Après Billy the Kid, Wyatt Earp ou encore Buffalo Bill, la collection « West Legends » des éditions Soleil s’intéresse cette fois à Wild Bill Hickok. Nicolas Jarry et Laci portraiturent avec maestria un Ouest sauvage et pessimiste, où les alliances se font et se défont selon les circonstances.
« On était partis après avoir avalé un gruau sans goût, on avait au mieux trois jours de marche jusqu’à Topeka. Sans doute davantage si le temps était capricieux… » Traqué par le capitaine Custer et ses bataillons de soldats-criminels, Wild Bill Hickok traverse des étendues sauvages enneigées avec Nikolaï, officier du tsar, Cassy, une jeune institutrice, le vieux chasseur de primes Old White Jack, le représentant chez Colt Jonas Simpson, le juge Sam Bean, l’Indien Crazy Red Knife, un jeune garçon prénommé James, dont les parents viennent d’être embrochés, et Tessa Brooks, une femme taiseuse recherchée pour meurtres. Tous font partie des rescapés d’un accident de train. Ils ignorent encore que la légende de l’Ouest Wild Bill Hickok fait l’objet d’une traque obstinée pour avoir vengé un fermier noir victime des agissements de Custer et ses hommes (mais pas que).
Nicolas Jarry et Laci dépeignent avec talent un Ouest sauvage couvert de neige, peuplé par une faune parfois menaçante (aigles, loups) et où les animosités se règlent à coups de revolvers. La collaboration entre Wild Bill Hickok et Crazy Red Knife ne doit d’ailleurs pas induire le lecteur en erreur. L’Indien ne manque en effet pas de rappeler à quel point il tient l’homme blanc en haute estime : « Un jour, la nature l’avalera, lui et ses inventions maléfiques, avant de le chier dans un trou qu’elle rebouchera ! » Certaines tribus n’hésitent par ailleurs pas à prendre pour cible le train avant qu’il ne déraille, dont le seul tort est de constituer un symbole de l’impérialisme occidental – et de sa volonté de rogner sur le territoire des Amérindiens.
Outre le portrait de l’ancien shérif de Dodge City, véritable héros d’un récit ingénieux, West Legends : Wild Bill Hickok livre une vision de l’Ouest crépusculaire, qui peut rappeler à la fois Sergio Leone (pour l’iconisation de Hickok) et Sam Peckinpah (pour la violence). Bien rythmé, visuellement somptueux malgré un amoncellement de petites vignettes laissant peu de place à l’expression des grands espaces, l’album se caractérise aussi par des dialogues ciselés (« La fée qui s’était penchée sur mon berceau avait dû faire un sacré pet foireux au moment de balancer la sauce ! ») et des traits d’humour efficaces (la relation entre Emmett et son épuisante tante). Enfin, le scénariste Nicolas Jarry prend le parti d’épingler le caractère déshumanisant de la guerre, d’amorcer une romance (encore hypothétique) et de plonger le jeune James en plein récit initiatique. Sophistiqué et passionnant.
West Legends : Wild Bill Hickok, Nicolas Jarry et Laci
Soleil, octobre 2021, 60 pages