Synopsis : Cinq aventuriers minables attendent dans un petit port d’Italie. Ils s’apprêtent à prendre un bateau pour l’Afrique, où ils veulent acheter des gisements d’uranium. Un couple d’Anglais arrive à son tour et se mêle à l’histoire.
Le film d’aventures marque la dernière collaboration entre John Huston et Humphrey Bogart
John Huston est un des cinéastes les plus importants du cinéma américain, auteur d’une œuvre personnelle où il s’amusait à détourner les genres avec humour, humanité et, parfois, un brin de cynisme. Depuis Le Faucon Maltais, qui a « inventé » le film noir, jusqu’aux mafieux de L’Honneur des Prizzi en passant par les cambrioleurs de Quand la ville dort ou les paumés des Misfits, la filmographie du réalisateur est parsemée de chefs d’œuvres qui ont bouleversé l’histoire du 7ème art et qui lui ont assuré une place à part à Hollywood, en marge du système des studios.
Plus fort que le diable est une preuve de plus de cette indépendance par rapport aux producteurs tout-puissants de Hollywood. D’abord, adapter le roman d’un communiste notoire en plein MacCarthysme, il fallait oser. C’est d’ailleurs une des raisons qui ont poussé Huston à partir tourner son film loin de Los Angeles.
Ensuite, les aventuriers de Huston n’ont strictement rien à voir avec l’image qu’ils avaient dans les films hollywoodiens de l’époque. Ici, nous avons affaire à des personnages de losers, des minables. Et la première réplique, en voix off, donne le ton d’un cynisme ravageur qui va traverser le film. C’est la voix d’un Huston qui va amuser ses spectateurs par une galerie de portraits tous plus grotesques les uns que les autres. Pour cela, le cinéaste retrouve deux acteurs avec lesquels il avait déjà tourné, Robert Morley et surtout le formidable Peter Lorre, l’ancien M Le Maudit de Fritz Lang, qui avait déjà joué avec Huston et Bogart dans Le Faucon Maltais. Flanqués d’Ivor Barnard et Marco Tulli (un des acteurs de la série des Don Camillo), ils forment un quatuor inoubliable de bandits pitoyables mais profondément humains, peut-être les véritables personnages principaux du film, puisque le récit débute et se clôt sur eux.
Mais surtout, Huston s’associe, une fois de plus, une ultime fois hélas, à Humphrey Bogart, son acteur fétiche (et compagnon de beuveries), et lui offre à nouveau un rôle à contre-emploi. Alors que l’acteur était au sommet de sa célébrité et que les rôles de héros s’accumulaient, il se retrouve ici dans la peau d’un aventurier-bandit cynique et séducteur, abandonnant sans vergogne sa Gina Lollobrigida de femme pour aller dans les bras d’un Jennifer Jones teinte en blonde.
Et pour écrire le film, Huston va s’associer au romancier Truman Capote, encore inconnu et qui signera là son premier scénario. Il va ciseler des dialogues remarquables quoique trop envahissants peut-être (la légende prétend que l’auteur écrivait du jour pour le lendemain, sans avoir un plan vraiment défini).
Le minimum que l’on puisse dire, c’est que Plus fort que le diable n’est pas un film d’action. Il s’y déroule relativement peu de choses, et celles-ci sont si rocambolesques qu’on regrette presque qu’elles soient là, comme cette scène avec la voiture. Non, Plus fort que le diable est un film de dialogues et de personnages. Des dialogues d’orfèvres avec des répliques formidables et cinglantes parfois. Et des personnages comme Huston les aime, ridicules certes, mais aussi profondément humains. Parce que le cinéaste aime ses personnages, des marginaux, des hors-systèmes, comme lui (et comme Truman Capote également). Il ne faut pas oublier la vie plus que mouvementée du réalisateur, tour-à-tour aventurier au Mexique, boxeur, etc.
Huston cherche visiblement à détruire le romantisme du film d’aventures. Il y a tout : le dépaysement italien, deux femmes dont l’une pourrait être fatale, des usurpations d’identités, de la suspicion, des projets pas très honnêtes, etc. Mais tout part en quenouille parce que nos personnages sont de minables incompétents, qui sont constamment à côté de la plaque et ne comprennent, finalement, pas grand-chose à tout ce qui arrive.
Sur de nombreux aspects, ce film, souvent sous-estimé, fait pleinement partie, par ses thèmes et leurs traitements, de la filmographie du cinéaste. Les aventuriers cyniques et un peu minables font furieusement penser aux futurs espions de La lettre du Kremlin. Et le rire final de Bogart ne peut que rappeler celui que l’on trouve dans un précédent chef d’œuvre du maître, Le Trésor de la Sierra Madre.
Certes, Plus fort que le diable a des défauts, il est trop bavard et on a souvent l’impression qu’il n’avance pas. Mais il reste un bon film, déroutant, cynique, terriblement novateur et excellemment interprété.
Plus fort que le diable (Beat the Devil)
sortie du combo DVD-Blu-Ray le 14 juin 2016
Pour la 1ère fois dans une copie restaurée et en Haute Définition
Format 1.33
Langue : Anglais
Sous-titres français
Son mono
Suppléments du DVD :
Découvrir John Huston (45 min) : un portrait du cinéaste illustré d’extraits de ses plus grands films
Interview de Patrick Brion (33 min)
Rimini Editions
Plus fort que le diable : bande annonce
Plus fort que le diable : Fiche Technique
Titre original : Beat the devil
Réalisateur : John Huston
Scénario : John Huston et Truman Capote, d’après le roman de James Helvick (Claud Cockburn)
Interprètes : Humphrey Bogart (Billy Dannreuther), Gina Lollobrigida (Maria Dannreuther), Robert Morley (Peterson), Peter Lorre (Julius O’Hara), Marco Tulli (Ravello), Ivor barnard (The Galoping Major Jack Ross), Jennifer Jones (Gwendolen Chelm), Edward Underdown (Harry Chelm).
Photographie : Oswald Morris.
Montage : Ralph Kemplen
Musique : Franco Mannino
Producteur : John Huston
Sociétés de production : Rizzoli Haggiag, Romulus Films, Santana Pictures Corporation
Société de distribution : United Artists
Date de sortie en France : 13 août 1954
Durée : 89’
Genre : aventures, comédie
Etats-Unis-1953