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Les interprètes du mal au cinéma : le Top 10 de la rédaction

De par leur rôle ou leur charisme naturel, certaines actrices et certains acteurs ont vu leur aura ténébreuse s’écrire sur les planches de cinéma. Incarnant parfaitement l’idée de mal à l’écran, soit par le biais d’une folie, du machiavélisme de leur personnage, ou d’une violence soudaine, Anthony Hopkins, Gary Oldman et bien d’autres ont marqué le cinéma de leur présence.

Anthony Hopkins

Qui n’a pas tremblé devant Le Silence des agneaux ? Trembler est une chose, être fasciné en est une autre. On apprend avec ce film, que ça n’est pas incompatible, même si c’est dérangeant. Car on voit le Dr Hannibal Lecter à travers les yeux de Clarice et cela engage toute une démarche face à ce personnage monstrueux dont on cherche cependant à percer les mystères. Non seulement à travers les yeux de Clarice donc mais aussi le corps et la voix d’Anthony Hopkins : en termes d’incarnation du mal au cinéma, sa prestation se pose là. On se souviendra longtemps de nombre de ses mimiques, mais aussi de l’ironie par laquelle il fait parfois passer son personnage, comme avec cette fameuse dégustation d’un foie « avec un délicieux chianti ». Beaucoup de choses également passent par ce regard bleu intense, un vrai regard de psychopathe qui nous hante longtemps car c’est un regard clinique, froid qui fait basculer Hopkins du côté des interprètes glaçants et marquants du mal au cinéma.

Chloé Margueritte

Jack Nicholson

Jack Nicholson, par son rôle d’écrivain en panne d’inspiration et basculant dans une folie meurtrière, a transformé Shining en une icône de l’horreur. Kubrick excelle dans la réalisation en distillant l’angoisse tout au long du film, à travers la dégradation de la santé mentale de Jack qui laisse peu à peu la place à la folie. Quelques années plus tard en 1989, l’acteur reviendra à l’écran dans Batman pour illustrer le mal insolent et rieur à travers le personnage du Joker, mettant Gotham City en danger. Encore une fois, la représentation de la folie est traitée de façon incroyable par J. Nicholson, qui nous plonge dans la personnalité diabolique du Joker grâce à ses expressions faciales terrifiantes. Il revient ensuite aux côtés de Michelle Pfeiffer en 1994 avec Wolf de Mike Nichols, qui dans son approche semble être un hommage aux films classiques de loup-garou. Malgré quelques ratés, on apprécie la progression de « la bête » dans son personnage étrange, félin et charismatique. Dans un autre registre moins mystique, on pense également à Franck Costello dans Les infiltrés de Scorcese, où lui et son gang règnent en semant la terreur sur les bas quartiers de Boston. Peu importe le type de rôle, Jack Nicholson reste juste dans son interprétation du mal.

Fred Jadeau

Gary Oldman

Difficile de résumer en quelques lignes l’intérêt de placer Gary Oldman dans cette liste. Retenons tout de même qu’avant d’être reconnu comme le gentil parrain de Harry Potter, pour beaucoup d’enfants des années 90, il était le visage du mal, à égalité avec Anthony Hopkins. Le choix était donc logique de lui offrir le rôle de Mason Verger, adversaire pervers du célèbre cannibale.
Fort heureusement, l’Anglais n’a pas attendu l’ego surdimensionné et la main lourde de Ridley Scott pour se forger un solide carrière de « docteur ès salopard ». Avant Hannibal, il y fut Lee Harvey Oswald, pour JFK d’Oliver Stone. Déjà, il démontre un talent certains pour troubler le spectateur par sa simple présence. Puis vient la consécration avec la relecture romantique de Dracula de Coppola, où il imprime durablement son physique sur un rôle que l’on pensait figé. Il revient en proxénète dans True Romance de Tony Scott, s’amuse chez Besson dans Leon et Le cinquième élément, joue au terroriste dans Air Force One… S’il délaisse par la suite les rôles de méchants (y revenant occasionnellement comme dans Hitman & Bodyguard), le Oldman des années 90 continue de marquer les esprits par ce mélange étrange de distinction british et de violence.
Improbable, les méchants composés par Gary Oldman le sont toujours, mais quelque soit le rôle, l’Anglais semble toujours trouver une raison de s’amuser, et de nous faire rire par la même occasion. Et c’est peut être ça le plus troublant…

Vincent B.

James Earl Jones

Qu’est-ce qui fait un bon méchant de cinéma ? Certains diront la démarche, d’autres le look et quelques indécis finiront par dire les desseins. Des éléments qui ne font pas vraiment les affaires de notre joyeux larron car s’il personnifie avec brio la figure du mal, James Earl Jones l’a souvent voire exclusivement fait tapi dans l’ombre. Et pour cause ? Difficile de voir dans sa démarche joviale et son étonnante bonhomie, un acteur prompt à effrayer. L’astuce, aura été de profiter de ce qui a rendu dès lors cet acteur célèbre : sa voix. Caverneuse, chaude et en même temps inquiétante, l’élocution si singulière de l’américain a vite fait de l’imposer en véritable joker du cinéma de divertissement US puisque il aura ainsi donné à Dark Vador, alias le meilleur méchant de l’histoire, sa marque de fabrique inimitable. La preuve que parfois, parler est suffisant pour personnifier le mal, le vrai.

