Une affaire de principe est le deuxième long métrage d’Antoine Raimbault après Une intime conviction (2017). Attaché une nouvelle fois au principe de vérité et de droit, le film suit José Bové (incarné par Bouli Lanners) et deux de ses collaborateurs dans une contre-enquête au cœur des institutions européennes. Le film doit beaucoup à ses interprètes, notamment Céleste Brunnquell en novice maligne qui nous guide dans les arcanes du contre-pouvoir.
« Je suis tombé sur l’affaire Dalli qui […] permettait une plongée au cœur des institutions européennes dont en plus je ne savais quasiment rien ». S’inspirant de faits réels, Antoine Rimbault, comme il l’avait fait avec Nora dans Une intime conviction, a la bonne idée de créer Clémence, une jeune stagiaire qui découvre Bruxelles et le fonctionnement des institutions européennes et qui décide de ne pas s’arrêter aux premières impressions. Là encore, le personnage relance le moteur de l’action puisqu’elle fait de cette affaire une question de « justice » quand José Bové lui oppose le droit qui permet de « garder la tête froide ». Le film ne flanche pas devant la densité d’information à transmettre et montre la complexité du travail des parlementaires dans leur quête de vérité, pour garder le cap et refuser les idées préconçues. Rien ne destinait José Bové, pipe au bec, à s’intéresser à la lutte anti-tabac, pourtant il refuse d’abandonner la démocratie au nom d’une rivalité politique ou de convictions non partagées. Clémence va bien plus loin puisqu’elle veut réparation totale, quitte à être déçue.
Une affaire de principe s’inscrit dans l’héritage du film-dossier. Ces histoires vraies fleurissent sur nos écrans de La Fille de Brest au plus récent Les Algues vertes. Pourtant, Une affaire de principe se dégage par une vision très chevaleresque (ou punk ?) de la politique. Il ne s’agit pas ici d’une quête de pouvoir, mais bien de continuer à défendre un système démocratique contre les lobbies. José Bové défend un opposant politique parce que la règle de droit a été bafouée, non parce qu’il pense faire alliance avec lui. On pense notamment à une scène à la cantine où Fabrice et Clémence observent José aller d’un groupe politique à un autre et en résumer les positions assez simplement. Voilà ce qui ne doit pas entrer en ligne de compte : faire de la politique pour le pouvoir et s’abstenir de défendre in fine l’électeur qui est aussi un citoyen, un consommateur et un être humain ! En approfondissant l’affaire Dalli, sur laquelle il tombe au cours de ses recherches, Antoine Rimbault offre une nouvelle dimension à son récit, en faisant de la figure militante de José Bové, un personnage incarné par Bouli Lanners, aussi punk que tendre. Librement inspiré d’un des chapitres de Hold-up à Bruxelles, les lobbies au coeur de l’Europe, Une affaire de principe fait autant de José Bové un collaborateur qu’un personnage. Le pitch ? John Dalli, commissaire à la santé, est contraint de démissionner en 2012 suite à des soupçons de corruption et de trafic d’influence. Tout est lié à l’industrie du tabac alors que l’instauration d’un paquet neutre agite les débats européens. L’objectif est bien de faire baisser la consommation des plus jeunes attirés par le packaging. L’histoire ne colle pas puis Dalli était jusqu’ici un défenseur de la cause anti-tabac. Certains parlementaires, dont José Bové fait partie, décident de creuser. Le film répond donc aux codes du genre du film-dossier qui sont bien présents et entraînent le spectateur au coeur de l’histoire. Pourtant, pas de course-poursuite ou de menace de mort ici, on est dans un contre-pouvoir qui s’exerce avec les moyens du bord, la mise en scène est sans cesse en coulisse, loin des grandes figures puissantes. Les personnages parlent clairement mais surtout agissent : « c’est mieux qu’un film de bureau : c’est un film d’action ».
Le récit est en effet très rythmé et les dialogues foisonnants sont didactiques. Chaque séquence se termine comme pour mieux rebondir sur la suivante, sans temps mort. À cela s’ajoutent les interprétations très légères, en opposition à celles plus graves ou idéalistes (et très justes !) de Céleste Brunnquell, de Thomas VDB et Bouli Lanners. Ils jouent deux complices qui semblent dénoter dans le jeu européen à Bruxelles. D’ailleurs, Fabrice dit dès le début qu’il en a assez, qu’il va arrêter, il décrit les institutions comme lentes, répétitives. Les deux acteurs jouent leurs personnages contre deux petits « looser punk » très impliqués dans le jeu du contre-pouvoir. L’humour n’est jamais loin et on sent le plaisir du jeu, comme lorsque Bouli Lanners dit qu’il est José Bové, c’est avec une distance très douce, pas une volonté de s’effacer derrière l’homme réel. On pense aussi à la scène où, comme des étudiants en colocation, José et Fabrice s’engueulent pour un café filtre qui dure depuis trois jours. L’image qui ressort n’est pas celle de héros esseulés, mais de la satisfaction de poursuivre une idée, de ne pas lâcher l’affaire quand ça paraît trop simple. Surtout, un message bienvenu au cœur d’une Europe qui ne fait plus rêver : au-delà des oppositions et si c’était de vrais principes qui régissaient les agissements des élus démocratiques ? On peut rêver et ça se passe au cinéma.
Toutes les citations d’Antoine Raimbault sont issues du dossier de presse du film.
Une affaire de principe : Bande-annonce
Une affaire de principe : Fiche technique
Synopsis : Bruxelles, 2012. Quand le commissaire à la santé est limogé du jour au lendemain, dans la plus grande opacité, le député européen José Bové et ses assistants parlementaires décident de mener l’enquête. Ils vont alors découvrir un véritable complot menaçant de déstabiliser les instances européennes, jusqu’à leur sommet.
Réalisateur : Antoine Raimbault
Interprètes : Bouli Lanners, Thomas VDB, Céleste Brunnquell, Lisa Loven Kongsli
Scénario : Antoine Raimbault, Marc Syrigas
Photographie : Steeven Petitteville
Montage : Jean-Baptiste Beaudoin
Distribution : Memento Films
Date de sortie : 1er mai 2024
Genre : Drame
Durée : 1h35