Sur fond d’isolement à la Shining, Farren Blackburn, réalisateur de séries tv (Doctor Who, Daredevil) s’essaye avec Oppression au grand format avec toute la grossièreté d’un premier scénario auquel on finira par ne jamais croire, par clichés et manque d’ambition.
Synopsis : Depuis le décès de son époux, Mary, pédopsychiatre, vit seule avec son beau-fils dans un chalet isolé de la Nouvelle-Angleterre. À l’approche d’une violente tempête de neige, Tom, l’un de ses jeunes patients, est porté disparu. Mary, tout à coup sujette à des hallucinations et prise de paranoïa, est bien décidée à retrouver le jeune garçon avant qu’il ne disparaisse à jamais.
Un combat féminin
La chevelure bonde de Naomi Watts ressemble à s’y méprendre avec la fureur capillaire de Catherine Deneuve sur l’affiche de Répulsion de Polanski de 1965. La comparaison s’arrête là, car il n’y a aucun remake du génie franco-polonais. Une veuve doit jongler entre l’aide à domicile de son beau-fils et son emploi du temps assez léger de pédopsychiatre juste à côté de chez elle (en face même, à 10 mètres) au beau milieu de nulle part, en plein milieu forestier. Le quotidien de Mary nous est décrit très littéralement, jusqu’à la rencontre du petit Tom, sourd, rayon de soleil interprété par Jacob Tremblay (Room). A partir de cette affection pour cet orphelin, le cauchemar tente laborieusement de s’installer, au moyen subtil cependant de la confusion rêve/réalité. Lourdement en effet, le jump-scare s’enorgueillit de vouloir nous faire accélérer le pouls, mais l’esprit rationnel purement cartésien que le spectateur n’a pas toujours nous pousse à croire en l’évidence suprême, en ce qui est réaliste et seulement possible sur un plan terrestre et matériel (remettons en question deux secondes la probabilité du retour d’un mort vivant). Il ne subsiste qu’une seule explication donc réaliste, à moins qu’un nouveau personnage attachant dans sa maladresse de père célibataire macho ne vienne alimenter le doute. Sauf qu’il est déjà trop tard, on ne laisse pas au suspense suffisamment de longueur pour évoluer. La réponse que l’on savait déjà nous est transmise par une traversée fantomatique via skype. Le suspense n’est pas cette longue traversée de couloir dans le noir où l’héroïne mettra trois heures pour tourner une poignée et ouvrir une porte sur une ombre ! Qui plus est, cette mère au foyer qui voue sa vie, jusqu’à sa sacrifier et se demander s’il n’est pas plus sage pour sa santé mentale de laisser son beau-fils paralysé dans un centre adapté, n’est qu’une coquille que Naomi tente avec son talent d’habiter. Sur papier, une note d’intention, le sujet peut être porteur. Une femme à bout de course (symbolisée par l’isolement géographique) doit lutter pour une survie. La sienne? Celle d’un autre ? Si c’était la première, le scénario ne tiendrait guère debout. Si c’était la deuxième, le film arrive très rapidement à son terme. Nulle ouverture possible, aucun tiroir qu’il est possible d’ouvrir et il suffit de patienter, le pas énervé, que la résolution daigne apparaître. La mort ou la survie de cet autre. Pourquoi faire du tort à l’image d’Yves Bélanger qui a déjà tant donné dans Dallas Buyers Club ou Demolition ?
Inutile et vain
Au bon samaritain de crier au spoiler, mais de cette habile analyse se tire la conclusion elle-même. Ne lisons pas au-delà si vous n’avez pas encore vu le film. Si vous y voyez le déroulé, c’est que malheureusement et manifestement Oppression a atteint ses propres limites. Alors pourquoi se déplacer pour aller le regarder ? Pour Naomi Watts (?) qui peine à porter le désespoir d’une Wendy Torrence jouée de manière « cri munchien » (épatant au passage!) par Shelley Duvall. Pour le petit attendrissant qui méritait l’oscar dans le film nominé ci-dessus avec Brie Larson ? Sa présence ne dure que 5 minutes. Pour la lutte d’une femme en pleine forêt ? Le fond vert sur étang est frappant et mal déguisé. On aboutit avec flagrance au cœur même d’un autre génie kubrickien. Shining et l’hôtel Overlook, d’autant que la neige et la tempête empêchent toute liaison vers l’extérieur. Le médecin qui a compris la supercherie et fonce sauver sa patiente, sauf qu’il ne fait guère de vieux os. On revoit la scène où Dick Halloran est poignardé par une hache dans les couloirs déserts. A l’exception que Scatman Crothers, l’acteur afro-américain, est plus proche du gentil oncle Ben’s que Oliver Platt, le docteur Wilson, de Craig Feldspar (le gentil gros maladroit et amoureux de Loïs) dans Malcolm. Si vous ne riez pas du décalage, attendez-vous à comprendre où ces mots veulent en venir. La présence de Charlie Heaton, l’adolescent immobilisé (au trait presque trisomiques, félicitons la directrice de casting et pire la scénariste qui en est à son premier gros projet) est précisé dans le générique « Pour la première fois à l’écran ». Il faut donc s’attendre à une performance? Joué le regard vide, la bouche à moitié inerte mériterait un oscar?! Attendez-donc vous à être déçu face à Jack Nicholson, puisqu’on reste toujours dans la comparaison…
On connaît la fin. La chanson manque de couplets ou enchaîne le même refrain, mais elle agace. Plutôt que de s’extirper ingénieusement tel David Copperfield (il faudrait un miracle après la bouillasse fade des quatre-vingt premières minutes), le film suit le cliché éculé du fan mania. La scène finale à la surface limpide du lac reflétant une lune pleine semble faire hommage à Vendredi 13. La silhouette sombre du petit Tom au travers la porte de la chambre résonne comme Insidious. Ajoutons une cave, une course en forêt, un placard strié, un faux éclairage à la bougie, dans une salle de bain lustrante, un montage parallèle en voiture sous une pluie diluvienne, on obtient un dérivé impersonnel et superficiel. Comme si les jeunes réalisateur et scénariste manquaient de confiance – on peut difficilement assumer autant de grossièretés -, il nous faut s’attacher à Shining et d’autres maigres références (on en regretterait presque d’autres pour ne citer que Polanski). Il est triste qu’autant de dollars puissent être versés pour de tels hommages vains. Fallait-il s’attendre autre choses d’EuropaCorp (Luc Besson)?!