Antoine Delassus

Hugo Weaving

Il y a les comédiens de premiers plans, les seconds couteaux efficaces… et ceux dont l’aura maléfique s’imprime sur l’image avec un naturel saisissant. L’Australien Hugo Weaving appartient à cette dernière catégorie. Paradoxalement, les rôles de méchants ne composent qu’une infime partie de la carrière très éclectique d’un acteur aux multiples facettes (voix d’un chien dans Babe, drag queen flamboyante dans Priscilla folle du désert etc). Mais une figure reste à jamais gravée dans l’histoire du cinéma : l’Agent Smith, increvable adversaire de Néo dans la trilogie Matrix des Wachowski. Costume noir, cravate noir, lunettes noires… Alors que les Men in Black de Sonnenfeld déferlaient sur le monde avec leur dégaine de fonctionnaire cool, Smith devient leur antithèse sinistre. Mais réduire cet agent à une simple récurrence du « governement men » prisé par les complotistes serait réducteur.

Tout l’art de Weaving est d’aller chercher le grotesque au fond des personnages. Smith est trop guindé, trop mielleux. Sourire en coin exagéré et mouvements précis mais maniérés, face au « monomythe » Néo, il bouffe littéralement l’écran, amenant dans la réflexion philosophico-geek une touche de comique bienvenu. Mais c’est surtout cette voix exagérément suave qui fait sa force et permet à l’acteur d’exprimer l’élégance du mal, même sous trois tonnes de prothèse. Tout un art qu’Hollywood s’arrache encore, lui offrant les rôles de Megatron dans Transformers, Red Skull dans Captain America, avant de retrouver les Wachowski pour une interprétation du mal sous toutes ses formes dans Cloud Atlas. Cerise sur le gâteau : une caricature hilarante de l’infirmière emblématique de Vol au dessus d’un nid de coucou. Un acteur qui admet ne pas prendre tout cela très au sérieux, mais dont le plaisir de jeu est incroyablement communicatif.

Vincent B.

Kathy Bates

Être sur son lit, sans pouvoir bouger, et entièrement à la merci d’une soignante sadique et violente, voilà de quoi susciter bien des angoisses. Surtout lorsque l’on voit arriver Kathy Bates. Dans le film de Rob Reiner, adapté d’un roman de Stephen King, l’actrice incarne Annie Wilkes, fan absolue du personnage romanesque de Misery. Et lorsque la providence lui met entre les mains l’auteur qui a créé ce personnage et qui a surtout décidé de le faire mourir, elle en profite pour lui donner son point de vue, d’une façon toute personnelle. Kathy Bates sait merveilleusement bien jouer cette instabilité qui fait de son personnage un être imprévisible que l’on sait, instinctivement, être capable du pire. Et c’est bien le pire qui arrive : tous les spectateurs, en y repensant, ont la cheville qui souffre… Ce rôle, où elle parvient magistralement à faire naître la terreur, permettra à Kathy Bates d’avoir un Golden Globe et un Oscar.

Hervé Aubert 

Anthony Perkins

Anthony Perkins fait partie de ces acteurs ayant marqué l’histoire du cinéma avec un seul et unique rôle : Norman Bates, le maître d’hôtel schizophrène de Psychose. Le film lui-même, réalisé par Hitchcock et sorti en 1960, amorça un tournant dans le cinéma d’épouvante et s’ancra immédiatement dans la culture populaire (à travers la célébrissime scène de la douche, entre autres). Mais c’est bien Anthony Perkins qui terrorisa les foules, avec sa silhouette longiligne et vulnérable, son visage de jeune premier illuminé d’un sourire terrifiant, son regard malsain et sa gaucherie d’autant plus dérangeante qu’elle exprime par les gestes les limbes psychologiques dans lesquels son esprit semble se perdre. L’interprétation de Perkins fut si réussie qu’elle fit à la fois sa renommée et scella sa carrière d’acteur, l’emprisonnant dans ce rôle de Norman Bates qu’il reprendra dans les – très discutables – suites de Psychose, mais qui ne lui permettra jamais de s’épanouir dans d’autres rôles, et encore moins dans d’autres genres cinématographiques. Les personnages les plus mémorables du cinéma sont souvent ceux pour lesquels leurs interprètes se sont donnés corps et âme ; mais dans certains cas, un tel investissement peut se révéler fatal. Quoi qu’il en soit, Anthony Perkins demeure aujourd’hui encore l’un des visages les plus connus de l’histoire du cinéma pour ce rôle aussi brillant que terrifiant, tatoué par l’encre de certaines répliques tout aussi cultes : « We all go a little mad sometimes », prononcée en toute tranquillité.

