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Retour du « Petit Dickie illustré »

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

La collection « 1000 feuilles » des éditions Glénat accueille le second tome du Petit Dickie illustré, de Pieter de Poortere, portant cette fois sur des publications s’étalant de 2011 à nos jours.

C’est un petit personnage chauve, débonnaire et souvent pathétique. Il s’insinue au cœur de la culture populaire, se fond dans la peau des grands personnages de notre histoire et en détourne les principaux traits constitutifs. Avec Dickie, Pieter de Poortere opère un double grand écart : entre la rondeur de ses traits et une société volontiers satirisée, dont les travers se voient cruellement mis à nu ; des contes de Walt Disney (Raiponce, La Belle et le Clochard, La Petite Sirène…) aux séries télévisées (Band of Brothers, Friends, La Casa de Papel, Les Soprano…) en passant par Orange mécanique, Rocky, les Schtroumpfs, Dracula, l’assassinat de Kennedy, l’incendie de Notre-Dame de Paris ou encore des dictateurs tels qu’Adolf Hitler, Joseph Staline ou Fidel Castro.

Dans des histoires d’une planche, souvent découpées en neuf cases, Dickie agit comme un puissant révélateur. Il devient un professeur d’école acculé au suicide, un sportif dont les performances sont altérées par la médiatisation dont il fait l’objet, un badaud victime des portiques de sécurité des aéroports ou encore un mendiant confronté à l’indifférence ou à l’abjection des passants. Le ton est caustique, le dialogue inexistant, la référence omniprésente. Et souvent se mêlent légèreté de la chute et gravité de la situation, même si cette dernière n’apparaît pas systématiquement. Pieter de Poortere peut ainsi dire beaucoup des sociétés capitalistiques en montrant Saint-Nicolas évincer le père Fouettard pour des raisons économiques, avant de le remplacer par un collaborateur asiatique. De la même manière, il témoigne sur le rigorisme islamique afghan en érigeant la burqa, appliquée aux animaux, en outil de prévention de la zoophilie.

Abandon d’enfant, chirurgie esthétique, rencontre virtuelle, accidents de chasse, fourrure, camping, tourisme de masse, confinement : le regard acéré de Pieter de Poortere expose Dickie à toutes sortes de situations cocasses, et souvent hilarantes. Dans cet univers où le détournement et la satire sont monnaie courante, la grand-mère du Chaperon rouge cache un amant dans son placard, Raiponce finit scalpée, The Walking Dead s’invite dans La Belle et le Clochard, un moustique exaspère Dracula au point de le faire sortir en plein jour, un phénomène de mode accidentel apparaît comme dans Seinfeld (l’épisode du soutien-gorge) et la toxicomanie de Marilyn Monroe est imputée à une médication pour soigner un rhume survenu après le tournage de la scène de la bouche d’égout dans Sept Ans de réflexion. Les échecs sont nappés de colonialisme et un jeu des sept erreurs nous invite à revisiter Friends à l’aune de Starbucks, des téléphones portables, des hipsters, du wifi gratuit, des accoutumances de Matthew Perry ou du rôle de Courteney Cox dans la saga Scream.

Le Petit Dickie illustré s’amuse aux dépens d’une société malade, dont il radiographie les pathologies avec humour. Il exploite une culture populaire largement partagée, cela conférant souvent un double sens à ses histoires. Bien entendu, en fonction de la sensibilité des uns et des autres, certains gags tomberont à plat, d’autres paraîtront de mauvais goût, ou trop « faciles ». Peu importe, car pris dans leur globalité, les planches de Pieter de Poortere ont de nombreux atouts à faire valoir, tant dans leur caractère critique et référentiel que purement comique. On en redemande.

Le Petit Dickie illustré 2, Pieter de Poortere
Glénat, décembre 2021, 168 pages

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