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Attaché de presse littéraire, interview (IV) : Benjamin Fogel

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Le Mag du Ciné a décidé de se pencher sur un métier peu connu du grand public : l’attaché de presse, et plus spécifiquement celui dont l’activité est directement liée au monde de l’édition.

Nous avons décidé de soumettre plusieurs professionnels, venus d’horizons divers, dotés de statuts différents, à un même questionnaire. L’objectif ? Effeuiller le métier en laissant à ceux qui l’exercent au quotidien le soin de verbaliser leurs ressentis et leurs expériences.

Rencontre avec Benjamin Fogel, directeur et attaché de presse des éditions Playlist Society.

Pourriez-vous décrire brièvement votre activité d’attaché de presse littéraire ?
Mon activité d’attaché de presse s’imbrique dans mon activité d’éditeur. Playlist Society est une maison indépendante, que je dirige seul en parallèle d’une activité salariée. Je suis accompagné de quatre personnes : Elise Lépine qui coédite les livres, Lucien de Baixo qui réalise les couvertures, Camille Mansour qui gère la maquette intérieure, et Hervé Delouche qui s’occupe de la correction typo et ortho. En termes de tâches, mon travail consiste à sélectionner les projets, éditer les livres, superviser la commercialisation, créer les supports de communication et les actions afférentes, coder les versions numériques des livres, assurer les relations libraires et les relations presse, sans parler de tout ce qui touche à l’administratif – contrats, comptabilité, droits d’auteur. Mes actions presse doivent ainsi être réalisées en parallèle des autres fonctions de l’éditeur, métier que je fais lui-même en plus d’un travail en CDI.
Dans ce contexte, l’activité d’attaché de presse implique toujours pour moi de trouver le bon équilibre entre investissement de temps, investissement financier et obtention de chroniques dans la presse papier et web, à la radio ou à la télé. Pour le reste, cela consiste à préparer des communiqués, envoyer des mails, appeler des journalistes et des blogueurs, donner accès à la presse aux épreuves et aux visuels, poster les livres, organiser les interviews et les rencontres. L’enjeu est de fournir un travail professionnel et efficace, qui se rapproche le plus possible de celui d’un expert ou d’une experte du sujet. Il faut que malgré notre taille modeste les auteurs et les autrices aient la conviction que leurs livres sont aussi bien défendus que s’ils étaient publiés dans une grande maison. J’ai tout appris sur le tas et je me bats pour être au niveau – c’est Damien Besançon, ancien libraire et attaché de presse dans la musique, qui m’a mis le pied à l’étrier en gérant les relations presse de nos trois premiers titres.
En tant que fondateur de la maison, quand je défends un livre, je fais aussi la promo de l’ensemble de Playlist Society, de notre positionnement à notre catalogue, en passant par notre ligne éditoriale. La chance que nous avons et qui rend tout cela possible, c’est que le temps de promotion d’un essai est un temps long. Nos livres sont toujours d’actualité parfois un an après leur sortie. Il suffit que Matrix 4 sorte au cinéma pour que Lilly et Lana Wachowski, la grande émancipation revienne sur le devant de la scène et que de nouvelles opportunités de valoriser le livre apparaissent.
À noter aussi que pour le livre Oasis ou la revanche des ploucs, nous avons fait appel à Adrien Durand, un de nos auteurs, pour superviser les RP. C’était génial de pouvoir s’appuyer sur lui.

Quels sont vos rapports avec les auteurs ?
Je suis à la fois leur éditeur et leur attaché de presse, et parfois aussi leur ami. Quand je défends leurs livres, c’est aussi mon propre travail que je défends, selon l’adage avéré : « Si le livre est bon, c’est grâce à l’auteur, s’il est mauvais, c’est à cause de l’éditeur ». On fait front commun pour la promo.
Une de mes frustrations est de ne pas pouvoir accompagner les auteurs et autrices lors des événements, comme des interviews en physique ou à la radio – en général, je suis au travail, à mon job principal, quand les interviews se produisent.

Comment défendre un ouvrage en 2021, sur un marché devenu pléthorique ?
Il faut être ouvert et attentif à tous les bons relais potentiels : les journalistes, les blogueurs, les libraires, les influenceurs, mais aussi parfois à des gens qui ne sont pas à la base des cibles promo. Un fan d’un groupe de musique, qui n’écrit dans aucun média, ne possède pas de compte YouTube, mais qui est considéré sur Twitter comme un référent sur le groupe en question, peut faire vendre autant de livres qu’un papier dans la presse spécialisée.

Comment se porte l’économie du livre ces dernières années ?
Elle vit sa vie. C’est un marché difficile, mais pas plus que les autres marchés culturels, comme celui de l’édition indépendante de DVD et Blu-ray, du disque et du vinyle, ou que d’autres secteurs qui, en plus des crises, vivent avec le risque de complétement disparaître un jour, d’être « disrupté » par je ne sais quoi. Tant qu’on fera société, il y aura des livres.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur vos activités ?
Le principal impact a été la diminution de « l’expérience humaine ». Je fais des livres avant tout pour les rencontres avec les auteurs, les autrices et le public. La crise sanitaire nous a empêchés de nous voir, de faire des soirées de lancement en librairie ou dans des bars. En revanche, au niveau financier, l’impact a été faible. Une diminution à deux chiffres du chiffre d’affaires d’une grosse maison peut être catastrophique. Mais Playlist Society n’a pas d’ambition financière. Nous n’avons pas de salariés, je ne me paye pas. Si on perd un peu d’argent à cause d’un ralentissement conjecturel du marché, ça ne change rien à notre rythme, ça n’ébranle pas nos fondations.

Est-il toujours aisé de travailler en bonne intelligence avec les journalistes ?
Personnellement, je mise surtout sur la qualité du livre et l’intérêt du sujet. Ça ne m’arrive jamais d’insister auprès des journalistes et des blogueurs pour les pousser à parler d’un sujet. La majorité des journalistes culturels sont des pigistes qui travaillent dans des conditions difficiles. Ils ne touchent pas d’argent quand ils passent 30 minutes au téléphone avec un attaché de presse. J’essaie toujours de leur pousser les informations en leur prenant le moins de temps possible. Ils savent que je suis à leur disposition s’ils ont besoin de quoi que ce soit. Je ne suis pas là pour leur rajouter une pression supplémentaire.