À l’occasion de la sortie de Mother! le 13 septembre 2017, revenons sur le réalisateur Darren Aronofsky et sur ses films aux personnages complexes tournés vers la noirceur. Portrait de ce cinéaste sans concession.
D’excellents débuts:
Quand il sort Pi en 1998, tout fraîchement diplômé du prestigieux American Film Institute, Darren Aronofsky connaît le succès directement. Sa pellicule gagne le prix de la mise en scène au festival de Sundance. Alors qu’il avait peiné à rassembler les 60 000 dollars nécessaires à sa production, le film en rapporte plus de 3 millions. Très inspiré par Eraserhead de David Lynch, le film en noir et blanc se concentre sur la quête d’un mathématicien fou autour du nombre Pi. Le film marque le début du style Aronofsky: cuts rapides avec de nombreux inserts, le personnage en proie à des hallucinations, la mise en scène est oppressante et la bande originale marque le début de la collaboration de l’artiste avec Clint Mansell (qui reviendra travailler sur les œuvres suivantes).
Grâce à ce triomphe, il en profite pour sortir Requiem for a dream un an après, d’après une œuvre de Hubert Selby Jr. Le film s’impose comme un classique instantané. L’histoire suit quatre personnages et leurs addictions, jusqu’à leur descente aux enfers. Le film est choquant et encore plus percutant grâce au style propre au réalisateur, déjà présent dans Pi: des inserts, un montage rapide et la musique, culte, de Mansell. C’est un nouveau succès puisque le film remporte de nombreux prix et est aussi nommé aux Oscars pour la performance de Ellen Burstyn. C’est dans ce contexte qu’Aronofsky s’impose comme un réalisateur international et talentueux.
Un passage à vide:
C’est alors que la Warner Bros. lui propose d’adapter le Comics de Frank Miller, Batman: Year One en film. Mais les différends artistiques entre le studio et le réalisateur font que le projet n’aboutira jamais. En effet Aronofsky voulait faire une oeuvre très réaliste et sombre, comme il l’explique ci dessous.
« Je pense que Warner a toujours su que c’était une vision qui ne leur conviendrait pas. Je le pense sincèrement car quand tu as des enfants de 4 ans qui achètent des produits Batman et que tu prends le risque de sortir un film comme celui-là, l’incompatibilité est totale. »
Il décide ensuite de s’attaquer à un projet ambitieux: The fountain, qui est un enfer de production qu’il met 6 ans à réaliser. En effet il a dû changer d’acteurs principaux en plein milieu de la production à cause de différends artistiques. Les rôles devaient à l’origine être tenus par Brad Pitt et Cate Blanchett et non Hugh Jackman et Rachel Weisz. L’histoire est celle d’un homme qui essaie à tout prix de sauver sa femme, au travers de trois réalités. Esthétiquement le film est superbe et se montre comme un poème onirique aux tons jaunes, mais il divise la critique. Certains lui reprochent son scénario invraisemblable, là où d’autres y voient de la profondeur et un support analytique. Dans tous les cas le film est un échec commercial et plonge le réalisateur dans une période de doute. Aronofsky confie d’ailleurs dans une interview qu’il choisit « toujours un pari risqué » et que chercher à porter un tel projet lui fait dépenser « énormément d’énergie ».
Retour au succès:
Suite à cet échec, il se remet en question et travaille sur un projet moins personnel: The Wrestler, dont il n’a pas écrit le scénario. Le long-métrage sort fin 2008 et signe le retour de Mickey Rourke, ayant délaissé les plateaux de tournage pendant plusieurs années. Il y joue un catcheur qui est forcé de prendre sa retraite suite à des problèmes de santé et qui essaie de survivre avec un job alimentaire. C’est le premier film du réalisateur dont le personnage ne souffre pas de psychose ou d’hallucinations. En outre il change son style pour une mise en scène plus sobre, ce qui plaît au public et aux critiques puisqu’il remporte un Lion d’or à la Mostra de Venise, et un Golden Globe pour l’acteur principal.
Il est pressenti pour réaliser le remake de Robocop de Paul Verhoeven, mais suite à la crise financière du studio MGM, il décide de tourner son projet Black Swan à la place.
C’est ainsi que le film sort en 2010, porté par un joli trio d’acteurs: Natalie Portman en tête, avec Mila Kunis et Vincent Cassel. Ils incarnent une troupe de danse s’entraînant pour jouer le Lac des Cygnes, avec des rivalités. Les personnages sont symboliques (chacun représente un personnage du ballet dans l’histoire) et, selon le style de Darren Aronofsky, en proie à des psychoses intérieures. Il signe un retour à ses réalisations précédentes car la mise en scène redevient oppressante et sombre. Encore une fois le projet est couronné de succès puisque Natalie Portman gagne l’Oscar de la meilleure actrice pour le rôle, et le film gagne lui-même beaucoup de prix.
En 2014, il décline la réalisation de Wolverine: Le Combat de l’immortel pour faire Noé, péplum biblique traitant de l’épisode du Déluge et de l’Arche de Noé. C’est un très gros succès au box-office, mais les critiques sont mitigées. En France le film fait plus d’un million d’entrées.
Si Aronofsky a su conquérir son public, force est de constater que la critique l’aime moins quand il s’attaque à des projets très (trop?) ambitieux. Reconnaissable à son style choc, il a réussi à s’imposer comme le réalisateur à suivre. Alors a quelle sauce va-t-il nous manger avec son prochain film, Mother!, qui sort le 15 septembre? Seul l’avenir nous le dira…
Filmographie du cinéaste natif de Brooklyn Darren Aronofsky
2017 : Mother!
2016 : Evel Knievel
2014 : Machine Man
2014 : Noé
2011 : Black Swan
2011 : Hobgoblin – Saison 1
2008 : The Wrestler
2006 : The Fountain
2000 : Requiem for a Dream adapté du roman « Last Exit to Brooklyn » d’Hubert Selby Jr.
1998 : Pi
1993 : Protozoa Court métrage
1991 : Fortune Cookie Court métrage
1990 : Supermarket Sweep Court métrage