« Tiptoe through the window, by the window, that is where I’ll be Come tiptoe through the tulips with me. » Si vous entendez cette musique, vous imaginez un démon au visage rouge, sale et répugnant. Vous êtes dans un univers sombre, lugubre, aux frontières de l’horreur et de l’imagination. Vous voyez une mariée en noir que vous n’aimeriez pas croiser pour vos noces. Bienvenue dans Insidious, l’un des meilleurs films d’horreur de ces 20 dernières années. On n’en dira pas autant de ce cinquième épisode…
Un Lointain souvenir
En 2010, Insidous premier du nom frappait fort avec son histoire intelligente, ses personnages intéressants et sa direction artistique fabuleuse qui mêlait habilement l’horreur et la psyché humaine. Les péripéties de la famille Lambert se poursuivaient efficacement dans le second opus, certes moins horrifique mais au scénario plus captivant, étoffant suffisamment son univers et ses règles pour permettre à d’autres opus d’exister. C’est ainsi que sont nés les épisodes 3 et 4, spin-off/préquels moins convaincants, malgré la magnifique présence d’Elise Rainier. Aujourd’hui, Insidious : The Red Door entend clore définitivement l’arc principal de Josh et Dalton Lambert, 10 ans plus tard.
Pour les non initiés à la saga, cet opus est-il un bon point d’entrée ? Non. Contrairement aux épisodes 3 et 4, qui pouvaient se regarder indépendamment, ce cinquième/troisième opus est une suite tout ce qu’il y a de plus directe à Insidious : Chapitre 2. Il est donc fortement recommandé de rattraper son retard avant visionnage. D’une part, parce que l’empathie que vous ressentirez pour les deux personnages principaux sera bien plus importante, mais aussi et surtout parce que cette suite peine grandement à atteindre le niveau de ses deux aînés. Si d’aventure vous décidez de vous lancer à l’aveugle, sans background, le long-métrage parvient plus ou moins à faire comprendre l’essentiel, grâce à quelques explications expédiées. Mais, dans sa globalité, il part du principe que vous êtes familier avec son univers.
Pardonnez-moi mon père, car j’ai rêvé
Une dizaine d’années après les événements des deux premiers opus, Josh et Dalton ont tout oublié, leur don pour le voyage astral et les événements qui y sont liés. L’effacement de leur souvenir ne s’est pas fait sans dommage. Josh vit depuis lors dans un brouillard constant, sa capacité mémorielle ayant été fortement impactée. Cette confusion l’a éloigné de ses enfants et de sa femme, jusqu’au divorce. Dalton lui, s’est renfermé, explorant son talent pour le dessin et puisant inconsciemment dans le plus profond de ses souvenirs pour donner vie à ses oeuvres. Quand, lors de son premier cours de fac, ceux-ci le mènent à dessiner la fameuse porte rouge, les vieux démons de son passé reviennent le hanter, son père et lui.
Disons-le franchement, le début de The Red Door est bon, très bon. Les personnages ont grandi, évolué. Les environnements et enjeux ne sont plus les mêmes. Retrouver Josh et Dalton procure une joie intense pour ceux qui les ont aimés dans leurs premières aventures nocturnes. Très vite, la relation très tendue entre le père et le fils pince sérieusement le cœur. Entendre Dalton reprocher à Josh de l’avoir abandonné et d’être un mauvais père est déchirant, quand le spectateur sait ce que ce dernier a traversé pour le retrouver. Puis, alors qu’on comprend à quel point Renai et le reste de la famille auront un rôle presque insignifiant dans l’histoire, le film s’écroule au fur et à mesure. On se contente de reprendre les grandes lignes du premier opus, sans Elise, la Mariée et les autres esprits si inquiétants qui hantaient le lointain. Seule entitée restante, Red Face, le Demon au visage rouge. On en attendait énormément, il se révèle terriblement sous-exploité…encore. On trouvera bien un passage réellement enthousiasmant, quand on connaît son but depuis sa toute première apparition. Malheureusement, la joie s’estompe très vite tant cet instant ne dure pas. Quelle cruelle déception ! Seule nouvelle venue, Chris, collocatrice de Dalton. Complètement inutile, la pauvre se contente de suivre l’intrigue sans y prendre vraiment part, une grande partie du temps.
Peur du noir
Pour cet épisode, Patrick Wilson marque ses débuts en tant que réalisateur, après des années en tant que star incontestée du cinéma d’horreur (on attend désormais un duo avec Jenna Ortega). Et, pour un premier essai, il y a certaines choses vraiment encourageantes. Passé un générique franchement très, très réussi, le poulain de James Wan surprend par son habileté à créer une ambiance et démontre une réelle aisance derrière la caméra. Mieux, certains jumpscare fonctionnent terriblement, bien qu’ils perdent sérieusement en intensité et en intérêt passée la seconde moitié du film. Non, il n’y a pas à dire, Wilson connaît son sujet et ce projet ressemble réellement à un film fait avec le coeur.
Malheureusement, dès qu’il faut sortir des sentiers battus, Insidious 5 fait dans la paresse créative. Le traitement du Lointain restera sans doute la pire déception et la plus dramatique, quand on sait que l’intégralité de la saga repose sur son concept. Transparent visuellement, artificiel dans son récit, repris du premier film dans ses meilleurs décors, l’univers fantôme de l’Insidious Cinematic Universe fait bien pâle figure en comparaison avec ses prédécesseurs. Le jeu avec le noir devient quasiment inexistant, on voit trop bien, tout le temps. Derrière le voile, on n’a jamais peur. Jamais. Les meilleurs moments de tension sont tous dans le monde réel, durant la première moitié du film. Certaines scènes très alléchantes de la bande-annonce sont absentes du montage final, notamment des apparitions du Red Face. Décidément, ce méchant (désormais antagoniste principal de l’intégralité de la série) n’aura jamais pu exploiter tout son formidable potentiel. Non, si tout n’est pas à jeter dans cette suite, loin de là même, on se demande toutefois quel en était l’intérêt.
Bande-annonce
Fiche technique
Titre original : Insidious The Red Door
Realisation : Patrick Wilson
Scénario : Leigh Whannel / Scott Teams
Casting : Patrick Wilson / Ty Simkins / Sinclair Daniel / Rose Byrne
Genre : Horreur
Production : BlumHouse production
Directeur Artistique : Abraham Chan
Durée : 107 minutes
Sortie : 05 Juillet 2023 en salles