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Enfance et cinéma : les secrets d’enfance de la rédaction

Durant son cycle sur l’enfance au cinéma, Le Magduciné a interrogé sa rédaction pour découvrir les secrets d’enfants de certains rédacteurs. Quels films les ont marqués et ont construit leur goût pour le septième art ? La rédaction se livre sur ses souvenirs d’enfance au cinéma à travers certains incontournables comme Wall-E, Batman, Blanche-Neige ou encore Harry Potter.

1. Quel est votre premier grand souvenir de cinéma ?

Jules Chambry : Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours regardé encore et encore Le Roi et l’Oiseau, si bien que je n’ai pas souvenir d’un temps où je ne le connaissais pas déjà par cœur. Tout me fascinait : les dessins, l’ingéniosité de l’univers, la musique, le mutisme des personnages, le robot géant, la disproportion de l’architecture et la fuite surréaliste des perspectives. Mes parents ne pouvaient s’expliquer cet intérêt étrange pour ce film si particulier, sans doute destiné à un public adulte pour être réellement compris, mais à portée sensorielle de n’importe qui. Sans vraiment comprendre ce que je regardais, j’étais hypnotisé et amoureux de ce film, qui, vingt ans plus tard, demeure la plus belle chose que le cinéma ait pu m’apporter.

Chris Valette : J’ai l’habitude de dire que mon premier gros choc de cinéma a été le visionnage de Sucker Punch, de Zack Snyder. Je me rappelle du sentiment si puissant qui s’est emparé de moi alors que je venais de le découvrir sur un simple écran d’ordinateur. Le film me collait à la peau, son atmosphère, son univers hantaient chacune de mes pensées les jours qui ont suivi. Je découvrais ce que j’appelle depuis “le goût d’un film”. Cette saveur à laquelle on l’associe et qui en fait une œuvre unique à nos yeux. Je voulais tout savoir de son tournage, tout comprendre de ses riches ressorts psychologiques et je voulais que ses personnages accompagnent chacun de mes propres pas. J’admirais leur manière de lutter et de s’unir pour se débattre au sein d’une noirceur dont je ne devais (heureusement ?) à l’époque pas saisir toute l’étendue. Ça a été un film charnière en ce sens que c’est celui-ci qui m’a fait m’éloigner du cinéma de pur divertissement de mon multiplexe, pour me tourner vers des œuvres plus personnelles, psychologiques et, disons les choses comme elles sont, torturées…

Sebastien Guilhermet : Quand j’étais petit, encore très jeune, j’adorais ce moment où j’allais traîner dans le vidéo club qui se trouvait en face de chez moi et dans lequel je marchais de rayon en rayon pour découvrir des films de combat ou d’aventure. Je me souviens encore de la jaquette du film “Le silence des agneaux” avec le petit intitulé “interdit aux moins de 16 ans” qui éveillait en moi le goût de l’interdit, de l’insécurité et de l’horreur. Avec mon père, on me prenait souvent des dessins-animés (Hercule, Mulan, Le Roi Lion, 1001 pattes, Le Prince d’Égypte…), les films de grandes franchises – comme Star Wars ou Jurassic Park – ou les œuvres avec Jim Carrey. Mais mon premier grand souvenir de cinéma, c’est Matrix des sœurs Wachowski, un film somme de tout ce que je cherchais à l’époque dans le cinéma (et même maintenant). Quand je l’ai vu pour la première fois, vers l’âge de 12 ans, je n’avais pas forcément les mots pour réellement expliquer pourquoi ce film est peut être l’œuvre fondatrice de mon envie d’en découdre avec le 7ème art : une mise en scène à couper le souffle, des acteurs iconiques, une histoire plurielle et à plusieurs niveaux de lectures, des combats qui me rappelaient les dessins-animés du club Dorothée. Un coup de cœur inimaginable.

Gwennaëlle Masle : Mes premiers souvenirs de cinéma sont des émotions folles que j’ai ressenties devant deux films d’animation : Spirit et Lilo & Stitch. Je me souviens avoir été dévastée par le second, je n’arrivais plus à m’arrêter de pleurer et je m’enfonçais dans le siège du cinéma tellement j’étais bouleversée par cette amitié brisée. Je ne parviens pas à me souvenir si j’ai découvert Spirit au cinéma ou en cassette chez moi mais je sais que celui-ci a aussi eu une place très importante, je trouvais les chansons d’une grande beauté et je ressentais chaque sentiment de liberté éprouvé par les personnages et les chevaux, c’est ce qui m’a marquée dans ce film : cet affranchissement de tout avec lequel ils vivaient ou du moins vers lequel ils tendaient. Déjà à cet âge, je ressentais les choses intensément devant un écran de cinéma et j’étais fascinée par les personnes libres.

