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« Le Regard invisible » : les fantômes du passé

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Signé par les scénaristes Serge Carrère et Gwenaël, illustré par Elisa Ferrari, Le Regard invisible nous entraîne dans un récit à la lisière de la paranoïa, mettant cinq jeunes adultes aux prises avec les fantômes de leur passé.

Les intentions de Serge Carrère et Gwenaël ne souffrent aucune ambiguïté : proposer aux lecteurs un voyage obsédant à travers le temps et les souvenirs de jeunes adultes, dont le passé refait surface de manière aussi inquiétante qu’insaisissable. Pendant leur adolescence, ces cinq amis ont vécu une expérience traumatisante dans les montagnes françaises. Ils en conservent des souvenirs douloureux, parfois mêmes des fêlures béantes, et manifestement des secrets bien enfouis qu’un mystérieux corbeau cherche à employer comme moyen de pression.

Le récit rappelle dans une certaine mesure les films de suspense psychologique d’Alfred Hitchcock. Il plonge le lecteur dans une angoisse diffuse, le laissant à la merci de mystères en passe d’être révélés. Ce versant de l’intrigue cohabite avec une affaire médiatico-politique impliquant des nostalgiques du Duce. Serait-ce pour se venger de ses succès juridiques que l’on fait pression sur une jeune avocate et ses amis, en faisant remonter de vieilles histoires qu’ils aimeraient voir oubliées ?

Le dessin quelque peu académique d’Elisa Ferrari offre un contrepoint visuel efficace à l’intrigue de Serge Carrère et Gwenaël. Mais malgré une trame qui tient en haleine, ce premier tome du Regard invisible peut manquer de nuances et de profondeur dans l’exploration de ses enjeux – encore en construction – et de ses personnages. Son intérêt principal réside dans le climat paranoïaque qui s’installe, avec ce quelque chose de grinçant qui reste en suspens. La dynamique du groupe, dont les membres s’étaient largement perdus de vue, ménage probablement quelques surprises, la tension agissant souvent comme un puissant révélateur.

Finalement, Le Regard invisible peut (pour l’heure) se lire comme une œuvre plurielle, qui navigue entre le thriller psychologique et le récit politique. Les lettres mystérieuses, les monstres hypothétiques et la montagne comme lieu reculé et obsédant du drame peuvent en plus faire écho à l’atmosphère des romans de Stephen King, dans lesquels le quotidien cède souvent peu à peu la place à l’extraordinaire et à l’horreur. Attendons de voir ce que nous réservent les auteurs.

Le Regard invisible, Serge Carrère, Gwenaël et Elisa Ferrari
Soleil, juin 2023, 48 pages

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3.5
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