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« Joker vs The Mask » : coloré et survitaminé

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Joker vs The Mask, publié aux éditions Urban Comics, comporte deux récits indépendants : « Joker/Mask » et « Lobo/The Mask ». Exploitant abondamment les situations comiques et un sens exacerbé de l’absurde, les deux histoires font usage de l’inventivité et du rythme effréné qui caractérisent habituellement l’univers de The Mask.

Le noir et le vert peuvent-ils s’accorder ? La désinhibition de The Mask et l’absence de rivages moraux du Joker feront-ils bon ménage ? Avec Joker vs The Mask, ce sont deux univers normés qui sont appelés à se jumeler. Le crossover « Joker/Mask » semble clairement pencher du côté du second nommé. Effréné, rocambolesque, constamment dans la surenchère, le premier récit du diptyque publié chez Urban Comics se teinte d’un vert quasi aveuglant. Et pour cause : en enfilant le Masque, « Mister J », comme aime le surnommer affectueusement Harley Quinn, décuple sa mégalomanie, son pouvoir de nuisance et son besoin de reconnaissance. Au point que cette dernière regrette avoir été « remplacée par des poupées Barbie ». Incontrôlable, le Joker de « Joker/Mask » est suspendu aux chiffres de l’audimat, désireux d’être filmé tout le temps et en tout lieu, incapable de souffler ou de ménager la pauvre Harley, éreintée et contrainte d’en appeler à Poison Ivy pour mettre fin à ce cauchemar. Doté de dessins et d’un humour bon enfant (J se vautre sur le toit d’une voiture en essayant d’imiter les sauts dans le vide de Batman), ce premier récit est toutefois assez dépourvu en ce qui concerne son propos : le Masque rend inopérante la noirceur habituellement associée au Joker et n’a que peu de choses à faire valoir en contrepartie.

« Lobo/The Mask » est un dépassement permanent. Son cadre ne se limite ni au Manhattan de son ouverture, ni à la Terre, ni même à une temporalité unique. Ses scènes de baston semblent dilater le temps. Et d’assassinat en démembrement, ce second récit ne cesse de reculer les frontières de la représentation graphique. Lobo est engagé par des entités extra-terrestres pour mettre la main sur le Masque, présenté comme un pilleur de mondes doublé d’un destructeur de flottes stellaires. On lui fait miroiter une fortune qui lui permettrait de s’offrir… une île sertie de lance-missiles. Cela suffit évidemment à lui faire renoncer à ses précieux congés. Très référencé (avec notamment une double allusion simultanée à King Kong et Alien), ironisant volontiers sur les forces de l’ordre, gore, pop et allumé, « Lobo/The Mask » fait se rencontrer deux personnages atypiques dans une sorte de bromance folle, tardive et contrariée. Doté d’un discours méta- et de dialogues fusants (invitant par exemple à « découvrir son colon de l’intérieur »), il se montre plus inventif et osé que « Joker/Mask », allant au bout d’une logique où le sens est sacrifié sur l’autel de l’effet. Cela fonctionne bien dans le cas présent, notamment grâce à une galerie de personnages loufoques et/ou iconiques et des vignettes parfois rendues au dernier degré de l’indécence.

Joker vs The Mask, ouvrage collectif
Urban Comics, octobre 2021, 208 pages

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3.5
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