Chloé Margueritte : Petite, j’ai peu de souvenirs de cinéma, étrangement. Je me souviens cependant être allée voir « Le Petit vampire » au cinéma avec ma mère. Ce souvenir est très marquant, le cinéma dans lequel nous sommes allées a fermé quelques semaines plus tard pour être remplacé par des multiplexes. Le film, je ne m’en souviens pas tellement. Ce dont je me souviens, c’est le plaisir d’aller au cinéma, d’entrer dans le lieu, dans la salle, de voir, de ressentir et de se savoir entourée pour regarder. Mon premier grand souvenir de cinéma est donc associé à un lieu, une expérience vécue réelle. C’est un peu comme ce que raconte Almodovar dans son dernier film, Douleur et Gloire. C’est quelque chose de très fort dans ma construction et dans ma passion pour les films, cette impression que sans arrêt, ils me ramènent au monde, tout en m’en extrayant pour quelques heures. Tout ainsi se rapporte un peu à l’enfance, à ses jeux interminables qui nous sortaient de la vie tout en nous y plongeant complètement. Le cinéma a toujours, ou presque, à voir avec l’enfance.

2. Quel est votre film d’enfance préféré ?

Jules Chambry : Je ne sais pas si Billy Elliot est mon film d’enfance préféré, mais il incarne en tout cas quelque chose de profondément lié à l’enfance, et à mon enfance par la même occasion. Visible uniquement durant les vacances, lorsque j’allais chez mes grands-parents et y retrouvais la cassette sur laquelle le film avait été enregistré, Billy Elliot me replonge surtout dans un contexte : celui d’une vie passée, sans problèmes, à regarder des films en famille. Un film où l’enfant est au centre, mais où c’est toute la famille qui est impliquée dans cette histoire de jeune garçon plus intéressé par la danse classique que par la boxe. La relation père-fils, le tendre respect pour la grand-mère, les amis de quartier, les enjeux socio-politiques graves mais qui paraissent peu importants face à l’importance que l’on donne aux choses qui nous passionnent. Un film sur l’enfance, du point de vue d’un enfant, et qui éveille le souvenir de la mienne.

Chris Valette : Beaucoup me viennent en tête en lisant cette question, mais, aujourd’hui, j’ai surtout envie d’en citer deux, Fievel et le Nouveau Monde et Les Désastreuses Aventures des Orphelins Baudelaire (et oui, Emily Browning encore, déjà…). Le premier, Fievel, est un dessin-animé dont certaines scènes m’ont longtemps particulièrement effrayée. Pourtant, même avec (ou grâce à ?) cette peur-là, j’y revenais encore et encore. Car, outre la peur, le film a été un des premiers à me bouleverser en explorant le fait d’être coupé des siens et de devoir affronter un monde des plus effrayants seul… Seuls, Les Orphelins Baudelaire l’étaient aussi. Ce trio soudé au sein d’un univers particulièrement sombre, je l’ai suivi de longues années en poursuivant ma passion pour le film par la lecture des 13 romans. Quoi qu’il en soit, l’un et l’autre des deux films confirment ma conviction que le hasard n’existe pas… Quand j’ai vu des années plus tard que le directeur de la photo des Orphelins était Emmanuel Lubezki, soit un des mes chefs-opérateurs favoris aujourd’hui, ou encore que Fievel était bien plus qu’une simple fiction avec tous les sujets qu’il brasse de manière métaphorique (URSS, migrants…), j’ai compris que, même enfant, mon regard sur le septième art était déjà en place…

Sebastien Guilhermet : Si je devais en garder qu’un, ce serait Batman contre le fantôme masqué, le film d’animation. Une œuvre sombre, qui va au tréfonds des fêlures du personnage de Bruce Wayne : sa culpabilité, son envie de se délier des souvenirs de ses parents et son altération vers la violence. Mais surtout, son esthétisme incroyable et sa bande son mythologique. La première scène où l’on voit Bruce Wayne devenir Batman devant les yeux effarés et apeurés d’Alfred a marqué mon enfance et ma soif entière de cinéma. Ce moment où le retour en arrière est impossible et où chacun de nous peut plonger dans la violence. Des frissons.

