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Monsieur Constant |Copyright Babaika

Monsieur Constant : Tristan et Yseult ou l’héritage impossible

Monsieur Constant, d’Alan Simon, a le grand mérite de faire réapparaître sur le devant de la scène cinématographique Jean-Claude Drouot, devenu décidément trop rare à l’écran. Mais, malgré le talent des comédiens et la beauté des images, l’histoire, portée par des dialogues et un scénario maladroits, ne parvient pas à tenir ses promesses.

Monsieur Constant vit dans le clair-obscur et la lumière dorée du souvenir. Monsieur Constant est incarné par Jean-Claude Drouot, que l’on a grand plaisir à retrouver de nos jours, en âge d’endosser le rôle du père de Sergio (Cali) et du grand-père de la charmante Adéla (Gabrielle Pélissier), après qu’il a fusionné, en sa fringante jeunesse, avec le personnage de l’irrésistible Thierry La Fronde. L’homme n’a rien perdu de sa beauté, celle-ci s’est simplement transformée avec les années, gagnant en embonpoint, mais aussi en sincère et profonde gentillesse. Ici, le héros éponyme s’est retiré sur l’Ile aux Moines, où il vit pétrifié dans le souvenir de Natalia, la mère de son fils, danseuse étoile venue de Russie et disparue tragiquement cinquante ans plus tôt. La scène initiale, prometteuse et fascinante, campe le vieil homme face à la silhouette agile de l’ombre féminine qui ne le quitte pas, dansant au soleil couchant sur la lande bretonne. Convocation de l’imaginaire celtique, mêlé à l’expérience du deuil, qui semble augurer le meilleur pour la suite.

Mais cette suite, précisément, pose la question de ce qui se joue entre un film réussi et une œuvre en partie manquée… Constant Lucas, donc, se voit provisoirement confiée la garde de sa petite-fille, à présent âgée de huit ans et qu’il n’a pas vue depuis cinq ans. Ceci dans le but que son fils, compositeur, puisse mener à bien l’écriture d’un opéra autour de l’inépuisable thème de Tristan et Yseult. Ces retrouvailles à demi forcées entre le grand-père et sa toute jeune descendante seront l’occasion d’un rapprochement entre le père et son fils, mais aussi de conversations qui reviendront sur le personnage, à la fois fascinant et énigmatique, de la grand-mère perdue, restée, pour Monsieur Constant, un amour embaumé dans une jeunesse définitive.

Les paysages somptueux de l’Île aux Moines sont magnifiquement filmés par Charles-Hubert Morin, à l’image, et chacun des acteurs, à commencer par Jean-Claude Drouot, fait tout son possible pour rendre son personnage crédible. Mais la maladresse des dialogues et, à plusieurs reprises, du scénario, contrarient une adhésion pleine et entière à ce qui aurait voulu se poser comme « un beau conte d’amour et de mort », selon la formule utilisée par l’auteur de Tristan et Yseult. Comment Constant Lucas passe-t-il sans transition de son comportement d’endeuillé inconsolable et misanthrope – au point de se fâcher avec son fils même… -, à celui de grand-père gâteaux s’adressant à sa petite fille avec une voix enjouée et une bonhomie de Père Noël ? Pourquoi la brouille, en définitive, avec son fils ? Et pourquoi la réconciliation ? Et quant au passé… à l’annonce d’un cancer soudain et sans aucune issue, cette réaction de désespoir, au mépris de l’amour si grand qui aurait dû retenir la bien-aimée dans la vie, ou du moins l’inciter au combat… Et puis, pour revenir au présent, cette bienveillance fraternelle avec l’ancien rival (Mikhaïl Zhigalov, toujours parfait…)… Sans être idolâtre des « mauvais » sentiments, on ne peut pourtant gober telle quelle une pareille tartine de bons sentiments, ne s’embarrassant ni d’hyperboles ni d’invraisemblances. D’autant que des pistes intéressantes – Constant Lucas était autrefois photographe de guerre – ne sont aucunement exploitées, ou, pire, de façon incroyablement gauche, par exemple dans une juxtaposition, au mieux surréaliste, au pire de mauvais goût, entre la guerre et la danse…

Alan Simon, à la fois réalisateur, scénariste et compositeur de l’infernale musique dégoulinante qui tente en vain de saturer chaque scène de l’émotion qui lui manque, tient là une lourde responsabilité. Danièle Evenou, en tenancière de bar, ancienne danseuse du Crazy Horse et amoureuse pas seulement ancienne de Constant Lucas, ne sauve pas le navire… Une jolie scène, avec le trop rare Sacha Bourdo, ne suffit pas à faire contrepoids…

On regrette, à cause d’une histoire et de personnages presque caricaturaux plombés par une musique grandiloquente, de ne pouvoir aimer davantage ce film qui avait pourtant le mérite d’offrir un rôle central à un acteur de grande qualité, trop discret au cinéma, malgré une belle carrière théâtrale et télévisuelle.

Bande-annonce : Monsieur Constant

Fiche Technique : Monsieur Constant

Réalisateur et scénario : Alan Simon
Directeur de la photographie : Charles-Hubert Morin
Avec Jean-Claude Drouot, Cali, Danièle Evenou…
Ingénieur du son : Emmanuelle le Gall
Directeur de production : Thierry Pelissier
Opérateur steady camera : Grégory Dupé
1er assistant caméra : Nicolas Fouques
1er assistant son : Simon Dumetz
2ème assistant son : Matteo le Gall
Mixage : Marco Canepa
Scripte : Shannon Cochery
Make up/Costumes : Dylan Jegou / Ambre Pasteur
Chef décorateur : Gérard Olivier
Assistant tournage : Sibérie Diana Valeeva
Chorégraphie : Nikolay Androsov
Musique originale : Alan Simon

Synopsis du film Monsieur Constant : Sur l’île aux Moines en Bretagne, Constant Lucas, ancien photographe de guerre (Jean-Claude Drouot), vit dans le souvenir de celle que l’on surnommait « l’étoile de Sibérie ». Le vieil homme ne peut oublier cet amour passionnel qui le hante. Son fils Sergio (Cali) débarque tout à coup sur l’île avec la petite Adéla (Gabrielle Pélissier), que le vieil homme n’a pas revue depuis longtemps …

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