debbie Reynolds, Donald O’Connor, Jean Hagen
Paroles : Arthur Freed
Musique : Nacio Herb Brown
Direction musicale : Lennie Hayton
Arrangements vocaux : Jeff Alexander
Orchestrations : Wally Heglin, Skip Martin, Conrad Salinger
Chorégraphie : Gene Kelly
Direction artistique : Cedric Gibbons, Randall Duell
Décors : Edwin B. Willis, Jacques Mapes
Costumes : Walter Plunkett
Maquillage : William Tuttle
Coiffures : Sydney Guilaroff
Photographie : Harold Rosson (photographie additionnelle : John Alton, non crédité)
Effets spéciaux : Warren Newcombe, Irving G.Ries
Montage : Adrienne Fazan
Son : Douglas Shearer
Production : Arthur Freed (délégué) ; Roger Edens (associé)
Société de production : Metro-Goldwyn-Mayer
Société de distribution : Metro-Goldwyn-Mayer
Budget : 2 540 000 dollars