Les remakes dans le cinéma d’horreur à partir des années 2000

Le phénomène du remake n’est pas nouveau et a connu différentes formes, avant d’être ce à quoi l’on est habitué aujourd’hui. Ce qui va nous intéresser dans cet article, ce sont les enfants de ce procédé, et plus précisément la vague de remakes  survenus au début des années 2000 dans le cinéma d’horreur, et perdurant encore aujourd’hui. Il sera ici purement question de remakes, et non des influences qui se sont construites au fil du temps, faisant, selon un certain relativisme, de chaque nouveau film le remake d’un précédent.

Le reboot

Avant toute chose, il est important de distinguer la notion de remake de celle du reboot. Le reboot se veut être un retour à zéro d’une histoire, en gardant trace ou non du récit original mais en conservant absolument la même diégèse. Son intérêt peut être de permettre une modernisation ou même une nouvelle approche, en changeant de genre par exemple. Le reboot est un sous-genre du remake, c’est d’ailleurs le cas de figure le plus intéressant car il permet une plus grande liberté par rapport aux personnages et à l’histoire. Une suite peut aussi être un reboot, comme Batman Returns qui ne garde presque aucune trace du premier film.

Pourquoi l’horreur en particulier ?

L’horreur est un genre qui est particulièrement touché par le phénomène du remake ; déjà parce que c’est un genre populaire, et que donc le retour sur investissement est quasi garanti, même dans le cas d’un ratage complet ou pire, d’un film fait sans efforts. De plus, ce n’est pas forcément très cher à produire, car ça ne nécessite pas de grands noms et les tournages sont parfois très rapides. Et puis, ça ne doit pas être bien compliqué de faire peur aux gens, comme se disent certains dirigeants de studios. Nous voyons donc au début des années 2000 se profiler une vague de remakes souhaitant retrouver le public après l’avoir noyé sous une vague de slashers post-Scream.

Presque tous ces films seront des reboots, à l’exception par exemple de Funny Games U.S qui est un remake plan par plan ou de The Grudge dont les personnages sont simplement occidentalisés (il y a aussi quelques autres différences mineures mais globalement c’est la même soupe). Maintenant que la situation est clarifiée, nous pouvons commencer notre étude de ce phénomène du remake tant critiqué mais qui a pourtant connu des débuts très prometteurs.

La magie des premiers jours

Nous voici donc en 2003, année de sortie de Massacre à la tronçonneuse de Marcus Nispel. Produit par Michael Bay et réalisé par un inconnu allemand, le film est écrit par Scott Kosar qui travaillera par la suite sur Bates Motel et The Haunting of Hill House. Et ça marche, le film est un succès international, dépassant même, pour certains, le film original de Tobe Hooper. Il s’agit ici d’un reboot ne gardant que « Leatherface » et sa famille comme cœur de l’intrigue, contrairement au film Netflix de 2022 qui se veut être une suite en plus d’un remake, du fait d’une modernisation du propos ainsi que d’une conservation des évènements du premier film dans l’intrigue. Mais revenons à 2003 et à l’impact gigantesque qu’aura le film de Nispel sur le cinéma d’horreur, en lançant véritablement cette mode des remakes.

Nous sommes désormais en 2006 : La colline a des yeux d’Alexandre Aja vient de sortir et frappe encore plus fort, en étant même, selon Wes Craven lui-même, meilleur que celui de 1977. Si le succès critique de Massacre à la tronçonneuse était partagé, celui-ci est quasiment unanime. Le film est cru, viscéral et réussit à être glaçant dans ce désert pas fou pour des vacances en famille.

L’année suivante, Rob Zombie réalise un rêve d’enfant en relevant un challenge jugé impossible, à savoir de reprendre en main la saga Halloween, dont les derniers épisodes montraient des signes d’euthanasie. En résulte une réinvention d’un mythe du cinéma qui surprend dans le bon sens du terme, en réussissant à offrir quelque chose de neuf tout en montrant du respect au travail de John Carpenter et Debra Hill. Le film parvient à apporter une nouvelle dimension au personnage de Michael Myers puis à magnifiquement saccager tous ses efforts avec une suite abominable en 2009, mais ce n’est pas grave, car Halloween 2007 est une réussite. Mais alors, pourquoi tant de haine envers les remakes dans l’horreur ?

Le bon et le mauvais chasseur

Cette haine a deux origines principales : la première est celle qui est la plus logique, à savoir son caractère photocopieur avec toujours les mêmes histoires, les mêmes ressorts, les mêmes thématiques. Ici les films sont creux et n’apportent généralement rien par rapport à l’original.

Ils sont nombreux mais citons Vendredi 13 de 2009 qui nous permet de retrouver ce bon vieux Marcus Niespel. Seulement cette fois le résultat ne sera pas aussi concluant avec un film épouvantable et ringard qui ressemble, au final, plus à Fog avec toute cette fumée qu’au renouveau de la saga Vendredi 13, déjà mal en point.

Nous pourrions aussi parler des remakes de Carrie au bal du diable ou de celui de The Wicker Man, mais pourquoi se faire du mal.

La seconde raison de la haine envers cette mouvance est plus intéressante. Elle provient du fait de trahir l’œuvre originale comme le fait par exemple Zach Snyder avec L’armée des morts, en détournant complètement le propos de Romero pour offrir un 28 jours plus tard mais sans génie (nul).

