Qui ne connaît pas cette célèbre vague, écumeuse et gigantesque, admirée par le Mont Fuji en fond ? Hokusai, son auteur, est connu de nom en Occident. Mais peu sont au fait de son histoire. Retour sur un biopic très attendu sur un grand artiste, appelé le « Vieux Fou de Dessin ».
Les mangas sont les bandes dessinées japonaises. Le mot a été utilisé pour la première fois par le maître peintre japonais Hokusai, pour un de ses recueils, La Manga. Cette année, le biopic sur l’artiste arrive enfin dans l’Hexagone. Réalisé par Hajime Hashimoto, il retrace la vie de l’artiste en deux temps, sa jeunesse et sa vieillesse. Son histoire n’a rien d’atypique dans le Edo (Tokyo et ses alentours) du 19e siècle. Mais son art, lui, parle mieux de ce contexte.
L’artiste derrière le film : Qui est Hokusai ?
Hokusai naît à Edo de parents inconnus en 1760. Adopté par un marchant de miroirs, nous ne savons rien de son enfance. Il rentre comme apprenti xylographe en 1773-4 puis graveur de 1775 à 1778 et devient commis chez un libraire. Il intègre l’atelier de Shunshô Katsukawa à la fin des années 1770 jusqu’en 1792. Changeant son nom très souvent durant sa carrière, il se fixe sur le nom « Hokusai » (« 北斎 ») assez tard pendant sa carrière. Il étudie dans d’autres écoles de l’époque entre 1792 et 1798 afin d’élargir ses horizons et pallier à la crise artistique qu’il traverse. Son premier succès est une série de portraits d’artistes. Mais ce sont deux publications, Manga publié entre 1814 et 1834 et Les Cent vues du Mont Fuji (1834), qui le rendent célèbre.
L’artiste
Il appartient au mouvement artistique spécialiste de l' »Ukiyo-E« . C’est un mouvement « vulgaire » (au sens d’art populaire). Défini comme « un monde de tous les jours saisi sur le vif », c’est un art qui se contente de saisir le Japon, son petit peuple, ses marginaux, ses courtisanes, dépouillé de tout ce qui était célèbre, bien vu ou bien né, dont la tradition chinoise. Considéré comme le maître de cet art, il siège avec ses contemporains et prédécesseurs : Hiroshige, Utamaro et Sharaku.
Postérité
L’artiste restera pauvre toute sa vie à cause de sa mauvaise gestion fiduciaire. Mais il laisse un patrimoine de 30 000 dessins, en plus de livres de contes populaires illustrés. Sa seule fille, O-Ei, est aussi une artiste-peintre. Son dessin reste une intarissable source d’inspiration. Il hérite aussi d’une réputation à la Diogène. Son atelier toujours sens dessus dessous y aura sans doute participé. Son image de génie artistique « fou » et passionné jusqu’à sa mort reste une image dominante dans sa représentation. En Occident, il est clair que le mouvement impressionniste et l’art d’Hokusai ont des liens étroits, notamment dans leur volonté de capturer le moment.
Mise au point
30 minutes de film manquent à la version française. C’est une très mauvaise idée de les avoir coupées. Le film a l’air charcuté pendant sa première partie où il nous a même été difficile de comprendre qui était Hokusai parmi les premiers personnages. Par la suite, une grande ellipse temporelle intervient et nous passons très rapidement à un Hokusai vieillissant. Cette seconde partie subit moins d’incohérences scénaristiques que la première, mais il nous semble injuste et sacrilège que pour des raisons inconnues, le film ait été coupé ainsi.
Dans la tête d’un génie : L’épiphanie
Le long-métrage s’ingénie à mettre en images une représentation que l’on a sans doute toujours eu du peintre et de tous les créatifs. Un peu plus sobre que le Mozart de Milos Forman dans Amadeus, la frénésie créatrice est pourtant bien mise en avant, avec l’aide des quatre éléments. En effet, cet Hokusai s’inspire de la mer, de la montagne et du vent lorsqu’il entre dans sa transe artistique. Il ne manquait que le feu pour finir ce quatuor. Les éléments sont largement disséminés de long en large pendant la séance. D’ailleurs, c’est grâce à cette tempérance que le film est accrocheur. Plus de ces moments d’épiphanies artistiques auraient rendu le film absurde.
Un personnage de Nekketsu ?
Dans le manga, le shōnen est un support d’histoires dédié aux adolescents. Il s’agit de récits d’aventure et d’apprentissage. Un sous-genre du shōnen est le « nekketsu ». C’est un genre où le héros a un but qu’il souhaite atteindre, à travers un apprentissage qui l’érige en « maître ». Par exemple, dans Hunter X Hunter, Gon veut devenir un Hunter comme son père et passe par d’importantes épreuves d’apprentissage. Ce genre est légèrement applicable à ce biopic, car nous assistons à la naissance du « maître » de l’estampe. Hokusai est montré comme un jeune « singe sauvage » qui manque de raffinement, bien qu’intensif et intense dans la création de son art. Il est aussi très arrogant et est trop sûr de lui et de ce qu’il crée. Toute la première partie est dédiée à cet apprentissage artistique censé affiner ses compétences. Il va couramment en vadrouille afin de trouver l’inspiration.
C’est aussi le cas du héros calligraphe de la série Barakamon, qui, a été ostracisé du milieu à cause de son arrogance et sa violence envers un critique. Il s’est donc exilé sur une île afin de retrouver l’inspiration. Dans les deux cas, celui de l’animé sur la calligraphie et du film sur Hokusai, on reproche aux protagonistes d’avoir des images et des caractères trop statiques, comme déjà imprimés. La critique sous-jacente est qu’ils n’ont pas de talent et se contentent juste d’imiter ce qu’ils connaissent.
En cela, le film est intéressant, car une partie trop prononcée aurait penché vers l’absurde, à la limite du live action nanardesque que le Japon diffuse seulement dans ses territoires. Ici, il y a une limite qui n’a pas été franchie, gardant le caractère réaliste de l’histoire.
À voir ?
En résumé, ce biopic vaut le coup d’être vu. Hokusai n’est pas plus connu que cela dans nos contrés. C’est une bonne opportunité d’apprendre à connaître l’homme et l’artiste. Par contre, nous conseillons de regarder une version qui n’a pas été coupée, afin de comprendre l’âme de ce film, car nous pensons qu’il a perdu du sens en cours de route. Nous lui accordons 4 étoiles malgré la coupure de 30 minutes.
Bande-annonce : Hokusai
Fiche technique : Hokusai
Réalisateur : Hajime Hashimoto
Scénario : Ren Kawahara
Musique : Goro Yasukawa
Casting : Yuya Yagiwa et Min Tanaka (Hokusai) , Hiroshi Abe (Juzaburo Tsutaya), Eita Nagayama (Tanehiko Riutei), Miori Takimoto (Koto, épouse d’Hokusai), Hirosh Tamaki (le peintre Utamaro), Haruka Imou (La courtisane Asayuki)
Année : 2020
Sortie française : 26 Avril 2023/ 90 min / Biopic, Historique
Distribué par Art House France
Sources utilisées pour l’écriture de cet article:
Crédit image: Hokusai –ImDb-
Hokusai -wiki-
Hokusai -nautiljon-
Nekketsu -wiki-
Hokusai, Henri Alexis Baatsch, Bibliothèque Hazan, 2008