Chloé Margueritte : Bizarrement, ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui, petite, mes films de chevets étaient deux Besson : Le grand bleu et Le 5e élément. Pour ce qui est du 5e élément, je voulais tout le temps le voir, je ne faisais qu’en répéter les répliques jusqu’à l’overdose. Ce choix me surprend encore aujourd’hui, mais il y avait certainement une énergie, une bizarrerie qui me parlaient beaucoup lorsque j’étais enfant. Et puis, ce sont les films que mes parents aimaient et regardaient aussi, ce qui a donc constitué mes premiers visionnages, les plus précieux en somme.

3. Le film qui vous a le plus fait peur dans l’enfance ?

Jules Chambry : Blanche-Neige et les sept nains est l’un des traumatismes de mon enfance, avec le personnage de Gollum du Seigneur des anneaux. Si j’évitais soigneusement d’ouvrir les yeux lors des brèves apparitions du second dans le premier volet de la trilogie de Peter Jackson, la sorcière de Disney m’a fait faire de nombreux cauchemars sans que je puisse y faire quoi que ce soit. La transformation en vieille dame, les ongles, la dent, le nez, la pomme : tout me terrorisait et imprégnait mon imaginaire d’images marquantes. Aujourd’hui, la peur a évidemment passé, mais les réminiscence que son visage réveille encore en disent long sur le pouvoir de l’image au cinéma.

Chris Valette : Jumanji d’abord, le téléfilm Ça ensuite. Pour le premier, je ne saurais donner de raisons précises, sinon une atmosphère qui avait particulièrement fonctionné sur moi, quelque chose de froid, de noir (oui je me répète, mais les obsessions sont là que voulez-vous !) et une solitude monumentale… Le bruit semblable à un lourd battement de cœur du jeu m’a longtemps poursuivie avant que je ne m’endorme ! Et puis le second, de manière plus évidente, ce clown terriblement malsain, ses apparitions terrifiantes… A vrai dire, même à 20 ans, je le regarde encore la couette remontée jusque sous les yeux !

Sebastien Guilhermet : Vu très jeune, et ça va paraître extrêmement paradoxal, mais l’une de mes grandes frayeurs cinéphiliques durant mon enfance fut Karaté Kid. Non pas que le film fasse peur, voire pas du tout même, mais la scène d’agression le soir d’Halloween avec cette bande déguisée en squelettes m’a marqué durant de nombreuses années et lors de nombreux cauchemars. Un film avec ses allures légères, fictionnelles et niaises, mais qui en parlant d’amitié et de harcèlement a eu une part importante dans ma vision de l’école durant mon enfance.

Gwennaëlle Masle : Petite, je n’arrivais jamais à regarder les Harry Potter, je me souviens m’être arrêtée au 4 car j’avais trop peur du labyrinthe. Longtemps traumatisée par cet opus, ce n’est qu’il y a peu que j’ai enfin tout découvert et que j’ai trouvé dommage de ne pas avoir pu vivre cette fascination envers l’univers de JK Rowling comme beaucoup d’enfants à l’époque des sorties des films.

Chloé Margueritte : Je n’ai jamais regardé beaucoup de films d’horreur et encore moins petite, le film qui m’a vraiment effrayée enfant est en fait un animé, « Le voyage de Chihiro », le DVD m’avait été offert pour mon anniversaire. J’étais déjà « grande », mes parents m’avaient donc laissée seule une heure ou deux et m’avaient permis de regarder un film. Quand ils sont rentrés, j’étais prostrée, en pleurs, espérant de toutes mes forces que mes parents rentreraient à la maison sous forme humaine. Ce qui fut fort heureusement le cas. Je n’ai jamais revu le film, pourtant j’en garde un souvenir impérissable. Je crois qu’il nourrit et a construit chez moi un désir de vouloir toujours en savoir plus, de ne pas aimer ce qui est « plat », « froid » ou trop simpliste. La complexité d’un personnage, l’univers très très riche, voilà autant de choses que je recherche dans un film et ce au quotidien. A cela s’ajoutent les trouvailles visuelles et la gourmandise de la découverte, les yeux écarquillés.

4. A quel personnage de film ou de série vous identifiez vous pendant l’enfance ?

Chris Valette : Au niveau des films, j’avais l’habitude, avec mes cousins, de rejouer des dizaines et des dizaines de scènes, ou, plus précisément, d’inventer de nouvelles histoires pour des personnages préexistants. De mon côté, je me tournais vers les personnages jeunes en proie à des luttes bien plus grands qu’eux, qui devaient sacrifier beaucoup, parfois même jusqu’à leur propre personne (oui, j’aimais beaucoup mourir à la fin du jeu…), tel qu’Harry Potter ou Katniss Everdeen par exemple. En terme de séries, je voulais être, envers et contre tout, Mélinda Gordon ! Oui, vous savez cette femme qui disait, au début de chaque épisode de Ghost Whisperer “Je m’appelle Mélinda Gordon, je pourrais être comme vous mais, depuis mon enfance, j’ai découvert que je peux entrer en contact avec les morts. “Les esprits errants” comme disait ma grand-mère…”! J’étais tout bonnement fascinée par cette série et, à cette époque où je voulais à tout prix avoir un don, aider les morts “à passer de l’autre côté” me paraissait être un très beau destin que j’espérais tout tracé…

