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Misery, d’après Stephen King : Kathy Bates en tortionnaire de James Caan

On ne compte plus les excellents romans de Stephen King, ni les excellents films qui en sont tirés. Si Shining (1980) de Stanley Kubrick reste la référence en la matière, Misery (1990) est un autre long-métrage qui tire son épingle du jeu. Huis clos glaçant (au propre comme au figuré), le film de Rob Steiner garde son spectateur en haleine au rythme d’un kidnapping tout en duplicité. Il vaudra à Kathy Bates un Oscar de la meilleure actrice.

Misery se concentre autour de deux personnages. Paul Sheldon est un auteur à succès, notamment connu pour sa série de romans Misery, du nom de leur héroïne dont il s’est lassée et qu’il souhaite faire mourir pour pouvoir passer à autre chose. Annie Wilkes est une ancienne infirmière vivant recluse dans un chalet du Colorado. Elle est, en outre, une fan inconditionnelle du personnage de Misery et du travail de Sheldon. Dès le début, la rencontre de ces deux êtres commence dans le drame : sous le blizzard de l’hiver du Colorado, Paul Sheldon fait une sortie de route. Par chance – ou malchance ? – Annie découvre sa voiture, extrait l’écrivain du véhicule et, l’ayant ramené chez elle, le soigne. Paul se réveille avec les deux jambes cassées, il est alité chez Annie qui lui apprend que les communications téléphoniques sont coupées pour un moment.
Sa voiture enfouie sous la neige, personne ne sait ce qu’est devenu Paul, livré à lui-même avec Annie, qui ne s’intéresse qu’à une chose : le devenir de Misery.

Misery est un film qui fonctionne notamment pour son ambiance, dont une très grande partie est due au travail de ses deux interprètes principaux. Rien n’est jamais dit au spectateur : tout est supposé, grâce à un jeu de regards, de phrases laissées en suspens et prononcées l’air de rien, mais pourtant lourdes de sens. L’Annie Wilkes composée par Kathy Bates est un étrange mélange de subtilité et d’intensité. Tour à tour mielleuse et explosive, l’infirmière qui a « recueilli » Paul est aussi glaçante que le paysage enneigé. Face à elle, l’écrivain désormais infirme dissimule l’état d’alarme général que sa situation lui inspire rapidement. L’usage du téléphone, le transport à l’hôpital sont toujours repoussés, sous couvert d’excuses prononcées avec un sourire désolé. Et puis, avec les jours, ces contacts avec l’extérieur ne sont même plus évoqués… Paul Sheldon l’a compris : inutile d’insister. Le spectateur partage sa psyché avec lui : l’on se sent reclus avec cet homme, l’on angoisse et l’on espère pour lui.

L’enfermement prend ici de faux airs de vacances : pas de cellule de prison ou de chambre capitonnée d’asile psychiatrique. Tout au long de Misery, la captivité est due aux éléments naturels, à cette météo déchaînée qui a brisé les deux jambes de Paul, qui a enseveli son véhicule et toute trace de son passage, et qui coupe les communications de cette maison déjà bien isolée.
Bien sûr, l’enfermement est aussi dû à la folie humaine d’une infirmière fan qui décide de garder son héros littéraire pour elle. Sans jamais admettre son abus et sa folie, Annie joue de son pouvoir en mêlant faux chagrin, colère feinte et tout un panel d’actes passifs agressifs pour essayer de culpabiliser Paul, pour prétendre que tout ce qui se passe est normal. Sans jamais reconnaître qu’elle a façonné la situation pour avoir l’emprise sur son captif – son patient, à ses yeux – Annie se révèle d’autant plus terrifiante qu’il faut la brosser dans le sens du poil, puisqu’elle n’admet jamais le mal qui l’anime. C’est ce qui installe cette ambiance si particulière dans laquelle le spectateur, bien à l’abri dans son canapé ou son lit, se complaît : la maison de l’infirmière est cosy, la neige dehors est immaculée, Paul, alité, reçoit ses trois repas par jour et fait la conversation à une Annie tout sourire d’entendre parler de Misery. Et pourtant, rien ne va et à la seconde où sa ravisseuse a le dos tourné, Paul cherche frénétiquement un moyen de s’échapper, avec constamment cette tension et cette menace de la voir le surprendre.

Dans Misery, le monde extérieur n’existe plus, à l’exception de ce shérif Buster qui cherche encore Paul. Mais là encore, ces scènes tournent autour de la captivité, du moins de la disparition. Dans ce long-métrage, toute trace de légèreté s’est envolée. Passage après passage, le spectateur n’a en tête que le kidnapping, la potentielle évasion salutaire et une aide extérieure tant espérée. Et dans la maison, Annie mène la danse : la survie de Sheldon est suspendue aux sautes d’humeur d’une criminelle qui se prend pour son amie ; ce genre d’amitié perverse qui a depuis longtemps dépassé le stade de la manipulation.

Sans en dévoiler davantage sur l’intrigue, on peut dire de Misery qu’il s’agit d’un film intense, très prenant et dont les bénéfices cathartiques marquent durablement. Evidemment dû au talent de conteur de Stephen King, Misery est aussi magistral grâce à l’interprétation sans faille de ses personnages principaux. Kathy Bates rafle même pour ce rôle l’Oscar de la meilleure actrice. Quand on sait qu’une autre comédienne, Kim McGuire (Cry Baby, 1990), avait signé pour le rôle, mais qu’il a finalement été ré-attribué à Kathy Bates, on a peu de regrets : l’actrice a effectué un travail impeccable sur le personnage d’Annie Wilkes. Et nous, spectateurs, nous régalons d’assister confortablement à ce thriller captivant.

Bande-annonce : Misery