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Deux nouveaux coffrets consacrés aux estampes japonaises à découvrir aux éditions Hazan

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Hazan nous gratifient de deux nouveaux coffrets issus de leur collection sur les grands maîtres de l’estampe japonaise. Tandis qu’Anne Sefrioui se penche sur Les Cerisiers en fleur, Jocelyn Bouquillard analyse la place des chats dans ces dessins typiques de la culture nippone.

Après des coffrets consacrés à l’eau, la lune, aux femmes, aux oiseaux ou au Mont Fuji, les éditions Hazan enrichissent cette fois leur collection sur les estampes japonaises de deux nouveaux titres, portant sur les cerisiers et les chats. Le principe est désormais connu : un livre-accordéon met en valeur les dessins des maîtres du genre, tandis qu’un petit livret explicatif apporte des éléments de réflexion et de contextualisation au lecteur désireux de se plonger plus avant sur les polysémies dont se parent les motifs mis en exergue.

Anne Sefrioui explique ainsi, dans Les Cerisiers en fleur, le concept d’hanami, un rituel ancestral de contemplation des cerisiers en fleur. Au printemps, de début mars jusqu’à la fin du mois d’avril, des collines aux vallées, d’un bout à l’autre du pays, la floraison de ces arbres s’étend progressivement, offrant un spectacle magnifique aux Japonais. Toyohara Chikanobu présente par exemple un triptyque aux couleurs douces, au sein duquel des femmes admirent les cerisiers, depuis leur barque, flottant sur les eaux de la rivière Sumida. Le célèbre mouvement d’estampes ukiyo-e accueille les genres spécifiques du kacho-ga – qui signifie littéralement « fleurs et oiseaux » – et du meisho-e, célébrant les vues de lieux populaires, deux courants artistiques faisant la part belle à ces cerisiers en fleur invitant à la méditation, à l’hédonisme et aux instants oisifs où l’on profite de la nature, seul, en groupe ou en famille. Yukawa Shodo nous montre ainsi une femme admirant les cerisiers, Utagawa Hiroshige y mêle volontiers badauds et oiseaux, tandis que Katsushika Hokusai nous propose des plans d’ensemble – montagnes, mer, végétation, village, etc. – avec des teintes bleues décolorées (La Colline de Goten à Shinagawa…).

Comme l’explique très bien Anne Sefrioui, les jardins publics nippons (Asakusa, Fukagawa, Ueno…) sont tous abondamment plantés de cerisiers. Il n’est guère surprenant, au vu de la beauté offerte par leur contemplation, que des artistes tels que Kawase Hasui ou Utagawa Yoshitaki aient rendu un hommage si poétique à ces arbres. Des hommages que l’on retrouve aussi à l’endroit des chats, qui exercent une fascination sur les Japonais à l’image de ce que l’on pouvait observer dans l’Égypte ancienne. Souvent associés à la geisha (Kunisada, Kuniyoshi, Sencho, etc.), parfois anthropomorphes pour critiquer de manière détournée les comportements humains (surtout chez Kuniyoshi), protecteurs ou maléfiques (soit maneki-neko ou bakeneko), ces animaux de compagnie ont été mis en scène dans le folklore et les pièces de théâtre kabuki avant d’investir les estampes japonaises ukiyo-e aux XVIIIe et XIXe siècles. On les retrouve aussi au sein de dessins érotiques, par exemple chez Suzuki Harunobu ou Katsukawa Shunsho.

En 1602, un décret gouvernemental décrète que l’enfermement des chats est désormais illégal. Leur utilité publique en tant que prédateurs des rongeurs est reconnue. Les chats protègent ainsi à la fois les récoltes de riz et les cotons de vers à soie. Ils préservent également les manuscrits. Certaines des estampes présentées dans le coffret témoignent de ce rôle utilitaire. Citons notamment Chat attrapant un rat dans une lanterne à papier de Kobayashi Kiyochika ou Chat éloignant les souris d’Utagawa Kuniyoshi. Que ce dernier nom revienne régulièrement n’est certainement pas un hasard : Jocelyn Bouquillard explique qu’il a érigé le chat en sujet de prédilection. Il a notamment contourné les lois somptuaires et leurs édits de censure (début des années 1840) par cet intermédiaire. Les chats apparaissent aussi plus symboliquement, chez Utagawa Yoshifuji ou, une nouvelle fois, Utagawa Kuniyoshi.

La collection que les éditions Hazan dédient aux grands maîtres des estampes japonaises continue de présenter un double intérêt : artistique bien entendu, puisqu’elle permet de porter à la connaissance du lecteur, initié ou non, les chefs-d’œuvre nippons, mais aussi culturel, en éclairant les faits et significations diverses qui entourent les différents motifs étudiés. Passionnant.

Les Cerisiers en fleur par les grands maîtres de l’estampe japonaise, Anne Sefrioui
Hazan, avril 2022, 226 pages

Les Chats par les grands maîtres de l’estampe japonaise, Jocelyn Bouquillard
Hazan, avril 2022, 226 pages

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