La catastrophe : le danger venait de l’océan

Premier album du cycle Aldébaran, suivi des cycles Bételgeuse et Antarès (cinq albums chacun) et même Retour sur Aldébaran (trois albums à ce jour), La catastrophe marque les débuts d’une série originale due à l’inspiration du brésilien Leo (scénario, dessin et couleurs). L’auteur mélange les genres avec bonheur : science–Fiction, aventure et amour. Ici, nous avons également une histoire d’apprentissage doublée d’une exploration d’un monde où l’essentiel reste à découvrir.

Deux planches suffisent au dessinateur pour planter le décor et la situation. Un animal étrange (un nestor : comme un long cétacé, avec des bras maladroits à la place des nageoires) vient s’échouer (pourquoi ?) sur la plage du village d’Arena Blanca, alors qu’à quelques centaines de mètres, dans l’école, un enseignant commente une dissertation qu’il rend à ses élèves. S’adressant à la jeune Kim Keller (13 ans), il réfute ses affirmations trop optimistes. La jeune fille prétend que le contact avec la Terre sera bientôt rétabli. En effet, nous sommes sur Aldébaran où vivent des colons venus de la Terre. Or, depuis plus d’un siècle, pour des raisons incertaines, le contact avec la Terre est rompu. Une crise économique a pu causer des troubles graves, avec pourquoi pas des conséquences techniques. Depuis, la colonie humaine sur Aldébaran est livrée à elle-même.

Aldébaran

D’emblée, on comprend que si les conditions de vie sont agréables, les colons ne savent pas tout de cette planète où ils ont élu domicile. Chance inouïe, l’atmosphère est respirable au point qu’on ne sente aucune différence avec l’atmosphère terrestre. Ceci dit, en un siècle, les colons ont pu s’habituer et développer des facultés leur permettant d’oublier les sensations originelles. D’ailleurs, tous les habitants d’Arena Blanca sont forcément nés sur Aldébaran. De même, il semblerait que la pesanteur soit quasiment la même que sur Terre. Globalement, Aldébaran se présente comme une planète vraiment similaire à la Terre, avec des terres émergées bordées par un océan. Outre le fait que deux lunes tournent autour d’Aldébaran, les vraies différences concernent la faune et la flore, points qui inspirent particulièrement le dessinateur. Depuis leur arrivée sur la planète, les colons ont recensé les espèces vivantes dans ce qu’ils appellent le « catalogue ». Détail significatif, plusieurs sortes d’animaux sont désignées par des prénoms, comme s’il s’agissait de celui du premier observateur humain de l’espèce.

Marc

Le début présente une petite faiblesse, parce qu’on l’imagine d’abord raconté par un narrateur omniscient classique, alors qu’à partir de la troisième planche, on réalise qu’en réalité le narrateur est Marc Sorensen (régulièrement un peu trop prolixe dans ses multiples réflexions), jeune homme de 17 ans qui travaille comme pêcheur avec son père et Tom, son grand frère. On apprend que Marc est amoureux de la belle Nellie Keller (16 ans) grande sœur de Kim, ce qui amuse beaucoup Tom qui sent que Marc n’a aucune chance avec cette jeune fille BCBG portée sur la planification, alors que Marc aurait plutôt le type de l’aventurier sentimental. Avant de rentrer au port, l’équipage tombe sur le cadavre flottant d’un autre animal étrange…

Driss

Bizarrement, ce jour-là, tous les équipages de pêcheurs rentrent bredouilles. Les conversations vont bon train à une terrasse quand un étranger vient s’y mêler. Driss prétend connaître la cause des phénomènes inexpliqués observés ces derniers temps : un animal de grande taille qui vivrait habituellement dans les profondeurs et qui provoquerait de surprenantes réactions sur la faune dans un vaste périmètre autour de lui. Avant de partir, Driss va jusqu’à conseiller aux villageois d’abandonner les lieux pour se mettre à l’abri à l’intérieur des terres. Tollé général.

Gwendoline

Plus tard, une ravissante jeune femme arrive à Arena Blanca. Gwendoline Lopes, journaliste qui travaille pour le journal Anatolie news, recherche Driss. Eh oui, Anatolie, la ville qui fait rêver la jeune génération. Venue sur une sorte de char à voile qui n’ira pas plus loin que la plage, elle accepte que Marc l’emmène sur un petit bateau.

La catastrophe

En mer, un phénomène étrange se produit. Marc et Gwen abandonnent le bateau en catastrophe pour retrouver la terre ferme. Sur la route en bord de mer, ils sont rejoints le lendemain (nouvelle petite faiblesse dans le récit, puisque rien ne justifie cette péripétie), par Nellie et Kim Keller accompagnées de leur père qui conduit un véhicule rudimentaire mais à moteur électrique. Le groupe fait alors une nouvelle observation incroyable de ce qui se passe en mer, quand un avion vient atterrir sur la route (non goudronnée). Driss annonce la catastrophe du titre. Tous font demi-tour et trouvent Arena Blanca anéanti, avec aucun survivant.

Les déboires de Marc

Avec cet album, le dessinateur Leo ouvre de nombreuses pistes qui justifient largement que la série comporte cinq albums. Même si on peut craindre que tout ne trouve pas d’explication, on se demande vraiment ce qui se passe en mer, espace aussi vaste que mystérieux. La recherche sentimentale de Marc occupe également l’album quasiment de bout en bout. Visiblement amoureux, il a beau côtoyer la très séduisante Gwen, ses sentiments vis-à-vis de Nellie ne varient pas et ses décisions montrent son manque de maturité. Pourtant, comme son frère le lui avait affirmé, il constate que Nellie ne lui rend pas ses sentiments. Comble de malchance, Marc se retrouve à marcher en compagnie de Kim qu’il supporte mal. Il faut voir Kim, adolescente pré-pubère qui, la langue bien pendue, affiche des idées bien arrêtées (sur sa sœur, mais aussi sur l’avenir de la planète), avec sa tignasse brune incoiffable (collection d’épis qui collent parfaitement avec sa façon de lancer des piques).

Un univers original

Le dessinateur utilise les nombreuses péripéties pour truffer l’album de détails originaux et glisser quelques informations importantes. Exemple avec la situation politique sur Aldébaran, qui se verra détaillée dans la suite de la série. Étant donné qu’Aldébaran n’est pas encore explorée de fond en comble (et probablement peuplée que sur certaines zones propices), il reste de multiples pistes possibles pour des rebondissements en tous genres. Le style graphique s’avère très agréable, malgré une raideur indéniable dans certaines attitudes de personnages. On note au passage quelques influences, comme la finesse du trait et le choix des couleurs rappelant la meilleure partie de la série Jérémiah due à Hermann (qui, lui, transcrit merveilleusement les mouvements). Plusieurs situations font écho à L’Incal (MoebiusJodorowski). Et le physique de Gwen me semble un clin d’œil aux créatures qui peuplent l’univers de Manara. Ce qui n’empêche pas Leo de trouver son style propre, avec notamment des nuances de couleurs judicieuses aussi bien pour les visages que les décors. On apprécie également les dessins de grandes tailles qui font leur effet car choisis à bon escient. De manière générale, il utilise avec maîtrise l’espace à sa disposition sur chaque planche et fait sentir que chaque suite apportera son lot de surprises.

La catastrophe (Aldébaran T.1), Leo

Dargaud, janvier 2001, 52 pages

 
 
 
 
 
 
 
 
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