Peut aussi être placé dans cette catégorie le Suspiria de Guadagnino sorti en 2018. Se distinguer c’est bien, c’est même primordial pour offrir quelque chose de rafraichissant, mais se perdre est une autre chose. Même Argento a descendu le film, en expliquant que Guadagnino n’a ni compris son film, ni l’essence même du Giallo. Là où Argento voit la chaleur des couleurs et des corps, Guadagnino insiste sur la froideur de l’Allemagne.

Enfin, nous ne pouvions passer à côté d’Evil Dead de Fede Alvarez sortit en 2013. Le film réussit à passer à côté de tout ce qui fait la franchise Evil Dead, à savoir du gore cartoonesque accompagné d’une esthétique et d’une réalisation fun et excentrique. Ici, ne demeure que le gore. Fini le projet étudiant fauché, bonjour au faux sang (plus de 25 000 litres) auquel s’ajoutent un sérieux et une redite sans intérêt. Plus prosaïquement, il parait inutile et invraisemblable de refaire un film ayant une telle identité propre, et qui a d’ailleurs déjà connu une sorte de remake avec Evil Dead 2.

Mais un autre film récent arrive à faire pire en se voulant à la fois être un remake et une suite, c’est Scream de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, sortit en 2022.

Scream, ou Among Us le film (spoilers)

Après que la franchise Scream s’est vu étoffée du très moyen Scream 4 d’un Wes Craven s’accrochant à l’œuvre de sa vie, peu nombreux étaient ceux à attendre un cinquième volet, encore plus après que son créateur a lui-même, en quelque sorte, clôturé la saga.

C’est donc le duo Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett qui se voit confier les rênes de la saga, avec la réalisation d’une trilogie dont Scream (Scream 5) est le premier volet. Les deux loustics se sont fait connaître avec Wedding Nightmare en 2019, qui souffre malheureusement du syndrome American Nightmare : une bonne idée de départ mais un résultat final qui donne des envies d’aquaplaning à 150km/h.

Le film commence plutôt bien, avec une reprise de la mythique scène d’intro du premier volet, vingt-cinq ans après les faits de ce dernier. La scène est réussie avec une Jenna Ortega impressionnante et une introduction sympathique sans tomber dans l’hommage forcé : la tension s’installe lentement, « Ghostface » tombe tout le temps (le masque n’a visiblement jamais aidé les tueurs à bien voir) et la discussion autour du cinéma d’horreur est intéressante. S’ensuit le classique plan du lycée permettant de présenter les différents membres du groupe. La sœur de Tara, Samantha, et son petit ami se joignent par la suite à l’aventure afin de protéger Tara qui a survécu à son attaque. Et le reste n’a aucun sens.

Le film a de très nombreux défauts, à commencer par son écriture. Samantha n’est pas la vraie sœur de Tara mais la fille de Billy Loomis, l’un des tueurs du premier film, qui lui apparaît parfois en mode Obi-Wan. Cela fait apparemment d’elle quelqu’un capable de tuer, un peu comme un syndrome Gervaise. Plus globalement, tous les personnages sont des psychopathes conscients d’être dans un slasher, permettant de rigoler autour d’une bonne bière sur qui sera la prochaine victime. Le fait que les personnages-fonctions aient conscience qu’ils sont des personnages-fonctions n’aide pas à l’engagement du spectateur. Ils n’ont aucune émotion et dédramatisent tout comme si leurs amis n’étaient pas en train de mourir autour d’eux.

Un autre problème du film est qu’il est schizophrène. Scream 5 passe son temps à critiquer les films qui trahissent les fans, comme Stab 8 de Rian Johnson qui se veut être un reboot complet de la saga Stab (cette saga fictionnelle introduite dans Scream 2 raconte les évènements de Scream et existe dans sa diégèse). Ce nouveau Scream n’offre cependant rien de nouveau au public qu’il cherche à satisfaire, ce qui est dommage.

Afin de continuer, nous pourrions dire que les coups de couteaux se multiplient mais ne viennent pas à bout des T-800 de Woodsboro, que les retournements de situations s’enchainent tout en étant aussi flingués et prévisibles les uns que les autres ou bien que le film critique l’utilisation des jumpscares mais n’hésite pas à en abuser.

En définitive, le film pousse le concept de Scream à l’extrême, effaçant le plausible au profit des codes qu’il critique mais dont il ne s’affranchit pas, en allant même jusqu’à expliquer qu’il fait la même chose ; c’est une parodie de parodie qui se veut originale mais qui se perd dans l’ombre du film de 1996. Scream semble même être une contrainte au film qui se voit forcé de toujours revenir à l’œuvre de Wes Craven et ses personnages qu’il aurait été intéressant de faire mourir (Sydney Prescott, s’agirait de mourir). C’est d’ailleurs devenu symptomatique de faire revenir les personnages des origines, alors qu’une grande partie du public n’était pas né quand les films sont sortis et ne les a peut-être jamais vus. Autant créé quelque chose de neuf et laisser les classiques tranquilles.

Le cas Scream est donc très intéressant car il est unique dans son échec. Le film n’est pas moins bon qu’un Vendredi 13 2009 ou un Evil Dead 2013. Il présente une tentative d’émancipation intéressante mais fait, au final, exactement le contraire, ce qui le rend malheureusement très confus. Et comment croire à une histoire, quand même les personnages n’y croient pas.

Il serait peut-être temps de laisser les anciennes gloires profiter de leur retraite.

Note des lecteurs2 Notes