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Au clair de la rue : quand les clochards chantent à la belle étoile

Entre documentaire et comédie musicale, Au clair de la rue était sur nos écrans jeudi dernier. A travers une esthétique pop de clips vidéo, Julien Goudichaud dresse avec brio le portrait de chanteurs sans-abris. Tous membres de la chorale La Cloche, le groupe est créé pour accompagner les SDF à leur dernière demeure : le cimetière Thiais… Sans pathos, ni mélodrame, le film a conquis les écrans avec une audience dépassant les 200 000 spectateurs !

Mes amis, mes amours, mes emmerdes…

A 18h30, dans une salle de la rue Bréguet, des répétitions ont lieu. “Viens chanter ça pourrait tout changer, viens chanter, viens chanter, tout changeeeerrrrr…”. Pendant 1h30, le répertoire est mis à jour, les voix s’harmonisent et on donne des nouvelles. Personne ne se plaint, on se réjouit des petites victoires et après la pause, la séance reprend.

Ensuite, chacun retourne à sa vie. A travers le cadre bienveillant du documentariste, ils nous font entrer dans leur intimité. Intermittents du spectacle, gays ou handicapés, les choristes mêlent précarité et marginalité. 

En legging léopards et polaire rouge, Alexandra est la première à se confier. En pleine Foire du Trône, elle est entraînée à l’écart, loin du bruit et de l’agitation. Le bois sert de refuge, et elle aborde son statut d’étrangère, son handicap mental… Sans se laisser abattre, elle parle de ses solutions : son compagnon, les manèges… D’autres suivent son exemple. Bruno, l’un des fondateurs de La Cloche, raconte son divorce et la séparation avec ses enfants lors de son coming-out. Une cigarette entre les lèvres, il donne le secret de sa bonne humeur. “Y a aucune différence, que tu sois blanc, que tu sois noir, que tu sois gay, que tu sois hétéro. Tout le monde est pareil. On est là pour faire la fête, pour s’amuser !” 

Le film ne cesse de basculer entre plusieurs univers, laissant à tous une place pour s’exprimer. Les décors, les lumières et les ambiances changent pour chaque personnage. Maîtrisant autant l’esthétique que l’écriture, Julien Goudichaud parvient à aborder des thèmes durs, mais avec poésie et légèreté. C’est là que se trouvent l’intelligence et l’originalité du film, en suscitant notre sympathie et nos rires tout en nous informant. 

Laissez-moi danser ! 

Non, rien de rien / Non, je ne regrette rien / Ni le bien qu’on m’a fait / Ni le mal / Tout ça m’est bien égal / Non, rien de rien / Non, je ne regrette rien / C’est payé, balayé, oublié / Je me fous du passé !” 

Un micro à la main, la Tour Eiffel en toile de fond et Edith Piaf remixée : voilà la mise en scène de ce docu-musical. Après les confessions, chacun exécute une reprise de chansons françaises. De Nougaro à Florent Pagny, bien chanté ou non, ces choristes ont le droit à la scène. A travers un cabaret improvisé, ils expriment leurs ressentiments en rimes et en octaves. Devant le bar El Hombre, Bruno réinterprète “Armstrong, je ne suis pas noir/ Je suis blanc de peau / Quand on veut chanter l’espoir / Quel manque de peau.” 

La caméra fluide, les travellings épousent leurs gestes plus qu’ils ne les dictent. Zigzaguant en vélib’ entre les passants, Maud, la bénévole, chante ses craintes, ses doutes et ses espoirs. “On peut trouver le bonheur au coin d’un rire / Même quand il pleut/ Quand nos yeux brillent / Qu’on élève nos voix / Je sens mon âme qui vibre au milieu de ce cœur qui bat/ Et je retrouve l’enfant en moi !”

Sans créer un nouveau genre, c’est une manière peu orthodoxe d’aborder le documentaire. Différent de Confinés Dehors, Au clair de la rue n’est pas une copie ou une imitation. Ainsi, le réalisateur crée une œuvre dynamique, humaine et inventive !

Synopsis : Rue Bréguet, 11ème arrondissement de Paris. Chaque mercredi, La Cloche est à pied d’œuvre. La Cloche ? Une chorale d’une dizaine de chanteurs, tous sans domicile fixe ou en situation de grande précarité. 

Dans la petite salle de répétition, les problèmes sont pudiquement laissés à la porte. Ici, on chante dans la joie et la bonne humeur. Et puis, plusieurs fois par an, au cimetière de Thiais, là où sont enterrés les SDF qui meurent seuls. La Cloche est là, pour leur rendre un dernier hommage, en chanson, et les dérober, in extremis, à l’anonymat le plus total. 

Fiche technique : Au clair de la rue

Réalisé par Julien Goudichaud

Avec Gilles, Bruno, Aleksandra et Jean-Louis, Maud et tous les membres de la chorale de la Cloche

Disponible jusqu’au 19 novembre sur France.tv / FranceTVSlash / 52 min / Documentaire