Jules Chambry

Marlene Dietrich

Quand on entend le nom de Marlene Dietrich, c’est à la femme fatale des grands classiques hollywoodiens que l’on pense immédiatement. Et qui dit femme fatale, dit forcément manipulation, mensonges, séduction intéressée, charmes et autres sorcelleries que peu d’actrices ont aussi bien lancés que Marlene. Mais si elle n’a joué pratiquement que cela (pour ses films les plus connus), elle a su adapter son personnage à tous les genres dans lesquels elle a évolué : le policier avec Témoin à charge, le drame expressionniste avec L’Ange bleu, le western avec Femme ou Démon, la comédie avec La Scandaleuse de Berlin, ou encore le film noir avec Le Grand Alibi. Ayant tourné avec les plus grands, de Hitchcock à Wilder en passant par Orson Welles, Kramer, Fritz Lang, Borzage, Lubitsch, Raoul Walsh, et même dans le cinéma français de René Clair, Marlene Dietrich doit surtout la plupart de ses grands rôles à Josef von Sternberg, avec L’Impératrice rouge ou encore Shanghai Express. Sa voix grave, ses joues creuses, ses pommettes saillantes et son regard de féline ont fait d’elle une égérie de Hollywood des années 30 à 50. Nombre d’hommes sont tombés entre ses griffes, nombre de femmes ont voulu s’en débarrasser, mais Marlene Dietrich a toujours fait figure de femme forte, intelligente, dont les atouts physiques n’étaient pas une fin en soi – elle n’était pas spécialement « belle », par rapport aux grandes actrices de l’époque – du moment que son incroyable charisme volait la caméra à tous les autres. Pas besoin de monstre, de sang ou de psychopathes pour représenter le Mal au cinéma : Marlene Dietrich a corrompu le monde du septième art de son talent venimeux, et ne cessera jamais de fasciner.

Jules Chambry

Sharon Stone

Un sourire magnétique, un pic à glace, une scène culte et un impact encore plus conséquent dans la pop culture qu’au box office, avec plus de 350 millions de dollars de recettes. Basic instinct, réalisé par Paul Verhoeven, en 1992, défraie la chronique, bouleverse quelques esprits et déchire les voiles pudiques d’une large partie du spectre scénaristique. Sharon Stone incarne Catherine Tramell, qui est romancière et soupçonnée du meurtre de son amant, assassiné sur le modus operandi d’une de ses œuvres. Nick Curran, interprété par Michael Douglas est son alter ego, l’inspecteur menant une enquête dont plus grand monde ne se rappelle aujourd’hui. Magnétique, la blonde attire les regards et en joue avec machiavélisme. Voici une femme castratrice vers laquelle les désirs plongent malgré eux. Car les instincts primaires du titre original ont pris plus qu’un visage, ils se sont matérialisés dans ce qu’une actrice lui a donné pour l’éternité. Sharon Stone crève l’écran et ce rôle reste marqué par une ambiguïté similaire au yoyo dramatique avec lequel jouait le script. L’actrice a t-elle été manipulée pour aller aussi loin dans ce rôle et lors de cette scène d’interrogatoire où elle a dévoilé son intimité? Joue-t-elle de la légende ? Pour le meilleur et pour le pire, elle ne perdra jamais tout à fait le voile jeté sur elle et sa filmographie depuis ce film plus mineur qu’il n’y paraissait.

Romaric Jouan

Mads Mikkelsen

Avec son regard de glace et sa stature imposante, Mads Mikkelsen représente avec magnétisme, une violence nocturne, celle qui tapisse l’esprit de l’homme et qui surgit comme un chat sans qu’on s’y attende afin de faire joncher le sang de ses victimes sur l’écran de cinéma. Son physique bâti dans le marbre fait office de création divine, vengeresse et mortifère dans une oeuvre comme Le Guerrier Silencieux. C’est presque une évidence de l’avoir vu travailler avec Nicolas Winding Refn tant l’acteur, de par son physique et ses interprétations, s’associe très bien avec le cinéma du réalisateur danois. Dans Pusher 2, sa violence est proportionnelle à ses doutes existentiels. Mais ce n’est pas tout, et même s’il joue un grand rôle de faux coupable ou de vraie victime dans La Chasse, sa classe et son charisme font de lui un méchant de haut vol dans le James Bond, Casino Royale. Cependant, il est impossible de mentionner la carrière de Mads Mikkelsen et sa soif de violence dans les rôles qu’il incarne, sans parler de son rôle d’Hannibal Lecter dans la série éponyme Hannibal. Durant 3 saisons, il aura usé de tout son talent pour jouer l’un des méchants (cannibales) les plus impressionnants de ces dernières années. D’une aisance sans nom, d’une élégance naturelle, d’une classe bourgeoise et d’une diction minutieuse, il manipule tout son monde, pour alors matérialiser ses sauvages pulsions et dévoiler le mal qui se dissimule sous ce costume taillé sur mesure. Le gore lui sied à merveille.

Sébastien Guilhermet