Sebastien Guilhermet : L’identification est peut être un terme un peu fort, mais je rêvais de devenir Batman, comme beaucoup de jeunes garçons, à mon époque j’imagine. Mettre le costume, sillonner les rues de Gotham pour combattre le crime, sentir ce souffle de liberté et de chaos afin de dissimuler une part de soi qu’on ne pensait pas visible. Vers 9-10 ans, je n’avais pas conscience de toutes les nuances thématiques qui façonnaient le personnage de Bruce Wayne, mais Batman m’a accompagné et m’accompagne encore tellement je suis fasciné par “l’homme chauve-souris”.

Chloé Margueritte : Toute petite, enfin vers 9 ans, je dirais Amélie ou plutôt Audrey Tautou elle-même dans Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Parce que je voulais absolument tout faire bien, faire plaisir aux autre et que j’aimais par-dessus tout observer les adultes, le monde qui m’entourait et tenter de recevoir des compliments. Un peu à la manière d’Amélie qui faisait toujours le bien autour d’elle, sans que rien ne dépasse ni ne fasse de mal à personne. C’était lisse rond et coloré… Côté séries, et cela est venu en grandissant, ma première vraie identification a été Veronica Mars, à la toute fin du collège. Là, je m’affirmais un peu plus et donc le personnage un peu « rebelle », « farouche » m’a tout de suite plu. Je rêvais donc soit de faire du journalisme soit d’être détective et pas n’importe où… au FBI ou à Neptune.

5. Quel film conseillerez-vous à un enfant ?

Jules Chambry : Wall-E fit lors de sa sortie l’effet d’une petite bombe dans le monde de l’animation. Habitués que nous sommes aux prouesses techniques et au talent d’écriture des studios Pixar, il n’en resta pas moins fascinant de découvrir cette fable écologique sur fond d’univers de science-fiction, adressée aux adultes comme aux enfants. À l’heure de l’explosion de la popularité des intelligences artificielles, et du constat ô combien effrayant de voir que celles-ci peuvent avoir des réactions plus « humaines » que les humains eux-mêmes, revoir Wall-E ne peut qu’être éclairant, en plus de nous replonger dans un monde truffé de références au cinéma (de nombreuses scènes pastichent le 2001 de Kubrick) et aux personnages bouleversants. Le montrer aux enfants semble donc pertinent thématiquement ; mais c’est aussi une manière de les faire entrer dans le monde du septième art par l’une des plus grandes portes que le cinéma d’animation peut offrir.

Chris Valette : Je lui montrerais un de mes films de chevet depuis l’enfance, Le Prince d’Égypte. Parce que c’est magnifique tout simplement… Et ben bravo, avec tout ça, me revoilà plongée dans la BO du film… Je vous jure, on n’a pas idée de faire faire pareil questionnaire à une nostalgique pareille…

Sebastien Guilhermet : Dans les sorties récentes, un film que je conseillerais à un enfant, ce serait Zootopie. Peut être pour son aspect fédérateur et protéiforme : un film aux questionnements rassembleurs et sociaux mais qui par son rythme, son univers coloré et animal puis son esthétique, se veut être un vrai film d’aventure.

Gwennaëlle Masle : L’un des derniers Pixar : Vice-Versa, car je le trouve d’une intelligence émotionnelle assez rare dans ce genre de création. C’est le film qui permet de mieux s’appréhender et de mieux connaître le fonctionnement de ses émotions, par des schémas et des métaphores de notre monde intérieur, je pense que le film peut beaucoup aider à se cerner et quoi de mieux à cet âge que de se connaître un peu plus tout en passant un bon moment ?

Chloé Margueritte : Même s’il va être compliqué à trouver, je dirais Tout contre Léo de Christophe Honoré, déjà parce que j’adore ce réalisateur, mais aussi parce que c’est un film adressé aux enfants qui ne les prend pas pour des cruches. Il est sale par moment, froid, violent, indiscret. C’est un film qui regarde en face les yeux d’un enfant qui sait, mais qui lui dit aussi que la vie est une succession d’états dans lesquels il va devoir apprendre à grandir.