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Qatar, une dynastie à la conquête du monde : le documentaire sur le toit (du monde)

Berenice Thevenet Rédactrice LeMagduCiné

Disponible dès aujourd’hui sur la plateforme Arte.tv, le documentaire Qatar, une dynastie à la conquête du monde de Miyuki Droz et Sylvain Lepetit raconte avec brio l’histoire de la famille Al Thani. Loin de céder aux sirènes du moralisme, ou encore à celles de la spectacularisation, le documentaire propose une étude nuancée et fouillée de la société qatarienne d’aujourd’hui, coincée entre le conservatisme d’hier et les nouvelles aspirations à la liberté. Une réussite !

La folle histoire d’un petit émirat devenu grand

« A l’impossible, je suis tenu » disait Jean Cocteau. Savait-il que cette citation deviendrait la politique d’un émirat du Moyen-Orient ? Parions sur la négative. Voilà pourtant un dicton devenu réalité. N’en déplaise à l’auteur de La Machine infernale. Qatar, une dynastie à la conquête du monde indique, dès son titre, le ton du documentaire qui va suivre. Miyuki Droz et Sylvain Lepetit relatent l’histoire d’une ascension que personne n’avait vu venir (et n’aurait su prédire il y a vingt ans). Les deux journalistes prennent le récit des origines à l’envers. Plutôt que de nous offrir des cours d’Histoire, ces derniers optent pour une narration fonctionnant à l’image d’une pyramide inversée, serpentant entre différentes temporalités.

Le film s’ouvre sur une scène de chasse au faucon. L’évènement pourrait paraître anecdotique aux yeux d’un occidental. Il n’en est évidemment rien. Cette tradition héritée des bédouins constitue un pilier sacré dans la culture dont l’évocation permet aux réalisateurs d’évoquer autrement la société Qatar. Comment parler de l’histoire politique d’un pays en une heure et demie sans tomber dans la redite – si ce n’est le cliché ? Miyuki Droz et Sylvain Lepetit relèvent avec brio le défi. Les deux journalistes délestent le documentaire de toute chronologie lourde en optant pour une structure narrative synchronique. Celle-ci va régulièrement faire poindre des rappels diachroniques bienvenus, lesquels apportent une épaisseur qui s’avère nécessaire à la compréhension de l’ensemble des enjeux géopolitiques, culturels et économiques abordés.

Géopolitique du documentaire

Le documentaire évoque l’histoire récente du Qatar. Les journalistes reviennent sur les coulisses de l’émergence du pays sur la scène internationale. Sont alors, tour à tour, évoqués le protectorat anglais des années 30 et l’explosion économique de la fin des années 90. Miyuki Droz et Sylvain Lepetit reviennent, avec minutie, sur la généalogie familiale. Celle-ci constitue un point capital si l’on veut saisir les contours de la politique gouvernementale. Les images d’archive alternent avec des prises de vue actuelles de Doha. Au gigantisme architectural qui la caractérise répond une richesse abyssale. Contrairement à la France, l’argent n’est pas un tabou au Qatar. Les espèces sonnantes et trébuchantes s’affichent partout, faisant sortir de terre des villes nouvelles où les quartiers flambants neufs côtoient des lignes de métro rutilantes de luxe. L’exposition de la topographie d’un lieu permet, bien souvent, de cerner la géographie sociale qui l’habite. Les cinéastes utilisent avec escient nuance et recul critique. Le choix des intervenant.es doit également beaucoup à la réussite du documentaire. En interrogeant aussi bien des membres de la famille royale que des expert.es du Moyen-Orient, le documentaire propose une discours riche et pluriel.

Si l’organisation de la société qatarienne est dominée par un fonctionnement pyramidal, celle-ci accueille, néanmoins, en son sein des évolutions. Miyuki Droz et Sylvain Lepetit ont à cœur d’écarter toute diabolisation excessive. Nul jugement moralisateur ne vient interférer avec la narration. Il ne s’agit pas de regarder de haut le Qatar ni d’être aveugle aux problématiques que sa politique intérieure peut poser. En témoigne la manière dont le documentaire évoque le traitement réservé aux travailleurs étrangers, aujourd’hui mis plus que jamais en lumière par la Coupe du Monde de football. L’objectif consiste, au contraire, pour les journalistes à offrir une autre grille de lecture.

Qatar, une dynastie à la conquête du monde rappelle que la complexité du monde peut aussi être traitée de façon simple. Rappeler cette lapalissade est peut-être moins vaine qu’on ne le croit à l’heure où la méfiance envers les médias ne cesse de gagner du terrain. « La passion reste en suspens dans le monde, prête à traverser les gens qui veulent bien se laisser traverser par elle. » disait Marguerite Duras. Que la romancière nous pardonne la glose qui va suivre. « Le journalisme (d’investigation documentaire) ne reste pas en suspens dans le monde, il est toujours, au contraire, prêt à traverser les gens – qu’ils veuillent ou non se laisser traverser par lui » pourraient à leur tour rétorquer Miyuki Droz et Sylvain Lepetit.

Bande annonce à voir sur le site Arte

https://www.arte.tv/fr/videos/106170-000-A/qatar-une-dynastie-a-la-conquete-du-monde/

Fiche technique – Qatar, une dynastie à la conquête du monde

Réalisation : Miyuki Droz et Sylvain Lepetit
Genre : documentaire
Durée : 1h34
Disponible sur Arte.tv du 20 octobre au 21 janvier 2023.
Prochaine diffusion le mardi 29 novembre à 20h55.

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