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Le bruit des gens : Nikesko signe un autoportrait façon Joconde

Cet album présente la vie d’un jeune homme moderne qui cherche sa place dans la société. L’argument principal consiste à illustrer toutes les situations auxquelles il fait face du fait de sa surdité.

Attention quand même, Nicolas n’est pas complètement sourd, seulement malentendant. De plus, il n’est pas muet, même s’il affiche son militantisme en faveur de la langue des sourds. Précision, ce n’est pas un simple langage et cette langue présente quelques avantages (utilisable par exemple dans des ambiances bruyantes ou bien derrière une paroi vitrée). Par contre, ce n’est pas une langue universelle. Lire cette BD met dans une situation de découverte et compréhension d’un handicap méconnu (part non négligeable de la production BD), en explorant pas mal de situations de la vie courante. L’auteur a le bon goût de ne pas en faire un album destiné à faire pleurer dans les chaumières. En effet, son personnage (brun, fine moustache, décontracté, plutôt élégant) ne se débrouille pas mal dans la vie et surtout il joue parfois de son handicap pour retourner certaines situations en sa faveur (il fait par moments celui qui n’entend rien et ne comprend donc rien du tout). Il en profite pour échapper à des discours qui l’ennuient.

Pas seulement malentendant

L’autre argument principal de cette BD, c’est que le personnage principal se révèle vite gay. Autre bonne idée de cette BD, l’auteur (Nikesko, alias Nicolas Combes, illustrateur, graphiste et comédien) et son personnage ne présentent jamais cela comme un handicap supplémentaire. Le personnage vit sa préférence sexuelle de façon très naturelle et décomplexée, même si l’album ne va pas au-delà de quelques scènes de drague. On remarque d’ailleurs que si le personnage croise pas mal d’hommes, il rencontre aussi quelques femmes. L’album illustre donc aisément le fait que les femmes recherchent parfois ces amitiés avec des hommes avec qui la séduction physique ne peut absolument pas jouer. Par contre, si elles peuvent alors se sentir plus en confiance qu’en d’autres circonstances, ici les situations ne vont jamais bien loin. Et c’est le principal reproche que je ferai à cet album au charme certain : il se contente d’illustrer pas mal de situations avec une touche caractéristique de légèreté plutôt que chercher l’exploration en profondeur. D’ailleurs, l’album se présente comme une succession de sketches ou situations (forte connotation autobiographique), sans véritable fil directeur sinon l’inventaire de ce que peut rencontrer un malentendant, de surcroît homosexuel. Il est vrai qu’on évite ainsi un album qui pourrait rebuter un public pas directement concerné. Au contraire, ici, nous avons un album épais (224 pages) qui se lit relativement rapidement, car il comporte rarement plus de deux dessins par planche et parce que les dialogues ne sont pas spécialement envahissants. Le style de dessin est plutôt agréable, avec un trait net et des dessins lisibles qui ne s’embarrassent jamais de détails superflus. Globalement, les couleurs sont assez pimpantes et soulignent le fait que la BD suit ses personnages sur quatre saisons consécutives.

L’air du temps

Concrètement, par rapport au titre choisi Le bruit des gens, j’attendais une BD qui ironiserait d’une façon ou d’une autre sur notre société où les gens considèrent qu’il faut absolument faire du bruit pour exister. En gros, j’attendais quelque chose qui irait dans le sens de l’adage popularisé par la pièce de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien. Au lieu de cela, on réalise au fil des pages que le personnage cherche surtout à trouver sa place dans la société en adoptant tous ses tics. Or, dans un milieu porté sur la communication à outrance et un vocabulaire axé sur les préoccupations des jeunes, les comportements sont très stéréotypés. À part un peu de militantisme en faveur de sa minorité malentendante, Nicolas se comporte en personnage typique de sa génération. Bien qu’il entende mal et qu’il soit gay, il peut se fondre dans la masse. On obtient donc une BD un peu trop futile et qui manque de profondeur, mais plutôt agréable dans l’ensemble (avec pas mal de situations qui prêtent à sourire), qui a tendance à caresser dans le sens du poil la jeune génération qui pourra se reconnaître dans les personnages, situations et mentalités.

Le bruit des gens, Nikesko (Nicolas Combes)

Les éditions Lapin (collection A5), février 2020, 224 pages

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