Ça s’embourgeoise sérieusement du côté des comédies françaises des années 2010, Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu (2014) en étant le point d’orgue. On campe sur ses positions fermement, c’est le grand repli sur soi, ses petites valeurs, mais il y aurait apparemment au-delà des Apparences (2020), un Grand partage (2015) possible ? Rien n’est moins sûr.
La bourgeoisie n’est pas un long fleuve tranquille
La bourgeoisie s’ennuie donc elle s’encanaille. Elle voit un « pauvre » et elle déraille, elle change, elle s’ouvre. Si seulement c’était aussi beau… ça se saurait. Quelqu’un cherche-t-il à réconcilier la lutte des classes ? Au cinéma désormais, on se croirait à la TV avec son Fais pas ci, fais pas ça qui, à coup d’humour et de bons sentiments, réconcilie tout le monde ! Alors on prend les mêmes et on recommence. Pour incarner cette froideur capable de se fendiller, qui de mieux que Karin Viard ? A la tête des Apparences et en serre-tête dans Le grand partage, elle promène sa rigidité un peu partout. Et quand ça explose, elle reste dans l’action, pour ne jamais être en reste. C’est certainement là qu’est le grand pillage ! Rien de neuf, dira-t-on, depuis La vie est un long fleuve tranquille… c’est affreux, sale et méchant d’un côté et très coincé de l’autre. Et s’il n’y a plus de raviolis un lundi ?
Le cinéma indiscret sur la bourgeoisie
Car le schéma est simple : les choses sont présentées tout d’abord comme devant demeurer telles qu’elles sont. Dans un monde bourgeois, ça fait désordre la saleté, la pauvreté. Et puis le bonheur et l’argent sont des frères assez fidèles visiblement. Mais ça, ce n’est qu’au premier abord, car en réalité rien n’est moins sûr ! Dans un second temps, les pensées sont montrées comme figées, d’un autre temps. Le grand partage part donc dans tous les sens. On voit des gens dormir un peu partout, des lits de camps fleurirent sur le marbre, des mecs offrir leur manteau en regrettant aussi ce geste et surtout en engueulant le mendiant d’être un mendiant parce que ça fat culpabiliser… Et puis, au final, tout rentre dans l’ordre à une nuance près : on a un peu changé ses habitudes. Peut-être pour se rassurer. Ainsi, si les parents de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu semblent avoir un peu adoucies leurs avis sur les autres, la preuve en est que ce n’est qu’une farce. Pourquoi ? Parce qu’avec le 2e opus, on prend les mêmes et on recommence !
« L’erreur entraînant l’expulsion »
Il suffirait donc de copier-coller les scénarios sur la bourgeoisie ? C’est Chabrol qui doit bien être outré, lui qui a écrit plusieurs variations sur ce sujet sans jamais se répéter vraiment … Dans Les Apparences cependant, un piège se dessine, on y croit et … patatras ? On est presque soulagés de voir que ça peut marcher parfois. Même si ici le snobisme est érigé en art de vivre, que tout est à mille lieues de la réalité. Ce qui frappe, c’est cette volonté farouche de garder sa place, de rester dans ce monde pourtant si peu attrayant où rien n’est laissé au hasard. La bourgeoisie est ici montrée comme un « labyrinthe plein de frontières » qu’il faut toutes passer. Et même si ça n’a plus de sens autre que de continuer à avancer aveuglément, Eve s’accroche à sa place comme une moule à son rocher. C’est cela peut-être qui compte plus que tout, que chacun reste à sa place. Quelques pions sont bougés mais au final, rien ne tremble. Et c’est cela, surement, qui est frustrant. Ce cinéma s’ »avère être un cinéma du sur-place. Les bourgeois s’ennuient ? Nous aussi.