Doté d’une nouvelle restauration 2K inédite en France, Le Dernier Métro de François Truffaut fait l’objet, aux éditions Carlotta, d’un coffret ultra collector très généreux en suppléments.
Dix Césars et une nomination aux Oscars. La réception critique du Dernier Métro fut en son temps particulièrement enthousiaste. Il faut dire que François Truffaut y donne la pleine mesure de son talent, en faisant cohabiter plusieurs objets d’observation : le couple, célèbre invariant truffaldien, la société française sous l’Occupation, mais aussi le fonctionnement interne d’un théâtre parisien. Le dramaturge juif Lucas Steiner y vit caché dans une cave, où sa femme Marion (excellente Catherine Deneuve) le rejoint chaque soir. Alors qu’une pièce est en cours de répétition, un jeune acteur est engagé, Bernard Granger, interprété par Gérard Depardieu. Le Dernier Métro va alors se pencher sur l’éveil amoureux de Marion et Bernard, sur fond de menace allemande permanente – et symbolisée dans le film par les apparitions inopinées et régulières de Daxiat, un journaliste antisémite collaborationniste.
Partiellement inspiré de la vie de Margaret Kelly et Marcel Leibovici, mais aussi d’événements impliquant Sacha Guitry ou Jean Marais, Le Dernier Métro est un film choral, où le monde extérieur s’efface en faveur d’un espace culturel clos et relativement préservé. Le théâtre y fait en effet office de personnage à part entière, caractérisé par un enchevêtrement de corridors, d’escaliers, de pièces, de portes et de trappes. C’est là que se tapit un père symbolique sous triple menace étrangère (extérieure, allemande et antisémite), condamné au silence et à l’isolement. La grande force de François Truffaut tient probablement à l’extrême richesse d’un long métrage pourtant linéaire et en apparence évident : derrière un récit sobre progressant lentement foisonnent les sous-propos et les références. Au désir transgressif, à l’émulation créative et culturelle, à la réalité historique viennent ainsi se juxtaposer des citations d’Ernst Lubitsch ou Jean Renoir, des métaphores situationnelles (le lavage de tête de l’enfant après qu’un officier allemand l’a caressée) ou encore des « observations clandestines » (à travers les vitres d’un café, les projections d’ombres/reflets, l’entrebâillement des portes ou un système auditif rendu possible par les conduits menant à la cave du théâtre).
Ces « observations clandestines » prennent un sens particulier dans la France occupée de 1942. Les intrusions de Daxiat y apportent d’ailleurs une lumière profuse : celui auquel Bernard Granger refusera de serrer la main est un trait d’union entre la vie artistique parisienne et la vie idéologique collaborationniste. Du début à la fin du film, le Théâtre Montmartre se confond avec une famille (artistique, intellectuelle, amicale) dont la maison peut à tout moment se voir assiégée par des intrus (un journaliste un peu trop curieux donc, mais aussi des officiers allemands, omniprésents, ou même la police française, qui risquerait de découvrir la cache de Lucas Steiner en enquêtant sur des vols). Le Dernier Métro parvient à planter un décor politique effroyable avec une rare économie de moyens : c’est un jambon dissimulé dans l’étui d’un violoncelle, une grille de mots croisés abjecte, une déclaration sur l’honneur attestant que les comédiens n’ont pas d’origines juives, une étoile jaune entravant les déplacements des individus contraints de la porter ou un amoncellement de képis allemands.
TECHNIQUE & BONUS
Dotée d’une restauration 2K encore inédite en France, cette édition bénéficie d’une qualité d’image très appréciable, tant en ce qui concerne l’absence de scories que la remarquable gestion du grain ou des couleurs. On citera en premier lieu, parmi les nombreux bonus, l’ouvrage de Jérôme Wybon, dûment intitulé Dans les coulisses du Dernier métro. Il comprend des conversations entre François Truffaut et Claude de Givray, des informations sur les personnages ou le tournage, mais aussi une chronologie de l’Occupation ou des extraits de critiques de presse. L’une des ressources les plus précieuses du livre relève sans conteste de la présence de fiches sur les personnages rédigées par François Truffaut. On y comprend les déterminants essentiels des protagonistes, mais aussi la manière dont le cinéaste a voulu les articuler.
Les autres suppléments (avec le descriptif de Carlotta) :
. COMMENTAIRE AUDIO DE JEAN-PIERRE AZÉMA (HISTORIEN) AVEC SERGE TOUBIANA (BIOGRAPHE DE FRANÇOIS TRUFFAUT) ET GÉRARD DEPARDIEU
. PRÉSENTATION DU FILM PAR SERGE TOUBIANA
. LES NOUVEAUX RENDEZ-VOUS (11 mn)
Réalisation : Rémy Grumbach – © 1980 INA
François Truffaut évoque le monde du spectacle sous l’Occupation, tandis que Gérard Depardieu et Catherine Deneuve parlent de leur personnage dans Le Dernier Métro.
. CINÉ-REGARDS : LE FILM DE LA SEMAINE (2 mn)
Réalisation : Pierre-Alain Beauchard – © 1980 INA
Le directeur de la photographie Néstor Almendros revient sur la difficulté de trouver une image en couleur de l’Occupation, souvent associée au noir et blanc dans l’imaginaire collectif.
. LE PARTAGE DU PLAISIR : SOUVENIRS PERSONNELS DU « DERNIER MÉTRO » (67 mn – HD)
Dans ce documentaire inédit réalisé par Robert Fischer, les actrices Paulette Dubost, Andréa Ferréol et Sabine Haudepin, le réalisateur Alain Tasma et les opérateurs Florent Bazin et Tessa Racine évoquent leurs souvenirs du tournage.
. SCÈNE COUPÉE (5 mn)
. BANDE-ANNONCE ORIGINALE
Ces documents, foisonnants de détails et d’anecdotes, sont l’occasion de voir Catherine Deneuve s’épancher sur son rôle, d’entendre François Truffaut s’expliquer sur ses choix de réalisation et de casting, ou de revenir sur ses relations avec les comédiens. Le cinéaste français, héraut de la Nouvelle vague, s’exprime aussi sur son emploi du temps et sur la distance qui sépare un critique (sa précédente activité) d’un scénariste et d’un réalisateur. Naturellement, la représentation de l’Occupation et les reliefs amoureux du film, notamment à l’aune du personnage de Bernard Granger, figurent également en bonne place dans ces suppléments.
BD 50 • MASTER HAUTE DÉFINITION • 1080/23.98p • ENCODAGE AVC
Version Française DTS-HD Master Audio 1.0
Format 1.66 respecté • Couleurs • Durée du Film : 132 mn
DVD 9 • NOUVEAU MASTER RESTAURÉ • PAL • ENCODAGE MPEG-2
Version Française Dolby Digital 1.0
Format 1.66 respecté • 16/9 compatible 4/3 • Couleurs • Durée du Film : 127 mn