En France, le film perd son titre original, Richelieu (du nom d’une ville industrielle du Québec et ne parlant pas aux français), au profit du plus passe-partout Dissidente. Mais cette démonstration de cinéma reste de très haut niveau à la revoyure pour une œuvre sociale coup de poing qui bouscule, interpelle et met KO. À la fois une charge, implacable et édifiante, contre les conditions de travail héritées d’un système capitaliste sans pitié et une démonstration, puissante et percutante, de l’exploitation ordinaire des travailleurs étrangers au Québec, nous sommes face à un long-métrage choc qui frappe fort et juste. Un film qui nous bouleverse de manière magistrale avec sa narration et son déroulement, efficaces et concis. Dissidente est donc une petite perle, en plus d’être un uppercut social mémorable !
Synopsis : À Richelieu, ville industrielle du Québec, Ariane est embauchée dans une usine en tant que traductrice. Elle se rend rapidement compte des conditions de travail déplorables imposées aux ouvriers guatémaltèques. Tiraillée, elle entreprend à ses risques et périls une résistance quotidienne pour lutter contre l’exploitation dont ils sont victimes.
Une claque. Un film qui fait réfléchir. Une œuvre forte et déchirante. Un moment intense qui vous retourne le bide. Des instants déchirants qui vous mettent les larmes aux yeux. Dissidente c’est tout cela à la fois, un long-métrage en forme d’uppercut social et probablement le meilleur film québécois vu cette année. Pourtant, entre le décalé et amusant Vampire humaniste cherche suicidaire consentant au suspense singulier et maîtrisé Les chambres rouges, il y avait de la concurrence. Preuve de la vitalité d’une cinématographie en pleine possession de ses moyens (et encore, tous les films réussis de la Belle Province ne sortent pas dans l’Hexagone).
Ici, on est dans un pur film social sur le monde du travail au Québec et au sein d’une niche en particulier : celle des exploitations, qu’elles soient agricoles, en usine ou autres, et des travailleurs immigrés qui viennent y travailler à cause du manque de main-d’œuvre. On pense fortement à un autre film québécois sur le sujet, Les Oiseaux ivres qui avait été sélectionné pour représenter le Canada aux Oscars en 2022, mais qui versait plus dans le contemplatif et nous avait bien moins touché et impacté…
Avec Dissidente, rien à voir. On est dans du cinéma réaliste au plus près des personnages et de leurs préoccupations. Il y même un gros air des frères Dardenne dans la façon de filmer de Pier-Philippe Chevigny, avec une caméra nerveuse qui suit les traces de ses personnages. On est au cœur des excès du capitalisme et de ses conséquences et le constat est édifiant. De manière logique et par une démonstration tout sauf démagogique, le long-métrage nous montre comment l’exigence de toujours gonfler les profits, demandée par les actionnaires et les dirigeants, entraîne les directeurs d’usines (ici remarquable Marc-André Grondin) à passer outre la morale et la décence.
On voit donc un patron embaucher des immigrés sud-américains à moindre frais et les faire bosser dans des conditions précaires et intenses. La domination verticale synonyme d’exploitation humaine est dépeinte ici de manière implacable et le résultat fait froid dans le dos. Pire, il nous sidère et en ce sens, Dissidente est une œuvre coup de poing presque proche du documentaire.
La justesse de traitement est notable, le film ne sombrant jamais dans le manichéisme bien que la charge contre ces pratiques de gestion de personnel soit implacable et équivoque. En une heure trente top chrono, Dissidente nous montre par une multitude de petites séquences ce qu’est l’esclavage moderne. Dans le rôle principal, Ariane Castellanos est incroyable et c’est à travers ses yeux (qui sont les nôtres) que l’on découvre l’horreur de ces conditions de travail. Une séquence à l’hôpital nous broie le ventre tellement elle est insoutenable et dégoûtante tout en cristallisant bien les dérives de cette manière de faire travailler l’humain au nom du profit.
Ce qui va découler de cette scène pivot nous rend furieux et on est pleinement investi dans le sort des personnages, ces travailleurs exploités consciemment qui se font complètement bousiller la santé dans des conditions indignes pour un salaire de misère. Dissidente est donc un sacré pamphlet social que ne renierait pas un Stéphane Brizé ou un Ken Loach et pour un premier film, c’est un coup de maître. Quant à la séquence finale, belle et déchirante, elle termine le film sur une belle note d’humanité. Une œuvre forte et nécessaire, bravo !
Bande-annonce : Dissidente
Fiche technique : Dissidente
Réalisateur : Pier-Philippe Chevigny.
Scénariste : Pier-Philippe Chevigny.
Production : TS Production.
Distribution France : Les Alchimistes.
Interprétation : Ariane Catellanos, Marc-André Grondin, Nelson Coronado, Micheline Bernard, …
Durée : 1h29
Genres : Thriller – Drame – Social
Date de sortie : 5 juin 2024
Pays : Québec (Canada)