La foi n’est pas nécessairement religieuse lorsque l’on porte sa famille dans son cœur. Le Jeune Imam brosse un portrait plein de nuances et d’amour à travers une rupture mère-fils, que Kim Chapiron et Ladj Ly agrémentent de leur sensibilité.
Des Misérables aux Merveilles de Montfermeil, difficile d’accrocher à cette dernière note d’intention, qui s’est perdue dans la folie administrative. Kim Chapiron compte pourtant réinvestir cette cité, qui regorge avant tout d’expatriés qui ont tout à prouver pour exister, aussi bien dans leur propre communauté que dans leur propre foyer. Ce n’est donc pas La Crème de la crème que le cinéaste dépeint ici, mais bien une famille qui a la lourde tâche d’être respectable, afin de pouvoir assurer le nouveau départ initié par la matriarche des lieux.
Des bons hommes
La volonté d’Ali (Abdulah Sissoko) sera mise à rude épreuve, dès lors qu’il se voit arraché à ses racines et que sa mère (Hady Berthe) l’envoie se repentir de ses petits larcins en terre malienne. Le jeune adolescent doit alors tout réapprendre, du respect à la foi. Son éducation va dans ce sens pendant près de dix ans avant de retourner auprès des siens, qui lui ont malgré tout laissé une place en suspens. Ce héros déchu doit se résoudre à faire face à celle qui l’a abandonné, malgré la bienveillance de cet acte. Commence alors un gigantesque pèlerinage qui ne sera pas de tout repos pour ce jeune homme, dont la bonté ne suffira pas à tout réparer.
Son chemin de croix le mène pourtant à dévoiler ce qu’il sait faire de mieux, à savoir rassembler des fidèles autour de sa mélodieuse voix et de sa vigoureuse jeunesse sur laquelle on mise tout. Et par le biais de cette figure tragique, on parvient à se rapprocher des êtres ordinaires, dans le réel, qui ont peu à donner et beaucoup à perdre. C’est en cela que son ascension au titre de leader spirituel va connaître des dérives que l’on peut soupçonner, mais que l’on ne pourra pas freiner.
Des mauvais dieux
Il serait vain de s’élever, sans en entraîner d’autres dans le même mouvement. Les imams ont cette faculté, canalisée dans une foi et une éloquence à l’épreuve des vices, comme tout serviteur de Dieu. Mais lorsque les ambitions entrent en contradictions avec les devoirs primaires, le pardon n’a plus de valeur.
Le cinéaste met l’accent sur les failles d’une institution peu encadrée et qui se base sur la confiance mutuelle. Chapiron en faisait déjà l’exégèse dans son dernier long-métrage, où un réseau de prostitution tombe dans le filet de l’ego. Les ambitions d’Ali se retournent ainsi contre lui, dans une arnaque spirituelle dont il n’a pas lui-même conscience de sa portée. Les réseaux sociaux sont devenus des canaux de communication privilégiés dans l’ère du numérique, que l’on soit adepte de la démarche ou non. De cette manière on abandonne une part de soi dans l’image que l’on donne, jusqu’à se scinder en deux entités, l’un comme un guide humble et prometteur, l’autre comme la figure absolue du divin. Tout semble possible dans les paroles de ce prêcheur qui ne tend pas toujours l’oreille là où il faut.
Satisfaire le 5e pilier de l’Islam jusqu’à La Mecque est une entreprise qui vaut toutes ses économies pour certains, mais également l’espoir de toute une vie de patience pour ces mêmes croyants. Le Jeune Imam crée de l’inconfort dans le sentiment d’échec qui justifie pourtant la quête de reconnaissance d’un fils envers sa mère. Si l’exemple n’est pas exclusif à la religion musulmane, la valeur du pardon reste universelle et proportionnelle à ceux qui savent s’écouter. Une mère médite sur les choix d’un enfant qui hurle désespérément à travers le Coran. C’est là que se situe toute l’intensité du récit, qui questionne sans cesse son public sur les notions d’amitié, de fraternité et de seconde chance.
Bande-annonce : Le Jeune Imam
Fiche technique : Le Jeune Imam
Réalisation : Kim Chapiron
Scénario : Kim Chapiron, Ladj Ly, Ramzi Ben Sliman, Dominique Baumard
Photographie : Sylvestre Dedise
Son : Simon Farkas, Guillaume D’Ham, Olivier Guillaume
Décors : Karim Lagati
Costumes : Fabienne Menguy
Maquillage : Stéphanie Rossi
Coiffure : Sébastien Chenille
Montage : Flora Volpelière, Benjamin Weill, Esther Lowe
Musique : Pink Noise, Magou Samb, la Mòssa
Production : SRAB Films, Lyly Films, Septième Ciel
Pays de production : France
Distribution France : Le Pacte
Durée : 1h38
Genre : Drame
Date de sortie : 26 avril 2023
Synopsis : À 14 ans, Ali est un adolescent à la dérive. Sa mère qui l’élève seule ne trouve d’autres solutions que de l’envoyer au village au Mali pour finir son éducation. Dix ans plus tard, Ali revient. Malgré les doutes de sa mère auprès de qui il est prêt à tout pour briller, il devient l’imam de la cité. Adulé de tous et poussé par ses succès, Ali décide d’aider les fidèles à réaliser le rêve de tout musulman : faire le pèlerinage à la Mecque.