Tale of tales, une peinture baroque grandiose mais chargée d’un profond désespoir
Synopsis : Adaptation de trois des cinquante chapitres qui forment le roman Le Conte des Contes (ou Pentamerone) de Giambattista Basile: Celui d’une reine que l’envie d’enfanter pousse à tous les sacrifices, celui d’un roi charmeur tombant amoureux d’une inconnue au simple son de sa voix et celui d’une princesse qui souffre du manque d’affection de son père obsédé par un étrange insecte.
Il n’y a rien d’étonnant que Tale of tales ait à ce point divisé la critique à Cannes tant le virage opéré par Matteo Garonne est radical. Celui qui s’est fait connaitre du public international avec son excellent Gomorra (qui, pour rappel, donnait une image de la mafia napolitaine avec un réalisme proche du documentaire) signe à présent une fable fantastique aux allures gothiques qui, de plus, est tourné en anglais. De quoi désarçonner certains spectateurs qui y verront un retournement de veste à des fins purement commerciales. Et pourtant, le réalisateur défend une certaine continuité : Celle de confronter le réel et l’irréel, la vérité au mythe. Si cette velléité de décortiquer ce qui peut être réaliste dans cette adaptation de contes fantasmatiques est un argument difficile à défendre, le second est davantage recevable. Avant de s’essayer au cinéma, Garonne était féru de peinture. En réunissant une équipe technique composée d’amateurs de tableaux, il s’est assuré de mettre au point une fresque d’une qualité picturale remarquable.
Dès lors que l’on se laisse absorber par cet univers onirique, on plonge dans des aventures, plus ou moins abouties, portées par un excellent casting international. Dans trois royaumes, trois histoires de femmes (de trois âges différents) sont la base d’une narration qui prend la forme d’un film choral. Dans le rôle de la reine tourmentée par sa stérilité, Salma Hayek est impressionnante de froideur. A ses côtés, on remarque un John C. Reilly qui offre une scène de combat maritime impressionnante. Le récit qui va découler de la naissance de leur fils, qui rencontrera ses sosies, est sans conteste le segment le plus flou de l’ensemble du scénario. De son côté, Vincent Cassel réussit à donner à son personnage un charisme que l’on avait plus vu chez lui depuis longtemps. Son histoire, qui le lie à une femme à la double apparence, est incontestablement la partie la plus drôle du film. Enfin, la fable concernant la princesse délaissée par son père, elle profite du physique toujours dérangeant de Toby Jones dont la folie est palpable. Mais plus que les prestations de ce casting de stars, ce qui rend Tale of Tales hypnotique c’est la sophistication avec laquelle Garonne filme ces mythes et légendes, faisant de certains plans des images qui nous scotche à la rétine, tels qu’ Elisabeth Keanner nue dans les bois ou bien encore Salma Hayek dévorant un cœur de dragon.
Mais si le film est si dérangeant, c’est que son irréprochable direction artistique est mise au profit d’un monde où, derrière un certain faste monarchique, tout est laid et parfaitement amoral. Alors que le fait de voir princes et princesses, fées et sorcières, ogres et monstres, donne l’impression d’assister à un Disney, tout dans ce scénario à priori enfantin se fait rapidement rattrapé par sa dimension érotique et malsaine. Et c’est là que l’argument de la confrontation entre le réel et l’irréel que défendait son réalisateur prend tout son sens. En effet, si les premières minutes du film posent les bases de ce monde féérique, en se risquant à rendre certaines scènes fantastiques lourdaudes, voire franchement grotesques, dès lors que les conséquences que vont avoir ces actions sur les personnages va prendre une tournure plus terre à terre, on passe clairement du rêve éveillé au pur cauchemar. C’est parce que la conclusion est, pour chacun des protagonistes, assimilable à un drame aux antipodes du happy-end auquel il semblait prédestiné, que l’on peut affirmer que la thématique principale est la désillusion.
Même s’il est scénaristiquement inégal, Tale of tales est une œuvre d’une qualité visuelle absolument bluffante, qui profite de la présence d’acteurs parfaitement dirigés. Mais, plus une peinture baroque ou un banal conte de fées, Tale of tales est avant un film déroutant qui nous démontre que, quelque soit les apparats oniriques qu’il puisse prendre, l’espoir est toujours rattrapé par un certain fatalisme.
Tale of Tales : Bande-annonce
Tale of tales : Fiche technique
Budget : 14 500 000 $
Date de sortie : 1er juillet 2015