Pendant que Barbie se pavane en rose bonbon, que Yannick orchestre savamment un joli coup d’esbroufe, Un hiver en été le vibrant et délicat film de Laetitia Masson pourrait presque passer inaperçu tant sa sortie s’est déroulée discrètement.
Une fin du monde approche qu’elle soit réelle (les températures chutent) ou métaphorique (chaque personnage a à vivre une petite chute intérieure, un deuil ou une métamorphose), le film de Laetitia Masson se vit comme les Nymphéas de Monet, telle une géographie des cœurs, des visages paysages, des frissonnements sensoriels.
Pouvoir regarder la grâce solaire d’Elodie Bouchez, pouvoir revoir le tact et la douceur infinie d’Hélène Fillières, apprécier avec étonnement l’intensité nonchalante et grave de Benjamin Biolay , redécouvrir la tendresse à fleur de peau de Nicolas Duvauchelle, s’étourdir du jeu martial et insolite de Laurent Stocker, se réjouir de la sensibilité empathique de Judith Chemla, tout cela crée le paysage lumineux, mystérieux et palpitant de Cet hiver en été.
Laetitia Masson construit son film en miroir de la grand œuvre de Claude Monet, l’étang aux Nymphéas. Tout en ondes, horizons, bruissements et énigmes.
Monet écrit, « il s’agit de ce projet que j’avais eu, il y a longtemps déjà: de l’eau, des nymphéas, des plantes, mais sur une très grande surface». Le film de Laetitia Masson recèle cette amplitude de plans, de couleurs, de reflets, de lumières, amplitude d’émotions, d’acteurs tous plus attachants les uns que les autres.
S’inventent par touches fugaces et pérennes les palpitations des personnages de cette fresque originale et majeure.
Un hiver en été est un film choral magique, presque tactile, impressionniste traversant les destins mélancoliques et mouvants d’une dizaine de personnages en quête d’amour et d’horizon.
Il faut voir Elodie Bouchez chanter Coward de Vic Chesnutt, il faut s’imprégner de ce qu’elle fait avec sa voix, son visage, du désespoir gracieux de ses gestes. Il faut voir Clémence Poesy toute droite sortie de The Walking Dead arpenter le film avec sa salopette de peintre et faire songer en un plan à tout l’univers de Carax. Il faut voir Nicolas Duvauchelle s’effondrer sur les planches du boardwalk d’un paysage du Nord désert et pleurer. Il faut entendre et voir l’aura de Hélène Fillières et se souvenir de sa gémellité avec Sophie, sa sœur d’âme, morte récemment. Il faut voir Benjamin Biolay tiré à quatre épingles élégant jusqu’au bout de la mèche confesser son absence de cœur. Il faudrait tous les citer tant ces acteurs sont prégnants. Et se laisser happer par la composition légère et fluide de ce film qui peint l’humanité ondoyante et diverse.
L’homme est une branloire pérenne dit Montaigne et cette oeuvre picturale filme des hommes des femmes en grand émoi, des hommes des femmes en bouleversement et en espérance. Que peut-on espérer de plus du cinéma que de nous donner à vivre cette expérience de sensations, cette vie à même le coeur.
Bande-annonce : Un hiver en été
Fiche Technique : Un hiver en été
Réalisatrice : Laetitia Masson
Scénariste : Laetitia Masson
Avec Benjamin Biolay, Élodie Bouchez, Judith Chemla
26 juillet 2023 en salle / 1h 50min / Drame
Distributeur : Jour2fête