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« Jesse James » : la vengeance dans la peau

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

En collaboration, les éditions Glénat et Fayard publient Jesse James, une bande dessinée de Dobbs, Farid Ameur et Chris Regnault. Glissé dans la nouvelle collection « La Véritable Histoire du Far West », cet album revient sur une personnalité légendaire, l’inénarrable truand Jesse James.

Au sortir de la Guerre de Sécession, le gang de Jesse James fait régulièrement la une des journaux. Désignés comme ennemis publics, ces truands se distinguent régulièrement par leurs attaques de trains, de diligences, de banques, ainsi que leurs cavalcades sanguinaires. Dobbs, Farid Ameur et Chris Regnault racontent comment celui qui, plus jeune, a assisté impuissant au lynchage et à la mise à mort de son père est ensuite devenu un héros populaire dans le Sud des États-Unis, encore meurtri par la guerre civile.

Tout commence donc dans le Missouri, en 1863, en pleine Guerre de Sécession. La ferme de la famille James est saccagée par une patrouille nordiste. Jesse, dont toute la douleur est restituée par les dessins de Chris Regnault, se jure de faire payer à ses ennemis leurs méfaits et les humiliations infligées à son père. Il rejoint Bloody Bill Anderson dans une guérilla meurtrière au travers de laquelle il apprendra à piller et tuer, sans jamais qu’une once de morale semble l’effleurer. Spécialiste de la conquête de l’Ouest américain, l’historien Farid Ameur revient longuement sur la personnalité torturée de Jesse James dans un dossier glissé en fin d’album. Dans sa carrière de bandit, l’homme aura volé pour plus de 200 000 dollars à travers une trentaine d’attaques.

Reprenant les grands codes du western, rappelant naturellement le long métrage L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d’Andrew Dominik, Jesse James ne saurait cacher son penchant crépusculaire, exprimé dès la première planche, nocturne, pluvieuse et menaçante. L’album prend aussi le temps de dresser un panorama des divisions qui étaient alors à l’œuvre en Amérique : « Ces salauds de Yankees nous ont dépouillés de nos terres, ils nous ont volé nos vies… Tout ça pour mettre nos Nègres en liberté ! » En ce sens, Jesse James apparaît comme la pointe avancée des récriminations du Sud envers le Nord. Son calme et son sourire satisfait devant les actes de cruauté perpétrés par les siens ne laissent place à aucun doute. Il est intimement convaincu qu’il faut venger une région où « tout n’est que deuil et famine » et où l’on peut croiser, summum de l’horreur… des Noirs en uniforme.

Mais Jesse James, c’est aussi, et peut-être surtout, une légende en marche. « Les méfaits du gang James younger sont relayés par tous les journaux du pays et mettent à mal la délicate politique de reconstruction des États du Sud menée par le gouvernement fédéral. » Célébrés par les Sudistes, entachant les efforts de réconciliation nationale, le truand et sa bande dérangent. L’agence Pinkerton, aux méthodes parfois aussi expéditives que les leurs, mène l’enquête et cherche à se dresser sur leur chemin. Même père, même affaibli par un fiasco retentissant, Jesse James veut continuer la guerre, aveuglé par une haine qui ressemble de plus en plus à du fanatisme. Les dissensions ont beau s’accentuer dans ses rangs, il entend défendre sa réputation (faite et défaite via les médias) et piétiner tous ceux qui chercheraient à entraver ses entreprises.

Réussie sur le plan graphique, aussi passionnante qu’échevelée, cette bande dessinée, dont la sortie est concomitante à celle de Wild Bill Hickok, laisse présager le meilleur quant à la suite de cette nouvelle collection « La Véritable Histoire du Far West », due à une collaboration entre les éditions Glénat et Fayard. On attend désormais la suite avec impatience.

Jesse James, Dobbs, Farid Ameur et Chris Regnault
Glénat/Fayard, mai 2022, 56 pages

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